25 mai 2023 - 07:02
Saint-Valérien-de-Milton
Le pont des Soupirs
Par: Le Courrier
Martin Bourrassa

Martin Bourrassa

Paré pas paré, j’y vais. Au risque de déplaire aux historiens et aux mordus de patrimoine, les gens de Saint-Valérien-de-Milton méritent un pont accessible, solide et moderne. Un pont apte à faire ce à quoi l’on s’attend d’un tel ouvrage, soit qu’il relie deux rives tout en permettant la libre circulation des piétons et des véhicules lourds puisque le pont en question se trouve en pleine campagne.

Le débat sur l’avenir du pont Paré ne date pas d’hier à Saint-Valérien ni à la grande table de la MRC des Maskoutains. Il oppose quelques rares partisans de sa préservation et de sa remise en état aux autres qui prônent sa reconstruction selon les normes actuelles. Il faut savoir que ce pont est fermé à la circulation depuis bientôt 10 ans! Il y a donc près d’une décennie que les gens de cette région font des détours obligés de 7 kilomètres et attendent qu’il se passe quelque chose du côté du ministère des Transports. Bruits de criquets…

Dans les faits, il y a eu beaucoup d’action en coulisses et même des revirements de situation spectaculaires ces derniers temps. Deux rapports d’expertises, réalisés à 12 ans d’intervalle, ont d’abord confirmé le très grand intérêt patrimonial du pont Paré, tout en soulignant sa grande valeur (?) pour la collectivité.

Son intérêt patrimonial est documenté. Construit en 1920 à l’aide de poutres triangulées en acier, ce pont appartient à une espèce menacée. Il resterait environ une dizaine d’infrastructures semblables au Québec, mais celui-ci serait le plus long encore debout et le seul exemplaire en Montérégie, donc dans notre MRC.

Un pont assez rare et d’intérêt, mais pas tant dans le fond.

En photo, l’ouvrage paraît encore assez bien. Les images sont même bucoliques. Sauf que si vous prenez la peine d’aller le marcher, la réalité est tout autre. Le poids des années a fait son œuvre et son tablier est défoncé par endroit. Voilà bien la preuve que notre patrimoine bâti est à reconstruire. C’est donc avec un désir de sauvegarde que la MRC s’est d’abord positionnée en faveur de sa préservation, allant jusqu’à tenter de le faire citer patrimonial par le ministère de la Culture et des Communications. En vain. Le Ministère milite toutefois pour qu’on le conserve et s’en remet au ministère des Transports pour s’assurer que ce soit bien fait.

Pour ma part, je m’interroge sur la valeur véritable d’un pont fermé depuis 10 ans dans une communauté. Pour alimenter la nostalgie, c’est pratique, mais pour nourrir la frustration de ceux et celles qui subissent cette fermeture, c’est encore mieux. C’est encore plus vrai si cette attente devait déboucher sur un pont revampé et peu utile.

De là, la mobilisation citoyenne en faveur de la construction d’un pont plus large et plus fort, adapté aux besoins actuels. C’est la pression citoyenne, appuyée par la Municipalité, les services d’urgence, l’UPA et une pétition portée par 300 signatures, qui a fait tourner le vent à la MRC. La voilà qui se ravale et prône maintenant la démolition et le remplacement du pont par un ouvrage moderne. Je ne vois rien de mal dans le fait de changer d’idée. Même que le débat pourrait être plus large à mon avis.

A-t-on considéré une troisième option, celle de conserver le vieux pont et d’en construire un nouveau? Cela s’est déjà fait par le passé à Saint-Pie, où deux ponts se voisinent bizarrement, pour ce qui semble être le plus grand bonheur de tous.

Inauguré en 1908, l’ancien pont de Saint-Pie a servi jusqu’à la fin des années 1960, avant d’être limité à la circulation de piétons et de cyclistes, puis définitivement fermé en 1989. En 2008, il a été cédé à un organisme communautaire voué à sa restauration, ce qui a permis sa réouverture aux cyclistes et piétons à partir de 2009.

L’ancien pont de Saint-Pie est aujourd’hui un vestige qui fait le bonheur des amateurs de patrimoine et l’indifférence des autres. Ce scénario pourrait-il se reproduire à Saint-Valérien? Encore faudrait-il qu’il y ait des gens locaux intéressés à investir du temps et de l’énergie à promouvoir la restauration du vieux pont. Pour l’heure, à Saint-Valérien, la priorité en matière de sauvegarde de patrimoine semble être de sauvegarder l’église du village, pas le vieux pont. Reste à savoir si ce sont des fonctionnaires ou les premiers concernés, ses utilisateurs réguliers, qui auront le dernier mot.

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