Nous avons obtenu copie de ce document de 30 pages, partiellement caviardé et portant la mention « confidentiel », en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.
En 2014, la Financière agricole avait mandaté le Centre d’études sur les coûts de production en agriculture (CECPA) pour réaliser une étude complète sur les coûts de production des veaux de lait basée sur l’année 2013.
« Étant donné les difficultés rencontrées depuis de nombreuses années pour établir des coûts de production transparents et crédibles, le conseil d’administration de la Financière agricole a pris la décision de changer l’approche méthodologique habituelle en confiant au CECPA un mandat élargi », peut-on lire en première page du rapport.
Le CECPA s’était donc vu confier un mandat complémentaire afin d’évaluer sur une période de cinq ans la situation économique et financière des entreprises œuvrant dans cette industrie.
Les services de la firme de juricomptabilité Accuracy avaient été requis pour dresser entre autres, un portrait complet de la structure corporative des différents acteurs impliqués dans ce secteur d’activité.
En septembre 2013, un comité de pilotage – veaux de lait avait été formé afin d’assurer le suivi des travaux du CECPA et de faire rapport au conseil d’administration de la FADQ.
Des représentants de la Financière agricole, du ministère de l’Agriculture, de la Fédération des producteurs de bovins, de l’UPA et du CECPA siégeaient également sur ce comité de pilotage.
Deux joueurs majeurs
Le rapport de ce comité rappelle en préambule que le secteur du veau de lait « est contrôlé presque entièrement par deux joueurs qui intègrent les différents maillons de la filière, soit la fourniture des intrants, la production, l’abattage et la transformation ».
Ces deux joueurs, dont l’identité est censurée dans la copie du rapport obtenu par LE COURRIER, sont Délimax et son concurrent Écolait dont le siège social est établi à Saint-Hyacinthe. Les deux entreprises contrôlent 90 % de l’industrie du veau de lait au Québec.
Le comité constate que « la forte intégration des différents maillons de l’industrie rend difficile le positionnement de frontières objectives entre les risques appartenant aux fournisseurs, aux producteurs, aux acheteurs et aux transformateurs ».
Le programme ASRA offre une couverture d’assurance sur les pertes dues à un faible prix du marché ou à un coût de production élevé. « Pour pouvoir s’inscrire à cette couverture, les adhérents doivent être propriétaires des unités assurables (veau de lait) et avoir un intérêt assurable, c’est-à-dire qu’ils doivent être ceux qui encourent les risques couverts par le programme, soit ceux liés à la diminution du prix du marché ou à l’augmentation du coût de production », peut-on lire dans un document annexé au rapport.
« Si par le biais d’une remise de dette, un éleveur est assuré de recevoir un montant préétabli pour l’engraissement de ses animaux, il n’encourt pas les risques couverts par le programme et n’est donc pas admissible. »
En janvier 2015, la FADQ avait préalablement adopté des mesures qui avaient entraîné une réduction significative des montants octroyés à ce secteur via le programme ASRA.
« Nos analyses indiquent que des montants significatifs ont été accordés par les fournisseurs (intégrateurs) aux adhérents ASRA (éleveurs) à titre de remise de dette ou d’escomptes, faisant en sorte que les coûts d’alimentation ne sont pas représentatifs de la réalité », avait alors expliqué dans nos colonnes, Louis-Pierre Ducharme, porte-parole de la FADQ.
Concurrence et transparence
Le prix des aliments lactés nécessaire à l’élevage de veaux de lait et le prix de vente des veaux font également l’objet de commentaires dans le rapport.
« Globalement, on note peu de concurrence pour le prix des aliments lactés et peu de transparence et d’indépendance quant à la détermination des prix de vente des veaux. »
Au terme du rapport, le comité de pilotage avait conclu qu’« à la lumière de l’ensemble des constats effectués, la Financière agricole doit envisager le retrait du produit ASRA – Veau de lait ».
Les membres du comité avaient convenu « que le statu quo n’est pas une option à envisager pour soutenir le secteur du veau de lait ». Ainsi, ils avaientproposé une transition vers d’autres pistes de solutions comme l’admissibilité des entreprises aux programmes Agri-stabilité, Agri-investissement et au programme d’assurance récolte.
Finalement, le rapport détaillé de cette étude sur le coût de production de l’industrie du veau de lait n’a jamais été publié.
« Le CECPA n’a pas complété les travaux visant la détermination d’un coût de production dans le secteur veaux de lait pour l’année 2013. En ce sens, aucun rapport final ne sera publié sur notre site Internet », nous avait écrit Marie-Claude Cameron, adjointe à la direction du CECPA, dans un courriel daté de janvier 2015.