Pour interpréter cette histoire d’amitié profonde entre un vieil épicier arabe et un jeune garçon de confession juive, Éric-Emmanuel Schmitt se glisse tour à tour dans la peau de chaque personnage qui compose l’œuvre théâtrale.
« C’est très rare de voir un écrivain venir sur une scène avec ses personnages. Il faut être un peu allumé comme moi et n’avoir peur de rien. À chaque représentation, j’ouvre mon théâtre intérieur et mes personnages parlent », raconte en entrevue au COURRIER, Éric-Emmanuel Schmitt.
« Le texte de cette pièce date de 1999 et il n’a jamais cessé d’être joué. Les spectateurs en ressortent avec un immense sourire et les yeux embués. Ils sont heureux de trouver une humanité pleine de tendresse et de bienveillance où les emmènent Momo (le garçon juif) et Monsieur Ibrahim », poursuit-il.
Nous avons joint Éric-Emmanuel Schmitt à Bruxelles, devenue sa terre d’adoption depuis qu’il a reçu la nationalité belge en 2008. Avant d’entamer une tournée québécoise qui lui fera visiter 23 municipalités, le populaire écrivain est revenu d’Asie où il a participé à des rencontres à Hong Kong et au Vietnam.
À l’instar de son auteur qui parcourt le monde, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran a été applaudie sur de nombreuses scènes.
« Il y a plusieurs années, cette pièce a été jouée au théâtre Habima de Tel-Aviv (Israël), un soir en arabe et un soir en hébreu parce que les partisans de la paix des deux côtés voulaient que ce texte soit le flambeau de la volonté de s’entendre. Je n’aurais jamais imaginé en écrivant ce texte qu’il aurait ce destin », confie Éric-Emmanuel Schmitt.
L’an prochain, il présenta son œuvre aux États-Unis en langue française accompagnée de sous-titres. « Je pourrais l’interpréter en anglais, mais cela ferait beaucoup d’exotisme pour les spectateurs », croit le renommé écrivain.
Journal d’Anne Franck
Pour une seconde fois, une pièce d’Éric-Emmanuel Schmitt est présentée à Saint-Hyacinthe.
En mars 2015, son adaptation du Journal d’Anne Franck avait fait escale au Centre des arts Juliette-Lassonde. La jeune fille juive qui écrit ce journal intime avait été interprétée par la Maskoutaine Mylène St-Sauveur.
En lui rappelant cette pièce, M. Schmitt exprime son admiration pour la qualité de la distribution. « Je suis joué dans cinquante pays et c’est encore plus important pour moi d’être joué dans ma langue de l’autre côté de l’océan. En plus, vous avez des acteurs que j’adore. Servez-vous chez moi. Ne vous gênez surtout pas! », lance-t-il en riant.
Abondante production
Éric-Emmanuel Schmitt s’est imposé sur la scène littéraire internationale avec une abondante production allant des romans aux pièces de théâtre en passant par des nouvelles et des essais. Ses livres ont été traduits en 44 langues.
« Je commence à écrire un livre que lorsque j’ai trouvé la première phrase. Dans Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, c’est « À onze ans, j’ai cassé mon cochon et je suis allé voir les putes ». Avec une première phrase comme celle-là, vous n’avez plus qu’à tirer le fil », mentionne l’auteur.
À l’écouter, lorsqu’il dépose son crayon sur le papier, les mots se mettent aussitôt à courir sur la feuille. « Pour moi l’écriture est une chose naturelle. J’écris comme le pommier fait des pommes. Mes livres, je les rêve très longtemps. L’histoire et les personnages murissent en moi. »
Nous avons demandé à Eric-Emmanuel Schmitt de présenter en quelques phrases son dernier roman, L’homme qui voyait à travers les visages qui est sorti en septembre.
« Le héros, Augustin, est un jeune journaliste qui fait un stage non rémunéré dans un petit journal de province. Augustin a un don incroyable; lorsqu’il est en face de quelque-un, il voit son passé. Ce personnage va se retrouver au cœur des événements de notre époque. Un terroriste s’est fait exploser à la sortie d’une messe et Augustin a vu la personne qui l’accompagnait. Il va participer à l’enquête… »