La nouvelle a été partagée le 7 mai dans une publication de Sanair relayée sur les réseaux sociaux. Les circonstances de son décès n’ont pas été divulguées. Selon nos informations, sa santé était devenue plus fragile depuis le début de l’année.
Décrit par plusieurs comme un pionnier, un avant-gardiste et un homme de convictions, Jacques Guertin aura laissé une marque indélébile dans la région.
« L’emblème de Sanair, c’est Jacques Guertin », a souligné le maire de Saint-Pie, Mario St-Pierre, lorsque joint par LE COURRIER.
Le passionné de courses automobiles avait fondé la piste de Sanair en 1969. Grâce à un investissement de plus d’un million de dollars, il avait aménagé une piste d’accélération, donnant le coup d’envoi à une longue histoire de sports motorisés à Saint-Pie. Au fil des ans, un site de motocross, un circuit routier et une piste triovale ont notamment été aménagés dans le cadre de l’expansion de Sanair. Ces installations ont permis de présenter des épreuves d’envergure, particulièrement dans les années 1980 avec la tenue du Grand National Sanair et le passage des voitures Indy Car.
« Jacques Guertin, c’était une des personnes les plus passionnées que j’ai rencontrées dans ma vie », a indiqué le pilote maskoutain Bertrand Godin en entrevue.
« C’est une perte pour le sport motorisé, a pour sa part confié le Maskoutain Dominic Lussier, copropriétaire de l’Autodrome Granby et du RPM Speedway, qui connaissait bien M. Guertin. En même temps, il était rendu à 90 ans et il avait donné sa juste part pour les courses. C’est un gars qui s’est battu pour ses idées. C’était un coriace, M. Guertin. Quand il décidait qu’il voulait quelque chose, rien ne l’arrêtait. »
Encore récemment, en 2019, il avait réussi à obtenir gain de cause face à un règlement municipal concernant le bruit qui aurait pu mettre en péril la pérennité du circuit. « On a toujours eu de bons échanges, même si on n’avait pas tout à fait la même opinion sur le bruit, a souligné le maire de Saint-Pie. On avait quand même une bonne relation. Il avait mon numéro de téléphone et j’avais le sien. Il était facile d’approche et il collaborait tout le temps. On a toujours su s’arranger et s’accommoder. »
Un personnage unique
Jacques Guertin était aussi réputé pour avoir des idées qui sortaient de l’ordinaire. Sur le site de Sanair, il avait érigé une maison atypique – une tour de 10 étages à la forme cylindrique – dans laquelle il vivait. Puis, au milieu des années 1980, il avait adopté un cougar comme animal domestique – qu’il avait nommé Max – tout juste avant qu’une loi interdise la captivité de tels animaux sauvages au Québec.
Avec une personnalité aussi éclatée, ce personnage emblématique a été plongé dans certaines controverses au fil du temps, notamment à la suite d’une série de décès survenus en l’espace de quelques années sur les pistes de Sanair. Malgré ces tragédies et une enquête du coroner, il avait toujours défendu bec et ongles la sécurité de sa piste.
« Ce n’est pas la piste qui est assise entre la selle et les guidons. Il n’y a rien à changer sur cette piste. Elle est parfaite comme ça, avait-il dit à l’époque où les projecteurs étaient braqués sur Sanair pour les mauvaises raisons. […] C’est plutôt l’idée de vendre librement des engins qui circulent à des vitesses supersoniques à des personnes sans expérience qu’il faudrait interroger. »
Il avait aussi retenu l’attention en 2017 alors qu’il avait poursuivi le chroniqueur météo du COURRIER, Michel Morissette, sans toutefois réussir à obtenir gain de cause. Après avoir annulé une soirée de course par crainte de voir la pluie gâcher l’événement alors qu’il a finalement fait beau, M. Guertin tenait le chroniqueur météo responsable des pertes que cela avait engendrées parce qu’il s’était fié aux prévisions de pluie que M. Morissette avait partagées au 771-BEAU.
« Une personne spéciale comme lui, je peux comprendre que ça puisse déranger parce que c’est tellement hors normes, a reconnu Bertrand Godin. Mais c’était un visionnaire qui voyait les choses à sa façon et qui n’avait pas peur de faire les choses différemment. »
Le pilote a d’ailleurs partagé le « grand respect » qu’il avait « pour un bâtisseur comme lui ». « Ce que j’ai toujours apprécié de Jacques, c’est qu’il donnait la chance aux jeunes de faire un sport dans un environnement contrôlé », a-t-il ajouté.
La suite pour Sanair?
Avec le décès de Jacques Guertin, quelle sera la suite pour Sanair? Dans l’immédiat, il n’a pas été possible d’avoir une réponse claire, mais tout indique que les activités se poursuivront.
« Bien que son départ soit une perte immense, la relève est en place, a-t-il été écrit sur la page Facebook de Sanair. Fidèle à la philosophie de M. Guertin, une nouvelle génération, animée par la même passion et le même souci d’excellence, poursuivra avec fierté le développement de Sanair. La mission qu’il s’était donnée – faire de Sanair un lieu de dépassement, de communauté et de tradition – se poursuivra dans le respect de son héritage. »
Le maire de Saint-Pie a reconnu ne pas être au courant des plans pour la suite de Sanair, mais il est d’avis que le site continuera d’accueillir les adeptes de courses automobiles. « On entend toute sorte de choses présentement, mais on m’a dit qu’il s’était bien préparé pour que ça continue après son départ. […] C’était un gars prévoyant. Je suis convaincu qu’il a prévu quelque chose. »
Jacques Guertin était tellement attaché à sa piste qu’il avait formulé une demande officielle afin d’être enterré sur le site de Sanair le moment venu, a-t-on appris. La Municipalité de Saint-Pie avait été sollicitée dans sa démarche et l’avait accompagné à travers celle-ci, mais sa demande avait finalement été refusée par le ministère de la Santé et des Services sociaux.