C’est notamment le cas des enseignants, a confirmé le président du Syndicat de l’enseignement Val-Maska, Patrick Théroux. Il déplore que la situation entourant la COVID-19 soit venue mettre un poids supplémentaire sur les épaules de ses membres, dans un contexte où la main-d’œuvre faisait déjà cruellement défaut. Résultat : l’inquiétude est grande que ce soit maintenant une épidémie d’épuisement professionnel qui gagne le corps professoral.
« C’est vraiment marquant cette année. Tout le monde est à bout de souffle », a commenté M. Théroux pour décrire l’ambiance actuelle dans les écoles, et ce, alors que le mois d’octobre n’était même pas encore passé au moment de l’entrevue.
Comme la banque de suppléants est pratiquement vide, « des enseignants se retrouvent souvent dans l’obligation de faire de la suppléance en plus de leurs tâches habituelles », a-t-il rapporté. Ajoutez-y les formations obligatoires et les réunions, et vous obtenez un horaire surchargé où il faut souvent préparer ses cours ou effectuer la correction les soirs et les fins de semaine, donne en exemple M. Théroux.
C’est sans compter l’adaptation nécessaire pour basculer au besoin en enseignement à distance, une toute nouvelle réalité pédagogique qui a dû être adoptée à vitesse grand V. « On en demande beaucoup en ce moment aux enseignants », résume le président de leur syndicat, qui appelle les directions à leur « donner un peu d’air » dans les circonstances. « Il faut s’adapter, on ne peut pas faire comme si on était dans une situation normale », a-t-il demandé.
Une lourde tâche
Question d’avoir un écho du terrain, LE COURRIER s’est également entretenu avec une enseignante du secondaire qui compte plusieurs années d’expérience et qui corrobore la situation décrite par le syndicat. « La tâche [d’enseignant] s’est alourdie avec les années », dit-elle constater. La tendance date d’avant la COVID-19, mais la problématique s’est clairement aggravée avec la pandémie, a-t-elle rapporté en décrivant une « désorganisation » dans le réseau et des collègues « dépassés » depuis le début de l’année. Même si l’année scolaire est encore jeune, « ça tombe comme des plumes autour de moi », a-t-elle témoigné.
« Nos membres font ce qu’ils peuvent, mais on a tous une limite », a également soulevé le président du Syndicat de l’enseignement Val-Maska, déplorant que certains milieux deviennent de véritables « portes tournantes ». Il se dit par ailleurs bien conscient que le cas des enseignants n’est pas unique. La pénurie de main-d’œuvre et la surcharge de travail touchent également le personnel de soutien, qui est pourtant indispensable pour offrir du support à certains élèves en difficulté, dans le cas des techniciens en éducation spécialisée (TES), pour ne prendre que cet exemple.
Un peu de respect
L’enseignante à qui nous avons parlé décrit les dernières semaines comme un véritable « tourbillon », notamment lorsqu’arrive le temps de faire de l’enseignement dit « hybride », avec à la fois des élèves en classe et d’autres à la maison.
Avec le recul, il semble que la longue suspension des cours au printemps, suivie d’un retour particulier en fin d’année, a porté un dur coup à la motivation de certains élèves. Le message qu’on pouvait percevoir, c’est que les jeunes devaient retourner en classe pour que leurs parents recommencent à travailler, dans un contexte de réouverture de l’économie. « On a été traités comme des gardiens d’enfants plus que comme des pédagogues », a-t-elle déploré.
En plus de la motivation vacillante, l’enseignante dit constater récemment un autre changement troublant « dans la façon dont ils [les étudiants] s’adressent à nous ». Elle appelle donc à préserver un minimum de respect envers les figures d’autorité, un apprentissage qui commence aussi à la maison. « Il faut que les parents nous aident là-dedans », a-t-elle lancé.
Chiffres officiels?
Du côté du Centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe (CSSSH), auprès duquel LE COURRIER a fait une demande pour avoir des données officielles sur le sujet, on note que la problématique est « difficile à chiffrer » puisque les « diagnostics d’épuisement professionnel ou de “burn-out” n’existent pas d’un point de vue médical », a expliqué Esther Charette, régisseuse aux communications pour l’organisation.
Le CSSSH a néanmoins précisé qu’il dénombrait, en date du 21 octobre, 67 dossiers relatifs à une absence de plus de cinq jours parmi ses employés, une situation qui peut être liée à divers motifs. C’est cependant moins qu’à la même période l’an dernier, où 85 dossiers étaient comptabilisés. Cette fois, il y a cependant 281 dossiers supplémentaires en raison d’employés qui ont dû s’absenter en raison de symptômes liés à la COVID-19, a-t-on précisé. Il n’a pas été possible d’avoir les données par corps de métier pour des raisons de « confidentialité des dossiers médicaux ».
Le CSSSH demeure « soucieux de la santé de son personnel », précise Mme Charette, rappelant qu’un programme gratuit et confidentiel d’aide aux employés est offert à tout le personnel régulier. « Tout membre du personnel qui vit du stress, de l’épuisement ou de la fatigue est invité à en parler à sa direction » afin de trouver des solutions, a-t-elle aussi ajouté.