29 juin 2023 - 07:00
L’ère du feu
Par: Le Courrier
En Amérique du Nord, nous avons subi un printemps chaud et sec très propice aux feux de forêt. En Alberta, des milliers d’hectares de forêt brûlent depuis deux mois. Puis, nous avons eu la surprise de voir la Nouvelle-Écosse dans cette tourmente. Et depuis quelques semaines, c’est au tour du Québec. Les médias font état de centaines de feux hors contrôle, de 550 000 hectares partis en fumée, de l’évacuation de Lebel-sur-Quévillon et de Chibougamau, sans oublier des avertissements de piètre qualité de l’air. Les premiers ministres Legault et Trudeau admettent que la saison des incendies risque d’être intense. Pourtant, l’été n’a officiellement débuté que le 21 juin! D’ici la fin de la saison des feux de forêt, il y a trois longs mois!

En plus des ouragans comme Fiona et des inondations, dont celle de Baie-Saint-Paul, les changements climatiques produisent des conditions propices aux feux de forêt. Dans certains endroits, le thermomètre indique 15 °C au-dessus de la normale avec un faible taux d’humidité; ce sont des conditions presque aussi extrêmes que dans la fournaise de la redoutable Death Valley de Californie. Depuis quelques années, l’humanité a été témoin d’incendies monstrueux en Australie, en Californie et en Europe. Dans cette liste de méga-incendies, il faut parler nécessairement de La Bête (The Beast) de Fort McMurray en 2016. Les statistiques de ce désastre sont effarantes : 590 000 hectares de forêt boréale consumés, 88 000 personnes évacuées, 2400 maisons détruites et des dommages matériels qui frôlent les 9,9 G$.

Dans un livre qui vient tout juste d’être publié, John Vaillant fait l’autopsie de l’horreur de ce désastre. Dans une entrevue, l’auteur nous dit que les conditions extrêmes ont changé le comportement des grands incendies. Le surnom The Beast lui vient de sa capacité de se reproduire avec des tornades de feu et de tout dévorer comme une bête maléfique de la mythologie. Durant cette conversation, nous comprenons que les énergies fossiles vont de pair avec le feu. L’auteur affirme également que l’Alberta est une filiale de l’industrie pétrolière. Ce commentaire est intéressant si on considère que l’Alberta a réélu Danielle Smith comme première ministre alors que les incendies grondaient, encore une fois, dans cette province! Enfin, il suggère d’établir la balance entre les véritables coûts des énergies fossiles et les bénéfices que ses promoteurs nous vantent tant!

Ce qui nous amène aux pertes financières occasionnées par les catastrophes naturelles. Les feux de forêt et The Beast imposent des coûts sociaux énormes. « Le dernier rapport du gouvernement canadien indique que chaque tonne de carbone occasionne 250 $ de dommages à la société. »

Les gouvernements aident les sinistrés et payent pour les frais médicaux reliés à la piètre qualité de l’air, les bûcherons et les compagnies forestières perdent des milliers d’hectares de bois pour des décennies, alors que les citoyens subissent les inconvénients et payent des primes d’assurances plus élevées… s’ils peuvent s’assurer. En effet, « State Farm a annoncé qu’il cesserait de vendre de nouvelles polices d’assurance aux propriétaires en Californie, ce qui aggraverait les problèmes de milliers de personnes dans cet État sujet aux incendies de forêt. » Pendant ce temps, les pétrolières engrangent des profits faramineux!

Depuis la nuit des temps, l’humanité a utilisé le feu pour satisfaire ses besoins, mais elle utilisait des énergies renouvelables comme le bois pour suppléer à l’énergie musculaire des animaux de trait.

Depuis deux siècles, la révolution industrielle a inauguré l’ère du feu qui utilise des énergies fossiles. Pour produire de l’énergie, le feu dévore le carburant en le combinant à l’oxygène. Cette « digestion chimique » émet dans l’atmosphère du carbone séquestré dans le sous-sol depuis des millions d’années. C’est vrai dans une fournaise, dans une chaudière ou dans les cylindres qui actionnent les pistons du moteur d’une automobile. Utilisée à grande échelle, cette réaction chimique déséquilibre le climat de la planète. Si les humains ne contrôlent pas leurs appétits gargantuesques pour le feu, les ouragans, les inondations, les sécheresses et les feux de forêt qui nous accablent présentement sont un pâle présage de l’avenir. Pour minimiser les conséquences funestes de l’ère du feu, il faut des énergies sans combustion, comme l’hydro-électricité, le solaire, l’éolien et la géothermie.

Gérard Montpetit, membre du CCCPEM (Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain)

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