Encore une fois cette année, le Comité Logemen’mêle sonne l’alerte quant à la crise du logement qui perdure au Québec, causant de sérieux maux de tête à un grand nombre de locataires. Selon l’organisme œuvrant à la défense individuelle et collective des droits des locataires, la situation reste préoccupante dans la MRC des Maskoutains : plusieurs ménages peinent toujours à trouver un logement financièrement accessible.
Les loyers ne cessent de grimper, avec une hausse de près de 6 %, selon l’indice du Tribunal administratif du logement (TAL) pour la dernière année comptable, tandis que la rareté des logements se maintient. Après une légère embellie en 2023 avec un taux d’inoccupation à 2 % dans la région, celui-ci est retombé à 1,5 % cette année, révélant un nouveau recul.
« Nos partenaires dans les municipalités et la MRC des Maskoutains sont très actifs à trouver des solutions pour la construction de logements qui répondent réellement aux besoins de la population. Les difficultés vécues proviennent de décisions ou d’absence de décisions du gouvernement du Québec », soutient Marie-Claude Morin, directrice générale du Comité Logemen’mêle.
L’organisme déplore plusieurs décisions récentes du gouvernement qui auraient des conséquences directes sur les locataires.
Même si un moratoire interdit les évictions liées à la subdivision ou à l’agrandissement, certains propriétaires usent de stratagèmes pour contourner la loi, selon l’organisme. Pour Logemen’mêle, nombre de locataires hésitent à faire valoir leurs droits. Lorsqu’ils le font, ils constatent que le TAL ne leur offre pas toujours le soutien espéré. À Saint-Hyacinthe, les audiences tardent, d’autant plus que les bureaux ne sont ouverts que deux jours par semaine.
« Il a fallu plus de six semaines pour obtenir un rendez-vous pour une locataire qui devait déposer un recours urgent concernant des travaux! » illustre Pier-Alexandre Nadeau-Voynaud, organisateur communautaire pour Logemen’mêle. Il dénonce également un récent décret ministériel qui modifie le calcul des hausses de loyer autorisées. « La ministre de l’Habitation a adopté sans débat la formule proposée par les associations de propriétaires. C’est un cadeau offert sans commission parlementaire et dans la discrétion la plus totale », ajoute-t-il. La crise, selon lui, est loin d’être résolue.
Selon l’organisme, mieux outiller les citoyens est une façon concrète de prévenir les abus. Mais au-delà de l’information, des mesures structurelles s’imposent : contrôle des loyers, accès élargi à la justice et protection renforcée pour les locataires. Logemen’mêle rappelle par ailleurs qu’il offre, sur demande, des ateliers d’éducation populaire dans les organismes et les institutions locales afin d’informer les locataires sur leurs droits et obligations.
Le Comité Logemen’mêle a réalisé 623 interventions au cours de la dernière année, une hausse marquée par rapport à l’année précédente. Ce chiffre demeure toutefois inférieur à celui de 2022-2023, où près de 1000 interventions avaient été comptabilisées.
Les enjeux les plus souvent signalés concernent la hausse des loyers, les évictions, les reprises, les rénovictions et les conflits de cohabitation. Les femmes représentent la majorité des personnes accompagnées (58 %). En ce qui concerne les groupes d’âge, toutes les catégories sont relativement touchées de manière égale, à l’exception des personnes âgées de 70 ans et plus ainsi que des jeunes adultes de 20 à 30 ans, qui semblent moins affectés.
Manque de logements abordables : la pression monte
Le directeur général d’Habitations Maska, Jean-Claude Ladouceur, partage les mêmes inquiétudes que bien d’autres acteurs du milieu concernant la pénurie de logements abordables. « Ce phénomène, autrefois limité aux grands centres urbains, s’étend désormais à l’ensemble du Québec. La grande région de Saint-Hyacinthe n’y échappe pas : les logements abordables se font de plus en plus rares », souligne-t-il.
Depuis 2022, Habitations Maska est mandaté par l’Office d’habitation des Maskoutains et d’Acton pour offrir un service d’aide à l’habitation, visant à accompagner les citoyens éprouvant des difficultés à se loger. Depuis le début de l’année, 104 demandes ont été enregistrées et, à l’approche du 1er juillet, 14 ménages sont toujours sans logement.
Selon M. Ladouceur, le véritable problème n’est pas tant la quantité de logements disponibles, mais leur accessibilité financière. « C’est la montée des loyers qui alimente la crise. Pour plusieurs, c’est devenu un vrai casse-tête. Quand on gagne moins de 25 000 $ par année, trouver un logement adéquat est pratiquement mission impossible », affirme-t-il.
Pour les ménages sans toit, Habitations Maska explore différentes pistes de solutions. « On tente de négocier avec les propriétaires pour permettre aux gens de rester dans leur logement. Parfois, une entente est possible. » Il ajoute que des propriétaires sont parfois prêts à tout pour se débarrasser de leurs locataires, expliquant qu’il a vu des propriétaires offrir de l’argent pour que les locataires quittent leur logement. « Il existe encore de bons propriétaires, mais les abus sont nombreux en ce moment. »
Une hausse des loyers aux effets durables
La montée des loyers frappe de plein fouet les ménages les plus vulnérables. Selon une analyse récente de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), rédigée par la chercheuse Eve-Lyne Couturier, sortir de la pauvreté est devenu plus coûteux qu’auparavant.
« Les loyers augmentent plus vite que l’inflation, ce qui fragilise davantage les ménages à faibles revenus. Ce qu’on qualifie de “crise du logement” est en réalité devenu une situation normale. Ces hausses récurrentes empêchent les gens d’accéder à une vie libérée de la pauvreté », explique-t-elle dans son rapport.