11 mars 2021 - 14:44
Les citoyens avant les géants du web
Par: Le Courrier
Simon-Pierre Savard-Tremblay discours

CD__3893
28 January 2021


 Ottawa, ONTARIO, on 28 January, 2021. 

Credit: Christian Diotte, House of Commons Photo Services

© HOC-CDC, 2021

Simon-Pierre Savard-Tremblay discours CD__3893 28 January 2021 Ottawa, ONTARIO, on 28 January, 2021. Credit: Christian Diotte, House of Commons Photo Services © HOC-CDC, 2021

Dans la dernière édition du Courrier, un citoyen de Saint-Hyacinthe, Jean-François Bérubé, questionne la position du Bloc québécois en faveur d’une taxation des mastodontes du web, qu’on appelle communément les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) et y voit un risque d’augmentation de la facture internet refilée aux citoyennes et citoyens. Il répondait alors à une lettre que j’ai fait paraître dans ce même journal il y a près de trois mois. Il me fait plaisir de répondre aujourd’hui à ses craintes.

Il faut tout d’abord préciser une chose : il nous apparaît tout à fait normal que les multinationales étrangères soient astreintes aux mêmes règles fiscales que les entreprises de chez nous, et cela inclut le paiement des impôts sur le revenu et le prélèvement de la TPS et de la TVQ.

En second lieu, j’aimerais bien vous dire que ce que pourfend M. Bérubé est une bonne idée du Bloc québécois, mais cela serait injuste, car il s’agit d’une préoccupation planétaire. L’arrivée des GAFAM a causé un déséquilibre tant pour les médias d’information que pour les industries culturelles et l’urgence de se pencher sur le problème est un consensus international.

Le Bloc propose le prélèvement d’un pourcentage prédéterminé à même les revenus des GAFAM afin de garnir un fonds destiné aux créateurs de contenus journalistique et artistique. Les médias d’information nous ont ensuite invités à observer le cas de l’Australie, qui oblige Facebook et Google à verser des redevances aux entreprises médiatiques lorsqu’elles utilisent leurs contenus. Le modèle australien est intéressant et mérite que nous nous en inspirions tout en l’adaptant à notre situation propre. Notons toutefois que, dans cette formule, le contribuable n’est aucunement touché.

M. Bérubé a par ailleurs tout à fait raison de s’inquiéter de la facture internet des particuliers, et ce, même si le CRTC a exigé en 2019 une baisse importante des tarifs de gros, au bénéfice des plus petits fournisseurs de services. Cette mesure a été confirmée par la Cour d’appel fédérale et, tout récemment, la Cour suprême a refusé d’entendre les géants des télécommunications qui y allaient d’une ultime tentative de renverser la décision du CRTC.

La facture internet demeure problématique étant donné le manque de concurrence dans certains marchés. On évalue qu’il faut environ, par région, quatre fournisseurs pour que le prix imposé au consommateur commence à baisser. Il y a loin de la coupe aux lèvres.

De plus, l’accès aux infrastructures existantes est un enjeu important. En effet, les petites compagnies désirant installer leur propre réseau rencontrent souvent des obstacles importants, retardant leurs projets pour des périodes qui se comptent parfois en années! À ce titre, le Québec a entrepris de corriger la situation en réunissant autour d’une « table de coordination » tous les acteurs des projets en question, forçant ainsi la résolution des problèmes dans des délais plus raisonnables.

Nous sommes d’avis qu’Ottawa aurait tout à gagner à laisser davantage de marge de manœuvre à Québec, car les objectifs de cette dernière sont beaucoup plus ambitieux. Alors que Québec vise que 100 % du territoire soit branché en 2022, Ottawa a plutôt un horizon de 2026 pour 98 % de la population. On peut aisément présumer que le 2 % restant, prévu pour 2030, ne sera pas constitué du centre-ville de Montréal ou de Toronto mais bien de rangs, en milieu rural.

M. Bérubé peut être rassuré : le Bloc travaille pour les gens ordinaires et non pour les richissimes géants du numérique. Ce sont plutôt les libéraux qui œuvrent activement pour les multinationales qui roulent sur l’or. Une enquête de TVA nouvelles au début de l’année 2019 montrait qu’Amazon était un groupe d’intérêt extrêmement puissant à Ottawa, disposant de treize lobbyistes. Au cours de la seule année 2018, ses représentants ont rencontré 145 fois des élus (dont Justin Trudeau lui-même) ou des fonctionnaires. Plusieurs de ces lobbyistes financent grassement le Parti libéral du Canada. Entre 2015 et 2019, 20 000 $ ont été versés par eux à la caisse libérale.

Pour finir, il faut réitérer l’importance fondamentale de l’information locale et régionale. Celle-ci est un véritable levier économique, social et culturel puisque sans ces médias, personne ne parlera de ce qui se passe dans nos communautés. Ils sont également un maillon indispensable à l’exercice de cette démocratie qui nous est si chère et grâce à laquelle un citoyen, comme M. Bérubé, peut interpeller directement son député par le biais d’une lettre ouverte dans son journal local.

Simon-Pierre Savard-Tremblay, député de Saint-Hyacinthe-Bagot

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