Monsieur Bourrassa, j’ai hésité avant de vous écrire, mais j’ai finalement décidé de le faire en raison de votre important rôle rédactionnel au sein du journal. Je souhaite revenir sur la caricature parue dans l’édition du jeudi 20 mars, celle montrant un groupe d’employés cols bleus penchés au-dessus d’un trou, de jour comme de soir.
La caricature est un outil de satire puissant. Elle repose sur l’exagération, le symbole et l’ironie pour transmettre un message critique. En démocratie, elle participe à la liberté d’expression et à la vitalité du débat public. Cependant, son impact n’est pas neutre. Dans le cas présent, cette caricature favorise le cynisme social et contribue au maintien de paradigme qui nourrit des comportements inciviques.
Je vous rassure, je comprends parfaitement que la restructuration du Service des travaux publics puisse animer des discussions, mais je ne peux tolérer que l’on ridiculise ainsi le travail de nos cols bleus.
Il est tout à fait légitime que vous exprimiez, à travers votre journal, des désaccords et que vous questionniez les décisions de nos élus. C’est même votre devoir d’offrir différents points de vue. C’est sain, nécessaire et c’est l’essence même de la démocratie. Ça nous permet de mieux travailler, de nous remettre en question et d’évoluer collectivement. La démocratie municipale se nourrit de ces échanges et de la diversité des opinions.
Cependant, je considère qu’il est inacceptable de véhiculer des stéréotypes dégradants et de porter atteinte à la dignité des employés municipaux. À mon sens, la caricature en question est réductrice et elle manque de respect. C’est admettre que les employés municipaux ne travaillent pas, de jour comme de soir. Ce visuel ne permet pas d’ouvrir la discussion sur la restructuration du Service des travaux publics. Elle n’élève pas la discussion et n’amène pas votre lectorat à réfléchir sur le sujet avec des arguments concrets.
Elle présente plutôt nos cols bleus comme une équipe désœuvrée et incompétente, ce qui témoigne d’une méconnaissance flagrante de leur travail et de leur professionnalisme. Ces hommes et ces femmes sont des professionnels qualifiés, qui suivent des formations rigoureuses et respectent des normes strictes. Ils contribuent quotidiennement à la qualité de vie de nos citoyens, dans des conditions souvent difficiles.
La prochaine fois que vous irez à la piscine, pensez à l’employé municipal qui s’assure chaque jour de la qualité de l’eau et de la propreté des vestiaires. Lors de votre marche en soirée, alors que l’éclairage public vous procure un sentiment de sécurité, il sera encore là, en coulisse. Vous le retrouverez aussi derrière les magnifiques mosaïques florales qui embellissent nos espaces publics. Il sera au rendez-vous pour déneiger les rues avant que vos enfants ne partent pour l’école ou pour tondre le gazon avant une partie de soccer. Même la fin de semaine, en cas de fuite d’eau dans votre secteur, vous pourrez compter sur lui, etc. Le Service des travaux publics, c’est plus de 100 employés dévoués, présents, beau temps mauvais temps, pour faire rayonner notre ville et répondre aux besoins des citoyens.
Je suis très fière de nos employés et de leur engagement envers la communauté maskoutaine. Ils méritent votre respect et votre reconnaissance et non pas des caricatures qui les rabaissent ou les humilient.
Je réitère que vous pouvez remettre en question et être contre les décisions municipales, mais pour moi, il est important de traiter les employés municipaux avec dignité, et ce, peu importe le sujet de désaccord. Votre défi est donc de trouver l’équilibre entre la critique légitime et la responsabilité sociale.
En tout respect,
Chantal Frigon, directrice générale de la Ville de Saint-Hyacinthe
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Notre réplique
Mme Frigon,
Je ne vais pas hésiter à vous répondre tout de suite, sachant que vous avez sans doute mieux à faire que de commenter nos caricatures, du moins je l’espère. Je vous comprends d’être indignée si vous souhaitez qu’elles servent à ouvrir ou à élever la discussion et à amener notre lectorat à réfléchir sur le sujet avec des arguments concrets. C’est fonder beaucoup d’espoir sur une caricature.
Comme je suis moi-même un ardent défenseur de la liberté de presse et d’expression, je salue votre démarche et respecte votre opinion. Je peine cependant à voir dans cette caricature un quelconque jugement de valeur sur la qualité du travail exécuté par les cols bleus de la Ville de Saint-Hyacinthe.
Est-ce que ce simple dessin est méprisant ou humiliant? Je préfère laisser le soin à nos lecteurs d’en juger. Mais puisque vous connaissez maintenant l’adresse courriel que j’utilise depuis déjà 21 ans, je vous invite à maintenir le dialogue avec moi et à me faire part de vos idées de caricatures.
Il me tarde de rehausser leur niveau.
Continuez votre bon travail surtout. Les résidents du Domaine sur le vert, ceux qui résident près du centre hospitalier ou de l’usine d’épuration et surtout nos vaillants cols blancs qui attendent un rattrapage salarial à la hauteur de celui consenti aux cadres, aux cols bleus et aux pompiers ne demandent que cela.
Martin Bourassa, rédacteur en chef