26 septembre 2019 - 15:10
Bandes riveraines en agriculture
Les municipalités sur la sellette
Par: Benoit Lapierre
La protection des bandes riveraines devient un sujet chaud dans la MRC des Maskoutains. 
Photo François Larivière | Le Courrier ©

La protection des bandes riveraines devient un sujet chaud dans la MRC des Maskoutains. Photo François Larivière | Le Courrier ©

La région agricole maskoutaine en a pris pour son rhume dans un reportage du quotidien La Presse paru samedi et portant sur les pesticides qui empoisonnent l’eau et la faune aquatique de la rivière Chibouet.

« Pesticides : la rivière aux horreurs », titrait La Presse à propos de cette « rivière anonyme » d’un « paysage dominé par les monocultures de maïs génétiquement modifié et de soya. »

Après avoir traversé les municipalités de Sainte-Hélène-de-Bagot et de Saint-Hugues, la Chibouet se jette dans la rivière Yamaska, reconnue comme étant la plus polluée au Québec. Le reportage met notamment l’accent sur le non-respect des bandes riveraines censées assurer à la rivière Chibouet (ou Scibouette) et à tout cours d’eau une certaine protection contre les produits chimiques et les sédiments provenant des terres en culture.

Sur le territoire de la MRC des Maskoutains, ce sont les municipalités qui détiennent le pouvoir de faire observer les règles applicables aux bandes riveraines protectrices, cela en vertu de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables.

Adoptée par le gouvernement du Québec en 1987, cette politique, qui a donné un cadre normatif minimal, a été étendue à tous les cours d’eau en 1991, puis resserrée par décret en 2005. Les MRC ont dû tenir compte de tout cela dans leur schéma d’aménagement, ce qui a obligé les municipalités à modifier en conséquence leurs règlements d’urbanisme puisque ceux-ci doivent être conformes au schéma, a rappelé Réal Campeau, directeur à l’aménagement à la MRC.

Les règles

Selon les règles, une bande de végétation doit être maintenant à au moins trois mètres de ligne des hautes eaux et à au moins un mètre du haut du talus en bordure des cours d’eau; pour les fossés, la bande riveraine doit être d’un mètre, minimalement. Dans plusieurs municipalités, les contrevenants s’exposent à une amende d’au moins 200 $ pour une première infraction et d’au moins 400 $ pour les récidives (400 $ et 800 $ dans le cas d’une personne morale).

Mais dans la MRC des Maskoutains, qui veille au respect de ces normes minimales? LE COURRIER n’a pu recenser que trois municipalités sur dix-sept qui appliquent leur réglementation en la matière : Saint-Hyacinthe (quelques infractions signalées ces cinq dernières années), Saint-Barnabé-Sud et Saint-Jude.

À Saint-Jude

À Saint-Barnabé-Sud – dont nous n’avons pu joindre le maire, Alain Jobin – cinq constats d’infraction concernant la bande riveraine ont été décernés en 2017, avait rapporté La Terre de chez nous en juin 2018. À Saint-Jude, ce sont 19 contraventions qui ont été données en 2018, et il y en aura autant cette année, a signalé le maire, Yves de Bellefeuille. « Chez nous, on la fait respecter, la bande riveraine. Les agriculteurs pris en défaut reçoivent des amendes, et ceux qui ne paient pas, on les amène en cour municipale. En 2018, c’était la première année [d’application] et on a été moins sévère; s’il manquait un ou deux centimètres, on ne disait rien, mais cette année, on ne donne de chance à personne. C’est fini le niaisage. C’est dans la loi depuis 1991, on est rendu en 2020 et il y en a encore 80 % qui ne la respectent pas : ça n’a pas de maudit bon sens. Il y a cinq ans, j’ai amené ça à la MRC parce que je voulais qu’on applique tous les mêmes règles, mais ça n’a pas passé au conseil », a commenté le maire de Bellefeuille.

Au lieu de confier le dossier des bandes riveraines à l’inspecteur municipal et risquer ainsi de le mettre dans l’embarras, la municipalité de Saint-Jude a fait appel à un contractuel, Patrick Bernard, l’ancien directeur des services techniques de la MRC des Maskoutains. C’est aussi à ce consultant externe que Saint-Barnabé-Sud a confié la surveillance de son territoire. « Le respect de la bande riveraine, nous en avons fait une priorité », a souligné Karine Beauchamp, directrice générale de Saint-Barnabé-Sud.

Joint par LE COURRIER, Patrick Bernard certifie que toutes les municipalités ont déjà en main les outils qui leur permettraient d’imiter Saint-Jude et Saint-Barnabé-Sud. « Elles pourraient le faire dès demain matin. À la MRC, j’ai beaucoup travaillé à la mise en place des comités de bassins versants, mais je pense que le respect des bandes riveraines n’est pas juste une question de sensibilisation », estime-t-il.

Ailleurs au Québec

Quelques rares MRC ont reçu de leurs municipalités le mandat de veiller à la protection des bandes riveraines. C’est notamment le cas dans la MRC de La Haute-Yamaska (Granby). « Pendant dix ans, la MRC s’est occupée de l’application des règles en vertu du règlement de contrôle intérimaire, mais ce règlement n’est plus en vigueur depuis 2017. Les normes sur les bandes riveraines ont alors été intégrées aux règlements de zonage des municipalités, qui ont ensuite signé une entente avec la MRC pour la fourniture des services d’inspection, et c’est un service qui a fait ses preuves », a expliqué Valérie-Anne Bachand, inspectrice et chef de projet, Plan directeur de l’eau de la Haute-Yamaska.

Elle a souligné que les municipalités sont même allées au-delà des normes minimales en exigeant que la règle des trois mètres s’applique aussi au sommet des talus. « On veut que nos efforts portent fruit », a-t-elle ajouté.

Il n’est pas dit que la voie empruntée par la MRC de La Haute-Yamaska ne le sera pas aussi par la MRC des Maskoutains, a laissé entendre la préfet, Francine Morin, maire de Saint-Bernard-de-Michaudville. « L’article de La Presse nous a fait réfléchir et il y aura des discussions sur tout ça, absolument. Que la MRC puisse s’occuper de la surveillance, ce sera regardé aussi. Ça garantirait une même application dans toutes les municipalités. On s’en va tous au congrès de la Fédération québécoise des municipalités et on va avoir de bonnes discussions là-dessus », a-t-elle répondu au COURRIER.

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