5 novembre 2015 - 00:00
Selon une étude
Les opérations d’un centre de congrès sont généralement déficitaires
Par: Jean-Luc Lorry
Michel Archambault, professeur émérite au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal.

Michel Archambault, professeur émérite au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal.

Michel Archambault, professeur émérite au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal.

Michel Archambault, professeur émérite au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal.

Une étude réalisée par la Chaire de tourisme de l'Université du Québec à Montréal (UQÀM) sur l'industrie des congrès et dont se sert en partie la Ville de Saint-Hyacinthe pour ­mousser son propre projet tend pourtant à démontrer que ces infrastructures ne sont pas si rentables qu'on voudrait bien le croire.

« Bien qu’ils puissent constituer de véritables leviers de développement local, les centres de congrès sont généralement déficitaires », peut-on lire dans cette étude de 70 pages qui dresse un portrait complet de l’industrie des congrès en Amérique du Nord. Elle avait été réalisée en 2003 à l’occasion du 1er colloque sur l’industrie des congrès.

Dans ses projections financières en vue de dépenser au moins 20 M$ dans la construction d’un centre de congrès municipal, la Ville de Saint-Hyacinthe semble cependant convaincue que cet équipement dégagera des profits dès la troisième année d’opérations. Ceux-ci retourneront dans ses coffres.

Dans son montage financier, elle mise sur un rendement moyen provenant des ­opérations de 10,4 M$ sur 20 ans, soit plus ou moins 500 000 $ en moyenne par année ­pendant cette période. Ces profits s’ajouteraient aux revenus de taxes foncières à ­recevoir du centre de congrès (8,2 M$) et de l’hôtel (10,9 M$). Sur 20 ans, la projection de revenus anticipés totaliserait donc 29,5 M$.

Considérant les dépenses liées aux frais d’opérations à la charge de la Ville ­(assurances, mises à niveau, etc. pour 2,7 M$) et le remboursement de la dette (21,1 M$), cela permettrait de dégager des revenus ­excédentaires de 5,7 M$ sur 20 ans, si tout se passe comme le prévoit la Ville. Après 20 ans, lorsque la dette sera chose du passé, la Ville anticipe pouvoir réaliser des revenus ­d’opérations de 1,5 M$ par année. Et si ­jamais les revenus ne sont pas au rendez-vous, la Ville mentionne qu’il reviendra à l’opérateur d’assumer les déficits. À cet effet, l’étude de 2003 sur l’industrie des congrès semble indiquer que cette façon de faire n’est pas très répandue.

« Au Canada, le financement des immobilisations des centres de congrès de propriété publique provient principalement de ­subventions fédérales, provinciales et municipales et certains centres reçoivent des subventions d’exploitation s’étalant sur des périodes déterminées. Les déficits ­d’exploitation sont assumés soit par la ville ou la province, ou par les deux », poursuivent les auteurs de l’étude.

Référence

Le directeur général de la Ville de Saint-­Hyacinthe, Louis Bilodeau, semble s’être ­inspiré d’un passage plus favorable de cette même étude pour démontrer que de plus en plus les villes sont propriétaires de centres de congrès.

« En 2003, 61,5 % des centres de congrès et lieux d’exposition étaient de propriété ­publique au Canada », a-t-il mentionné dans un exposé récent pour justifier l’implication municipale dans la construction du futur centre de congrès.

Cette donnée apparaît à la page 10 de l’étude de référence.

Selon le directeur général, ce pourcentage se serait même apprécié ces dernières ­années. « Depuis, l’implication publique s’est accentuée avec comme exemple le Centre de congrès du Casino du Lac-Leamy, le Centre de foires de Sherbrooke ou encore Centrexpo à Drummondville », a indiqué M. Bilodeau.

Des données de l’étude démontraient que 41 % des centres de congrès et lieux d’exposition au Canada sont la propriété exclusive de municipalités versus 36 % pour le secteur privé. Concernant le mode de gestion des centres de congrès, il se faisait par les ­municipalités à hauteur de 28 % comparativement à 46 % pour le privé.

Un levier avant les profits

LE COURRIER a contacté le professeur ­Michel Archambault qui a dirigé l’étude de 2003 sur l’industrie des centres de congrès.

Selon lui, la situation n’a guère évolué ­depuis sa publication concernant la ­rentabilité des centres de congrès. « En ­général, les centres de congrès ne sont pas là pour générer des revenus. Ce n’est pas là que vous allez faire de l’argent. Par contre, ces infrastructures ont un effet de levier économique dans les villes où ils sont ­situés », indique ce professeur émérite au département d’études urbaines et ­touristiques à l’Université du Québec à Montréal. Ce dernier possède une bonne connaissance de l’industrie des congrès au Québec et garde un souvenir amer de ­l’Hôtel des Seigneurs de Saint-Hyacinthe. Selon M. Archambault, cet établissement hôtelier ne répondait plus aux standards et ne faisait plus le poids face à une concurrence devenue féroce.

« Il sera important de revoir l’entrée ­principale de la Ville de Saint-Hyacinthe au niveau de l’autoroute 20. Le futur complexe devra jouir d’une bannière ­internationale et ainsi appuyer l’image de marque de la destination », estime M. Archambault.

Cet expert croit qu’il faudra aussi une ­volonté de planification urbaine pour stimuler les commerces situés aux alentours du futur complexe hôtelier.

image