Cela fait plus de cinquante ans que je suis installé dans la région maskoutaine, que j’ai lié mes destinées à celle de notre ville dynamique et sa ceinture verte, et je ne croyais pas qu’en m’impliquant en politique municipale, il me serait donné d’avoir affaire à des peddlers dans les plus hautes sphères qui soient.
En effet, il y a cinq ans, l’ancien ministre Fitzgibbon, précédé d’une réputation enviable d’homme d’affaires de haut calibre, est venu déballer devant nous son concept alléchant de zones d’innovation. Il a fait miroiter un rayonnement international, la possibilité de donner à Saint-Hyacinthe les moyens de s’imposer comme leader en agroalimentaire et dans les sciences vétérinaires. Plus encore, M. Fitzgibbon, tel l’habile vendeur de poches de sable dans le désert, y allait de clins d’oeil, d’allusions au fait que notre Technopole était déjà avancée, tellement incontournable que l’affaire était probablement dans le sac.
Naturellement, il a fallu aiguiser nos crayons, faire des plans, des études, des propositions à la hauteur des sommes qui seraient potentiellement investies. L’exercice de projeter une ville de notre taille aussi loin dans le futur était aussi vertigineux que stimulant; nous l’avons pris très au sérieux. Et à toutes les étapes, nos interlocuteurs du côté du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie saluaient nos braves efforts, la qualité de nos esquisses, nous abreuvant d’espoir au passage.
Or, voici que nous apprenons que tout cela a été fait en vain, qu’il n’y aura pas de zone d’innovation à Saint-Hyacinthe. M. Fitzgibbon est parti « peddler » ailleurs, tournant le dos à ses chantiers laissés en friche, forçant de pauvres fonctionnaires à sortir du chapeau quelques formules saugrenues, des « absences de synergie interzone ou d’innovation de rupture », du jargon pour nous mystifier davantage.
Au municipal, nous n’avons pas le luxe de faire briller ces étoiles lointaines, ces carottes au bout de très très longs bâtons; les rigueurs budgétaires qui sont les nôtres ainsi que les services de proximité que nous devons maintenir nous laissent peu de temps pour fabuler. Ainsi, ces cinq ans consacrés aux promesses du peddler en chef briment la confiance en nos institutions en plus de gaspiller de précieuses ressources.
En retournant sur le site du gouvernement où sont présentées en grande pompe les zones d’innovation du Québec, il est difficile de ne pas voir l’ensemble de l’oeuvre comme un exercice spécieux de relations publiques, toute cette terminologie comme les formules édulcorées des plus habiles peddlers. Mais l’avenir de nos citoyens n’est pas une chose abstraite, et nous refusons que nos efforts concertés soient passés à la déchiqueteuse comme la plus insignifiante brochure.
Donald Côté, conseiller municipal de la Ville de Saint-Hyacinthe et membre du CA de Saint-Hyacinthe Technopole
