25 mai 2023 - 07:00
Gel au sol dans la nuit du 17 au 18 mai
Les producteurs affectés à échelles variables
Par: Adaée Beaulieu
Les plants de tomates à la ferme Chez Mario à la suite de l’irrigation pour les protéger contre le gel qu’a connu la région la semaine dernière. Photo gracieuseté

Les plants de tomates à la ferme Chez Mario à la suite de l’irrigation pour les protéger contre le gel qu’a connu la région la semaine dernière. Photo gracieuseté

Certains producteurs de la région ont perdu une bonne part de leur récolte en raison de la période de gel prolongée historique dans la nuit du 17 au 18 mai, mais d’autres ont utilisé des techniques innovantes qui ont sauvé leur production. Heureusement, aucun des producteurs joints par LE COURRIER ne croit que sa saison est totalement gâchée, mais elle sera certainement retardée.

Selon le chroniqueur météo du COURRIER, Michel Morissette, il n’y avait pas eu de température sous le point de congélation en mai depuis 1986. Le matin du 18 mai, vers 5 h 30, la température ambiante a atteint son plus bas depuis le coucher du soleil avec -2 °C à Saint- Hyacinthe et -3 °C dans les municipalités périphériques. Cela correspondait à une température encore plus froide au sol d’environ -6 °C dans les champs des villages de la MRC des Maskoutains.

des techniques à la rescousse

Plusieurs producteurs ont opté pour la technique de l’irrigation qui consiste à arroser les plants en continu avec des gicleurs alimentés à partir d’un lac aménagé dans un trou creusé au milieu du champ. L’eau est plus chaude que l’air et protège donc les plants.

C’est le cas de Mathieu Beauregard, copropriétaire de la ferme Chez Mario à Sainte-Madeleine, qui a passé une nuit blanche éprouvante. « Ça m’est déjà arrivé d’avoir du gel au sol en mai, mais habituellement, ça ne dure qu’une heure ou deux. Là, j’ai dû installer mon système d’irrigation de 22 h à 8 h », a-t-il raconté. Le chroniqueur météo du COURRIER confirme que la température ambiante a chevauché le point de congélation tout au long de la nuit.

Environ 95 % des plants de tomates du producteur ont pu être sauvés par cette technique, mais malheureusement, par manque de tuyaux, M. Beauregard n’a pu sauver tous ses plants de fraises. Les bâches n’ont pas été suffisantes pour les protéger, car leur but n’est pas de réchauffer, mais d’accélérer la croissance des plants. Ce sont 20 % d’entre eux qui ont péri. « En plus, le sol où sont les plants de fraises est toujours plus froid d’un ou deux degrés, car la paille entre les rangs empêche le sol d’emmagasiner la chaleur durant le jour », a-t-il expliqué. Pour sa part, le maïs n’a pas apprécié sa nuit, mais devrait sans tirer sans trop de séquelles.

Cette nuit difficile a coûté plusieurs milliers de dollars à Mathieu Beauregard en main-d’œuvre, mais aussi en carburant, car trois tracteurs ont fonctionné pendant 10 heures pour faire fonctionner les pompes alimentant les gicleurs. « Je vais devoir mettre les bouchées doubles », a-t-il ajouté.

Pour sa part, la copropriétaire de la Ferme Gadbois à Saint-Barnabé-Sud, Véronique Gadbois, était heureuse d’annoncer n’avoir subi aucune perte pour ses plants de fraises et peu pour son maïs sucré. « L’important est de sauver les fleurs des fraises qui vont devenir le fruit et elles gèlent à -0,8 °C », a-t-elle expliqué.

Pour prévenir, elle aussi a opté pour l’irrigation à partir de 21 h 30. « Je ne l’ai pas fait pour le maïs, car j’ai choisi mon combat pour ne pas risquer de manquer d’eau cet été. J’ai seulement perdu ceux qui avaient été semés à la mi-avril et qui avaient le cœur le plus loin du sol. Au besoin, je vais devoir les replanter », a-t-elle raconté.

Des dégâts plus importants

Le producteur de tomates de Saint-Damase Louis Hébert a eu moins de chance. Situé à proximité du village, son champ n’était pas adapté pour y aménager un lac pour l’irrigation. Il a donc opté pour l’utilisation d’une arroseuse une seule fois et cela n’a pas suffi puisqu’il a perdu plus de 50 % de ses 10 000 plants. « J’ai essayé de tout faire ce que je pouvais, mais ça n’a pas marché », a affirmé celui qui n’a jamais vu ce phénomène en 47 ans de métier.

Dominic Palardy, de la Ferme André et Dominic Palardy à Saint-Damase, avait opté pour une technique qu’utilisait son père dans le passé, car il n’était pas équipé pour arroser, mais elle n’a pas non plus eu l’effet escompté. Il a fait brûler de la paille mouillée bien tranquillement pour générer beaucoup de fumée afin de créer un smog protecteur afin d’espérer protéger ses courgettes vertes et blanches. Celles-ci étaient déjà sous de minitunnels installés de prime abord sans qu’il y ait un lien avec la protection face au gel.

Il a aussi installé des toiles, mais il lui en a manqué pour ses courgettes blanches dont les pertes sont plus importantes, soit sept acres sur une centaine. Il faudra donc qu’il replante et cela lui coûtera le salaire de 15 hommes pendant une journée. Il ne pourra pas cueillir le 8 juin comme prévu.

Son cousin Sylvain Palardy, des Jardins M.G. à Sainte-Madeleine, avait aussi de minitunnels, mais n’avait pas installé de bâche et a perdu 80 % de sa production de courgettes, d’aubergines et de cornichons. « Le gel a duré longtemps et était pénétrant. À 3 h du matin, en voyant l’état de mes aubergines, j’ai tout de suite su qu’elles étaient mortes », a déclaré celui pour qui le retard engendrera des pertes de 200 000 $. Il avait déjà commencé à resemer le 19 mai. « Je vais devoir travailler plus fort pour avoir plus de volume rapidement et puisque je vais vendre environ deux semaines plus tard, je vais avoir le prix moyen plutôt que celui élevé du début de saison à l’arrivée de juin », a-t-il expliqué. Il a aussi retardé l’arrivée de 14 travailleurs étrangers du 25 mai au 8 juin pour leur éviter d’être deux semaines à ne rien faire.

À l’inverse de lui, tous les autres producteurs contactés avaient attendu pour replanter puisque du gel était aussi prévu au début de la présente semaine.

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