22 février 2024 - 03:00
Hiver marqué par la douceur
Les producteurs agricoles ne sont pas en état d’alerte
Par: Adaée Beaulieu
Grâce au semis direct, les terres de Jocelyn Michon à La Présentation sont couvertes de plus de neige que celles d’autres producteurs. Photo Adaée Beaulieu | Le Courrier ©

Grâce au semis direct, les terres de Jocelyn Michon à La Présentation sont couvertes de plus de neige que celles d’autres producteurs. Photo Adaée Beaulieu | Le Courrier ©

L’hiver marqué par la douceur ne semble pas inquiéter outre mesure les producteurs agricoles dont les cultures pourraient être affectées. C’est seulement en avril qu’ils pourront connaître réellement les impacts des épisodes de redoux.

« Je ne suis pas inquiet pour le moment. À quoi ça me servirait de m’inquiéter pour plus tard? » a déclaré, serein, Christian Overbeek, un producteur maskoutain d’expérience. Il avait tout de même admis auparavant que l’hiver 2024 est un « monde de surprise et d’inquiétudes », peut-être le plus doux depuis environ 40 ans. « La douceur et les redoux que nous avons eus peuvent être difficiles pour les cultures d’hiver, comme les céréales et les prairies, et pour celles d’automne, comme le blé, le seigle et le canola », a expliqué M. Overbeek.

Il ne sait pas non plus l’impact que l’hiver doux aura eu sur les insectes. « Il y a des insectes qui n’auront pas eu un abri hivernal qui vont mourir. Si ce sont des prédateurs des ravageurs, nous allons être moins contents, mais si ce sont des ravageurs qui meurent, nous ne nous en plaindrons pas », a-t-il mentionné.

Pour Cindy Beaudry, copropriétaire de la Ferme Beau-Porc, à Saint-Valérien-de-Milton, le blé d’automne représente 25 % de ses cultures. Bien qu’actuellement, les épis sont plus jaunes que verts, elle n’est pas trop inquiète. Elle a mentionné que l’important est qu’au printemps, les racines soient blanches.

Selon Mme Beaudry, la situation aurait été beaucoup plus alarmante si les eaux de la fonte des neiges avaient regelé rapidement et fait suffoquer les plantes, ce qui n’a pas été le cas. « Là, l’eau a eu le temps de pénétrer dans le sol, car il n’est pas gelé », a-t-elle expliqué. Elle a ajouté qu’un bon couvert neigeux aurait juste pu être un beau plus pour maximiser la protection des plans, mais son absence n’est pas catastrophique.

Ce qui pourrait lui faire craindre le pire serait plutôt quelques semaines de beau temps au printemps suivi d’un temps frais et pluvieux. « Ce sont plus les printemps difficiles qui nous ont affectés par le passé. Actuellement, je ne commande pas de blé de printemps comme plan B », a conclu la productrice.

Jocelyn Michon, un producteur de grandes cultures de La Présentation, qui ne laboure pas ses terres depuis 30 ans, a réussi à conserver 10 cm de neige là où le couvert était le plus mince, même à 9 °C. Les résidus de plants de maïs laissés dans ses champs ont aidé à conserver la neige.

Par contre, il s’inquiète pour son seigle, sa culture de couverture, semé à l’automne, qui permet notamment de réduire l’érosion. Il sait que, dans de telles conditions, il va passer du vert au brun. Il connaîtra l’état de son seigle seulement quand il fera 4 ou 5 °C et que ce ne sera plus froid la nuit.

Des érables qui coulent déjà

Les producteurs acéricoles voient plutôt le temps doux d’un bon œil. Selon Raynald Désorcy, acériculteur de Sainte-Rosalie, il s’agit d’un phénomène qui tend à s’intensifier au fil des années. Il se réjouit de pouvoir effectuer ses 10 000 entailles entre Noël et le jour de l’An plutôt qu’à la mi-mars, il y a 50 ans. De plus, ses lignes de tubulures ne sont plus enterrées dans la neige comme dans le passé, ce qui lui évite de pelleter à plusieurs reprises pour les dégager.

Actuellement, il a déjà récolté plus de 10 % de sa récolte annuelle et se réjouit de pouvoir finir sa saison plus tôt.

Le président des Producteurs et productrices acéricoles de la Montérégie-Est, David Hall, a aussi effectué la même proportion de récoltes. Il a commencé à faire bouillir son eau d’érable le 11 février après quelques jours de redoux où elle a coulé abondamment.

Il a toutefois souligné qu’un redoux prolongé pourrait nuire à la saison des sucres. Il attend toujours au 15 avril avant de faire le bilan de sa saison.

Le propriétaire du Bois Riant à Saint-Valérien-de-Milton, Richard Godère, en est à environ 5 % de ses récoltes. Il a commencé la semaine dernière. Il est heureux de ne pas avoir eu à utiliser des raquettes pour entailler. Par contre, il craint certaines répercussions négatives de l’hiver doux. Il craint une épidémie d’insectes puisqu’il faut au moins trois jours à -30 °C pour réduire leur présence d’environ 90 %. De plus, la saison pourrait finir trop tôt et nuire au rendement. Cela s’expliquerait par la température trop élevée ou une quantité trop faible d’eau dans le sol empêchant les érables de couler.

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