« D’emblée, on est à une époque charnière où il y a lieu de s’interroger sur les pressions exercées sur notre petit jardin nordique québécois, dont l’étalement urbain, la production de l’énergie, le prix de la propriété de la terre et la santé de nos sols. Tous ces enjeux se rencontrent dans un contexte de dérèglements climatiques et géopolitiques incertains. On voit déjà que Saint-Hyacinthe prend le taureau par les cornes, à commencer par la construction de logements en hauteur sur les terres les plus fertiles du Québec ou en faisant appel à la biométhanisation qui valorise les rejets d’entreprises agricoles et agroalimentaires pour produire de l’énergie », a-t-il souligné.
Le conférencier a aussi mis en évidence le fait que la majorité des quelque 40 000 agriculteurs au Québec prennent leur retraite, alors que la relève agricole n’a pas les moyens d’acheter son principal outil, la terre. Il a également indiqué que les jeunes agriculteurs n’arrivent pas à concurrencer les entreprises millionnaires ou multimillionnaires. « Pour une population de 9 millions d’habitants, le peu d’agriculteurs qui resteront à la tête de leur entreprise est vraiment inquiétant. »
Selon lui, la pérennité de l’agriculture et l’autonomie alimentaire des futures générations sont mises à rude épreuve.
La spéculation foncière, une menace de taille
Outre l’étalement urbain et les changements climatiques, M. Mesly relève que les achats spéculatifs des terres agricoles accentuent l’ampleur des bouleversements que connaît déjà le monde agricole et représentent une réelle menace pour les agriculteurs restants. « En dix ans, le prix de la terre a explosé. Celui-ci a triplé dans un contexte où la spéculation bat son plein. Il faut agir avant de se retrouver dans l’embarras. Un choix clair de société doit être fait si on veut privilégier la production agricole ou des tours d’habitation. »
Le journaliste agroéconomiste a exprimé sa crainte par rapport au futur. « On a l’impression que notre petit jardin nordique est protégé, mais il est grugé de l’intérieur. […] Chaque année, les terres agricoles les plus fertiles sont sacrifiées au profit de l’étalement urbain, de divers projets industriels et de la spéculation. Des milliers d’hectares vont changer de vocation d’ici cinq à dix ans pour répondre à une urgente crise du logement, à un possible troisième lien, à la construction de parcs éoliens ou à l’installation d’une multinationale comme Google. »
Nicolas Mesly suggère qu’il y ait une réelle prise de conscience pour s’attaquer à cette situation. « Il faut se demander ce qu’on va laisser aux futures générations. L’heure est à la prise de décisions. Le danger spéculatif est omniprésent. Les terres agricoles sont un placement indéniable, ça prendra toujours de la valeur. Avec le nombre d’agriculteurs qui diminue, il va y avoir une abondance de terres et de fermes à vendre, mais la question primordiale est : qui seront les acheteurs et dans quel but sera leur achat? »