17 août 2023 - 07:00
Les vagues de chaleur, une menace pour la ville de Saint-Hyacinthe
Par: Zineb Guennoun | Journaliste de l'Initiative de journalisme local
La carte interactive de l'Université Laval montre clairement que l'indice d'exposition aux vagues de chaleur est trop élevé à Saint-Hyacinthe. Photo capture d'écran

La carte interactive de l'Université Laval montre clairement que l'indice d'exposition aux vagues de chaleur est trop élevé à Saint-Hyacinthe. Photo capture d'écran

Selon la carte interactive lancée récemment par le département de géographie de l’Université Laval, l’ensemble du territoire de Saint-Hyacinthe est fortement exposé au phénomène des îlots de chaleur.

Cette cartographie Web, une première au Canada, traite de la vulnérabilité et de l’exposition de la population canadienne aux vagues de chaleur accablante et montre clairement que la combinaison des deux indices, soit l’exposition et la vulnérabilité, est majorée dans la ville maskoutaine par rapport aux autres villes avoisinantes.

« Comparativement aux villes voisines, l’ensemble du territoire de Saint-Hyacinthe est sous l’effet des îlots de chaleur, il n’y a pas d’îlots de fraîcheur. Quand on regarde l’exposition aux vagues de chaleur et la vulnérabilité, celles-ci sont très fortes. L’exposition est assez frappante si on compare à Granby, à Sherbrooke ou à Cowansville. On voit vraiment un contraste avec ces villes. Saint-Hyacinthe est davantage exposée, même plus que Drummondville », souligne Nathalie Barrette, directrice du certificat en développement durable de la faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université Laval.

Financée par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), cette carte interactive détaille 156 régions urbaines et permet d’explorer les villes et leurs quartiers. La variabilité géographique est donc évaluée selon quatre critères distincts, dont l’emplacement des îlots de chaleur et les zones où les populations vulnérables sont les plus à risque.

Une situation alarmante

Cette nouvelle carte permet de voir la mixité des deux indices, à savoir l’exposition – qui prend en considération la végétation, le cadre bâti et l’imperméabilité du sol – et la vulnérabilité de la population faisant face aux vagues de chaleur. Mme Barrette met en évidence que « les personnes les plus vulnérables sont les plus touchées par les vagues de chaleur. La vulnérabilité est variable d’un quartier à l’autre. »

En plein centre-ville de Saint-Hyacinthe, la différence des températures est immense puisqu’il fait 15 °C de plus qu’en périphérie. Suivant le même indice, elle fait la comparaison entre les zones urbaines et les zones végétalisées. Il en ressort qu’il y a une forte perméabilité du sol. Cette carte permet de mesurer l’écart de température par rapport à la région environnante. « Pour tout le territoire de Saint-Hyacinthe, sauf un petit secteur sur la droite vers Saint-Dominique où il y a un petit îlot de fraîcheur, on constate que c’est toujours beaucoup plus chaud que l’environnement autour », a-t-elle ajouté. Selon elle, pour le cas de Granby, la zone où il y a un îlot de chaleur est relativement restreinte dans l’espace et donc moins intense. « À Cowansville, c’est très faible aussi et, à ma surprise, à Sherbrooke, il y a très peu d’îlots de chaleur. Pour Drummondville, il y a quelques îlots de fraîcheur quand même, mais pour Saint-Hyacinthe, la teinte foncée est la même partout comme pour l’île de Montréal. C’est assez surprenant! »

Julie Perreault, directrice générale du Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain (CCCPEM), n’est pas étonnée par ce constat et ses effets. « Plus le parc de logement est ancien, plus la vulnérabilité se fait sentir. Les personnes qui y vivent sont les plus atteintes. » Elle estime que les vagues de chaleur affectent en premier lieu les tout-petits et les personnes âgées. « Dans la région de Saint-Hyacinthe, il y a beaucoup d’aînés et ce sont les premiers à subir les dommages. Plus ces personnes sont âgées, plus elles sont vulnérables et habitent dans des quartiers anciens. »

Les grandes villes ne sont pas les seules susceptibles d’être touchées par les îlots de chaleur, mais également les plus petites municipalités. Selon Mme Perreault, le risque est omniprésent à Saint-Hyacinthe dans les quartiers qui sont très minéralisés, où la canopée est très éparse avec des logements anciens et où des gens au dessus de 60 ans habitent. Elle relève qu’à Saint-Hyacinthe, l’arbre est perçu comme un obstacle, alors qu’à Granby, l’arbre est valorisé. Il y en a plus dans les espaces publics, à son avis. Elle évoque une nouvelle approche qui vise à verdir les villes. « La carte des îlots de chaleur et la vulnérabilité de la population maskoutaine qui s’y rattache sont intimement liées au degré de canopée. L’approche 3-30-300 est une nouvelle règle adoptée en foresterie urbaine. Cette règle stipule qu’à partir de notre domicile, on devrait voir au minimum trois arbres. Dans le quartier dans lequel on habite, on devrait avoir une canopée d’environ 30 % et on devrait vivre à moins de 300 mètres d’un espace vert. À mon avis, cette règle, c’est notre guide pour les années à venir sur comment nous allons construire la résilience dans nos villes. »

Mme Perreault se désole de la situation actuelle en matière d’aménagement. « Depuis environ 100 ans, toutes nos routes et nos territoires sont aménagés en fonction des voitures. On octroie plus d’espace à la voiture qu’à l’être humain! »

Endiguer la situation

Pour endiguer cette situation alarmante et éviter ce danger environnemental, la solution ne serait pas facile, selon la directrice du CCCPEM. « Le premier moyen serait la plantation d’arbres, mais il n’y a pas d’espaces aménagés pour le faire ou très peu. Cela implique automatiquement une déminéralisation qui est l’une des opérations les plus coûteuses en aménagement. »

Elle fait également savoir que le CCCPEM est actuellement en discussion avec la Ville, mais la question de l’aménagement du territoire n’a pas encore été débattue. « Les projets sur lesquels on se penche actuellement sont axés sur l’agriculture urbaine. Pour la démocratisation de l’agriculture et pour l’augmentation de la biodiversité, c’est une sorte de verdissement, mais qui n’est pas basée prioritairement sur l’arbre. »

En plus de la plantation d’arbres, la directrice du CCCPEM préconise le verdissement et les plantes grimpantes qui servent à recouvrir les murs pour lutter contre les vagues de chaleur. « C’est vraiment une question de plantation. C’est l’ombre qu’on recherche. »

Pour sa part, Nathalie Barrette trouve que la meilleure façon de rendre plus perméables les surfaces, c’est d’avoir de la végétation. Elle explique qu’il n’est pas possible de changer le cadre bâti, mais qu’il est réalisable de travailler sur certains aspects comme les toitures végétalisées ou encore blanchir les toitures pour limiter l’absorption du rayonnement solaire. Elle poursuit que l’idéal serait de planter. « Au lieu d’asphalter certains stationnements, on mélange des structures en béton avec de la végétation, ce qui rend la surface beaucoup plus fraîche et ça permet d’absorber l’eau. Quand une vague de chaleur arrive, il y a de l’eau à évaporer dans ce sol. Si on ne peut pas végétaliser énormément, on peut s’assurer qu’il y a des points de rafraîchissement dans la ville quand surviennent des vagues de chaleur. Cela pourrait être l’une des solutions aussi. »

La professeure suggère également de mettre en place des jeux d’eau dans les parcs, de rendre les endroits publics climatisés et de les rendre accessibles à des horaires étendus pour que les gens puissent se rafraîchir. « De nos jours, le verdissement est un investissement qu’on peut établir à des coûts relativement accessibles. »

Un obstacle environnemental

Concernant l’étude de canopée présentée par la Ville de Saint-Hyacinthe l’automne dernier et établissant cet indice à 10,5 %, Julie Perreault affirme que notre manière de développer le territoire doit faire l’objet de changement. « La Ville ne sait pas comment traiter cet enjeu comme pour la plupart des municipalités au Québec. Ça fait plusieurs années qu’on se développe de cette manière et, récemment, on s’est rendu compte que ce n’est pas la bonne façon. Cette méthode de développement est ancrée dans nos mœurs. Il y a beaucoup d’éducation à faire. »

Elle souligne aussi que la relation de l’humain vis-à-vis de la nature est problématique. « On contrôle beaucoup notre environnement, on le minéralise, on le déneige… C’est une relation de contrôle alors que cette relation devrait évoluer vers une cohabitation avec la nature. Il faut établir des plans. Une des solutions en environnement, c’est la connectivité écologique. Essayer de créer un certain équilibre pour générer une grille de fraîcheur sur la ville. Il faut une vision et cette dernière ne peut pas s’établir sur la méthode habituelle. Il va falloir être innovants », conclut Mme Perreault.

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