« Nous sommes dans une conjoncture inédite. Pour les villes, la situation actuelle est un laboratoire en raison du coronavirus. Je crois qu’un aménagement temporaire conçu sur une formule de cohabitation est souhaitable », indique Gérard Beaudet, professeur titulaire à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de la Faculté de l’aménagement à l’Université de Montréal, en entrevue téléphonique au COURRIER.
Selon M. Beaudet, il faut viser une mixité pour satisfaire autant les commerçants, les piétons, les cyclistes que les automobilistes.
« La piétonnisation fonctionne mieux dans les municipalités de taille moyenne que dans les grandes villes. Il est moins compliqué de piétonniser la rue des Cascades que la rue Sainte-Catherine », considère Gérard Beaudet.
Pour la saison estivale, une longue section de la rue Sainte-Catherine Ouest sera interdite aux automobilistes pendant les fins de semaine. Cette mesure annoncée le 20 mai par la Ville de Montréal sera appliquée à compter du 19 juin.
M. Beaudet connaît bien le centre-ville de Saint-Hyacinthe. « L’idéal est de rendre piétonnier un court tronçon de rue. Il faut identifier le segment qui a le plus de potentiel. Dans le cas de Saint-Hyacinthe, je commencerais par le secteur proche du Marché public », conseille-t-il.
Des impacts différents
Selon cet expert, piétonniser une rue commerciale crée un impact différent sur trois catégories de commerce.
« Les grands gagnants d’une telle opération sont les restaurants et les bars. En raison de la crise sanitaire, ces entreprises doivent agrandir leurs terrasses. Les effets de la piétonnisation sont l’augmentation des restaurants et des bars dans un centre-ville. »
Pour les commerces spécialisés dans un créneau précis comme un disquaire, Gérard Beaudet croit que transformer la rue en une artère piétonnière ne changera pas grand-chose.
« Par contre, c’est un classique de voir des boutiques de vêtements ou des bijouteries s’opposer à ce type d’initiative. Pour elles, disposer d’un espace extérieur ne représente pas un avantage », note M. Beaudet.
Attraits touristiques
Cet urbaniste émérite considère que le succès d’une piétonnisation est souvent lié aux attraits touristiques d’une ville. « En Europe, il y a beaucoup de centres-villes historiques. Des atouts comme la présence d’une cathédrale ou d’un musée exceptionnel attirent les visiteurs. Pas uniquement une simple piétonnisation », mentionne Gérard Beaudet.
Comme piétonnisation réussie, M. Beaudet donne l’exemple de la ville de Bordeaux en France, où se trouve l’une des plus longues rues commerçantes et piétonnes d’Europe (1250 mètres de long).
« La piétonnisation de cette rue s’est accompagnée du développement du tramway ainsi que du réaménagement du vieux port. Dans cette ville, une stratégie complète a été mise en place. On n’a pas seulement piétonnisé une rue », souligne-t-il.