21 mars 2024 - 03:00
L’homme de tous les combats, Yves Michaud, nous a quittés
Par: Sarah-Eve Charland
Le député bloquiste de Saint-Hyacinthe–Bagot, Simon-Pierre Savard-Tremblay, avait remis une plaque d’appréciation à Yves Michaud, en 2023, afin de souligner l’ensemble de son œuvre. Photothèque | Le Courrier ©

Le député bloquiste de Saint-Hyacinthe–Bagot, Simon-Pierre Savard-Tremblay, avait remis une plaque d’appréciation à Yves Michaud, en 2023, afin de souligner l’ensemble de son œuvre. Photothèque | Le Courrier ©

Yves Michaud photographié lors d’une conférence qu’il a donnée à Saint-Hyacinthe en mai 1998.Photothèque | Le Courrier ©

Yves Michaud photographié lors d’une conférence qu’il a donnée à Saint-Hyacinthe en mai 1998.Photothèque | Le Courrier ©

L’homme politique Yves Michaud, qui aura marqué les esprits par sa fougue dans le monde journalistique, de la politique et des affaires, est décédé mardi soir. Celui qui se présentait lui-même comme un rebelle, le Robin des banques, mais aussi le plus jeune directeur du journal Le Clairon de Saint-Hyacinthe, laisse derrière lui un grand héritage.

Âgé de 94 ans, il est décédé, le 19 mars, à la résidence Notre-Dame-de-la-Paix à Montréal, où il résidait, a rapporté Radio-Canada.

Même s’il était atteint d’Alzheimer depuis quelques années, il continuait de réciter de grandes œuvres françaises, se rappelle le député bloquiste de Saint-Hyacinthe–Bagot, Simon-Pierre Savard-Tremblay, qui lui vouait un grand respect et qui salue l’apport de ce « Grand Maskoutain ».

En raison de ses convictions indépendantistes, M. Savard-Tremblay avait commencé à correspondre avec lui il y a plusieurs années. Après quelques échanges, M. Michaud l’avait invité à souper chez lui, ce qui s’est finalement répété à plusieurs reprises.

« Il y a un fil conducteur dans sa carrière, c’est un grand patriote. Il était dévoué à la chose publique et au bien commun. C’était un type très haut en couleur. Il y en a qui disaient qu’il n’était pas endurable. Lui-même disait à la blague que sa conjointe serait canonisée à sa mort parce qu’elle était une sainte de l’avoir enduré toute sa vie. C’était un personnage en tout point. Il était plus grand que nature », souligne le député.

Né au centre-ville de Saint-Hyacinthe et baptisé à l’église Christ-Roi, Yves Michaud a passé une partie de son enfance à Rivière-du-Loup avant de revenir dans le coin, vers 10 ou 11 ans, pour étudier à l’Académie Girouard.

Au début des années 1950, Yves Michaud, avec quelques amis, s’est porté acquéreur du journal Le Clairon de Saint-Hyacinthe. Du haut de ses 21 ans, il était alors le plus jeune directeur de journal au Canada. Déjà son tempérament rebelle ressortait alors qu’il avait déclaré une guerre ouverte, mais respectueuse, à l’éditorialiste du Courrier de Saint-Hyacinthe de l’époque, Harry Bernard.

« Il faut retenir l’éditorialiste et le journaliste engagé. En tenant la plume, il était véritablement aux commandes de médias de combat. Il combattait l’obscurantisme. Il combattait les excès de l’Église. Il combattait les excès du régime Duplessis », note Simon-Pierre Savard-Tremblay.

Aujourd’hui propriétaire et éditeur du Courrier de Saint-Hyacinthe et du Clairon de Saint-Hyacinthe, Benoit Chartier a tenu à souligner tout particulièrement la contribution de Yves Michaud à l’essor de la presse québécoise. « Avec son décès, le Québec perd un grand nom de la presse écrite. Yves Michaud a véritablement fait ses premières armes en journalisme chez nous et développé un style qui lui était propre. Il avait le don de la formule choc et il était un redoutable débatteur déjà à cette époque dans ses écrits. Il savait comment opérer un journal, alimenter la controverse et faire vendre de la copie », a-t-il déclaré à propos de celui qui aura marqué la petite histoire du Clairon, un hebdomadaire fondé en 1912.

De militant à politicien

À 36 ans, Yves Michaud a été élu député de Gouin sous les couleurs du Parti libéral, en 1969. Il a exercé la fonction de député pendant quatre ans. C’est l’adoption de la Loi 63 qui l’a poussé à démissionner du parti pour devenir indépendant. Il a été l’un des cinq députés, sur un total de 105, à s’opposer au libre-choix de la langue.

« S’il y avait une ligne directrice de ma vie, c’est la langue, notre peuple, notre nation, notre histoire, notre identité. La souveraineté est un simple moyen de conforter la langue. Je suis contre un Québec souverain bilingue, mais je suis en faveur d’une souveraineté linguistique : contre un État bilingue, mais favorable au bilinguisme des personnes », avait confié M. Michaud au Courrier de Saint-Hyacinthe dans le cadre d’une grande entrevue accordée en 1998.

Sa route l’a mené vers l’idéologie indépendantiste. C’est au Clairon de Saint-Hyacinthe qu’il a fait connaissance de René Lévesque, qui écrivait alors des chroniques de cinéma pour le compte du journal maskoutain. Après un passage à la direction de l’hebdomadaire La Patrie, il fonde le Jour, premier quotidien indépendantiste, avec René Lévesque et Jacques Parizeau. Cette aventure a duré près de deux ans et demi. Quelques mois plus tard en 1976, le Parti québécois était élu au pouvoir. M. Michaud est resté dans l’entourage du parti politique pendant des années.

De son vivant, il n’a toutefois pas pu compter sur une réhabilitation de son nom à l’Assemblée nationale, qui avait adopté une motion pour condamner des prétendus propos antisémites de M. Michaud en 2000. Cette motion avait toutefois été adoptée sans fondement. Depuis, le politicien a demandé à plusieurs reprises le retrait de cette motion, mais en vain. En 2020, l’ex-chef péquiste, Pascal Bérubé, a fait une nouvelle tentative en demandant de réparer l’erreur commise par le biais d’un motion, mais s’est heurté à un refus de la Coalition avenir Québec.

Après sa carrière politique, Yves Michaud a occupé diverses fonctions diplomatiques. Il s’est surtout fait connaître comme le Robin des banques en se portant à la défense des plus petits investisseurs. Il a notamment fondé le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires.

En mai 2022, il a reçu la médaille de l’Assemblée nationale pour souligner son apport exceptionnel à la société québécoise.

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