« Ne sait pas/sans objet », c’est sa case dans les sondages. Se tenant loin du clan des « profondément en accord » ou de leurs adversaires les « totalement en désaccord », l’homme sans opinion marche en marge des bruyants débats qui agitent la Cité.
Il envie parfois ces commentateurs, éditorialistes et fabricants d’humeurs confortablement juchés sur leur tribune qui offrent publiquement leur opinion tranchée à chaud sur le sujet frais du jour. Ah, comme ça paraît facile de parler de Miley Cirus ou de la Syrie avec la même rassurante assurance d’avoir raison.Mais comment font-ils pour être à la fois omniprésents, omnipotents et omniscients?Ah, se dit l’homme, comme il serait bon d’avoir une opinion toute faite à servir à mes amis en apéritif avec la même agilité qu’un Bock-Côté. Ah, que n’ai-je pas, comme Martineau, les mots les plus simples pour expliquer les choses les plus complexes.Ah, que n’ai-je pas la nuance d’une Bazzo pour lui répondre qu’il dit n’importe quoi. Pourquoi n’ai-je pas la verve et le verbe des Facal, Marissal, Pratte et Boileau.Pis coudonc, Chantal Hébert, elle a réponse à toute!! Même Boucar s’en mêle. Même monsieur et madame Tout-le-monde a son opinion. En cette ère d’information, avoir une opinion c’est devenir quelqu’un. Parce qu’on vous sonde, on vous cite pis vous passez aux nouvelles. Mais l’homme ne sait pas quoi penser du crucifix, du voile, de l’UPAC ou de l’utilisation de Bournival sur le quatrième trio. Entre les médias sociaux et les lignes ouvertes, sur la mer de nouvelles agitées par les tempêtes de commentaires, l’homme navigue en solitaire. En cette ère d’information, ne pas avoir d’opinion est une condamnation à l’anonymat. L’homme triste, se dit au fond de lui qu’il est bien difficile d’être quelqu’un quand on est n’importe qui.