4 janvier 2024 - 03:00
Les lits empruntés
Lily Pinsonneault, à cœur ouvert
Par: Maxime Prévost Durand
Dans son livre Les lits empruntés, l’autrice maskoutaine Lily Pinsonneault raconte sans détour les hauts et les bas d’une peine d’amour qu’elle a vécue. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Dans son livre Les lits empruntés, l’autrice maskoutaine Lily Pinsonneault raconte sans détour les hauts et les bas d’une peine d’amour qu’elle a vécue. Photo François Larivière | Le Courrier ©

« Quand on ouvre le livre, il faut ouvrir son cœur », avertit Lily Pinsonneault en parlant de son plus récent bouquin, Les lits empruntés, qui est paru cet automne chez Québec Amérique. En l’écrivant, c’est ce qu’elle a fait, ouvrir son cœur, en documentant les hauts et les bas d’une peine d’amour qu’elle était en train de traverser.

Le sujet de la rupture adulte, souvent tabou ou banalisé dans la société, est présenté ici sans filtre ni pudeur. Surtout, il est présenté au « je », presque à la manière d’un journal intime.

« C’est comme si on vit la rupture à la minute près ou à la journée près », dit l’autrice maskoutaine, qui raconte sa propre histoire.

Les premiers mots du livre font d’ailleurs foi de l’urgence qu’elle ressentait à ce moment. « Je suis pressée d’écrire parce que j’ai l’impression que si je m’y mets à un moment où toute cette situation aura du sens, ce livre-là en aura moins », écrit dès la première page celle qui s’est fait connaître avec ses livres Sauf que j’ai rien dit et Pas pressée.

Alors qu’elle était âgée de 30 ans, Lily a vu sa relation avec Raphaël, son amoureux de l’époque, se terminer sans avertissement. Pourtant, ils s’aimaient encore. Sauf que la rationalité a pris le dessus. Dans cinq ans, ils ne se voyaient pas à la même place, donc plutôt que d’être un frein pour l’autre dans leurs ambitions respectives, il leur valait mieux de se laisser. Mais la décision était difficile sur le plan émotif.

« Au début, je me disais que si on s’aimait, on ne se séparerait pas. C’est ça qu’on dit à tout le monde et qu’on voit dans les films, mais ce n’est pas toujours vrai. La solution était de laisser l’autre partir, mais ce n’est pas facile parce que tu ne le haïs pas, il n’y a pas eu de trahison ou de vengeance », raconte-t-elle en entrevue avec LE COURRIER.

Au moment de la rupture, l’écriture lui a permis d’évacuer ses pensées et de documenter ses états d’âme.

« Quand ça venait d’arriver, j’avais tellement de peine et je me disais que c’était peut-être la dernière fois que ça allait m’arriver. Ce sont des choses que je ne pensais pas revivre parce qu’on attribue souvent la peine d’amour à quelque chose d’un peu plus jeune. Je me disais que je n’allais pas me rappeler la peine que j’ai une fois que j’allais m’en être remise, mais à ce moment, j’avais vraiment l’impression que je ne m’en remettrais jamais. »

On la voit donc vivre ses tiraillements intérieurs, revenir avec son ex, puis le quitter à nouveau pour les mêmes raisons qui les ont poussés à prendre cette décision au départ.

Lorsque l’idée d’en faire un livre a surgi plus tard, Lily tenait d’ailleurs à ce qu’il soit le plus cru et vrai possible, même si cela signifiait d’exposer sa vulnérabilité.

« Le plus difficile était de ne pas enjoliver ça. J’ai appris de ça et j’ai grandi, mais le but était de ne rien changer pour montrer le processus laid de ça. Des fois, je me relisais et je me disais “ben voyons”, mais j’ai fait l’exercice de ne rien changer de ce que je pensais à ce moment-là, de ce que je vivais et de comment je le vivais. C’est ça qui est intéressant. On reste toujours proche de la vérité parce qu’elle évolue. Au début, je pense que je ne m’en remettrai jamais. Ensuite, je me dis que peut-être que je ne m’en remets pas parce que, au fond, ça fait mon affaire. On peut voir que le personnage apprend parce qu’on reste dans sa vérité. Je bifurque en masse! »

Cette introspection laisse tout de même place à des moments de légèretés.

« On peut voir l’humour que je réussis à mettre dans des situations qui sont navrantes. Ça reflète la vérité, ça aussi. Penser que quelqu’un qui est triste ne fait pas de blagues, ce n’est pas vrai. Les bouts où je suis le plus drôle, c’est souvent quand je suis très très triste », lance Lily en riant.

Cette dose de vérité s’étend même jusqu’au nom des personnages qui croisent sa route, à commencer par Raphaël. Ce dernier lui a donné sa bénédiction pour le livre et y a même contribué.

« Toutes les personnes qui sont nommées, je leur ai demandé la permission. Ou si je ne leur ai pas demandé, j’ai changé leur nom. C’est un livre qui est bienveillant. Il n’y a rien de méchant là-dedans. Ce n’est pas un règlement de compte. Je voulais juste faire le journal d’un deuil qui arrive. »

Les lits empruntés n’a d’ailleurs pas de fin, fait remarquer l’autrice.

« D’habitude, des ruptures, c’est comme méchant. Il faut montrer que le personnage a repris le pouvoir sur sa vie. Mais parfois, la vérité, c’est juste que le temps passe, qu’on fait autre chose et qu’on se fait des souvenirs chacun de notre bord. Tu n’es pas obligée d’être fâchée contre ton ex. Mais ça n’existe pratiquement pas en littérature, ça. C’était aussi un défi que je m’étais donné, que les gens ne prennent pas le bord de l’un ou de l’autre. Il n’y a pas de bord. »

Comme la vie est remplie de surprises, Lily Pinsonneault a donné naissance à son tout premier enfant, aux côtés de son nouvel amoureux, quelques semaines après avoir accouché de ce livre. Rayonnante, malgré la fatigue des courtes nuits, on comprend donc qu’elle a réussi à tourner la page sur cette rupture décrite dans Les lits empruntés. Un nouveau chapitre de sa vie est maintenant entamé : celui d’être maman.

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