Initialement prévue pour le 1er février, l’entrée en vigueur de ces tarifs a été reportée à la dernière minute. Pour ne rien arranger, M. Trump a annoncé plus tôt cette semaine l’application de droits de douane de 25 % sur toutes les importations d’acier et d’aluminium, y compris pour le Canada, augmentant encore plus le niveau d’appréhension. En attendant la date fatidique en mars, le milieu des affaires reste dans l’expectative.
LE COURRIER s’est récemment entretenu avec des personnalités d’affaires de la région pour tâter leur pouls concernant cette menace tarifaire.
Ben-Mor
Pour l’entreprise maskoutaine Les Câbles Ben-Mor, on ne ressent pas d’inquiétude outre mesure concernant la menace de tarifs.
« Nous possédons actuellement quatre usines aux États-Unis qui desservent le marché américain. Nous ne faisons pas beaucoup de transfert à la frontière. Nous avions déjà modifié notre chaîne d’approvisionnement lorsque les États-Unis ont imposé des tarifs aux produits chinois en 2018. Ce qu’on fabrique dans nos usines canadiennes reste principalement au pays. Nous sommes chanceux, mais c’est vrai que ça risque d’être très dur pour plusieurs PME. Les grandes entreprises qui exportent vers les États-Unis, comme Bombardier, vont être touchées de plein fouet », a mentionné le vice-président exécutif sénior chez Ben-Mor, Richard Plante.
Ce dernier estime que la riposte canadienne risque davantage de les affecter que les tarifs américains, étant donné que l’entreprise importe certaines composantes des États-Unis. En effet, le premier ministre Justin Trudeau a promis une réponse « claire et ferme » aux tarifs douaniers que compte imposer le président Trump.
Ben-Mor possède depuis une quinzaine d’années une usine au sud de la frontière, dans l’État du New Hampshire. Puis, en 2023, l’entreprise a conclu une importante transaction en acquérant trois usines de la société américaine Fortune Rope & Metal : une en Floride, une dans l’Illinois et une autre dans le Rhode Island. Cette transaction, qui a nécessité cinq ans d’efforts marqués par la pandémie et l’incertitude du marché, représentait alors la plus importante opération commerciale faite par Ben-Mor sur la douzaine d’acquisitions passées en Amérique du Nord depuis sa fondation en 1992. Si cette transaction n’a pas nécessairement été faite dans cette optique, M. Plante estime qu’elle aura sans doute assuré une certaine stabilité à l’entreprise dans ces temps troubles pour l’économie.
Bio Biscuit
Même son de cloche du côté de Bio Biscuit, qui s’attend à être largement épargnée par d’éventuels tarifs douaniers.
« Nous avons des clients aux États-Unis, mais ce n’est pas une grosse partie de notre chiffre d’affaires. Il y a trop de concurrence là-bas. Quelques gros joueurs contrôlent pratiquement tout le marché. Nous avons de très bonnes relations avec nos clients américains. Nous avons déjà eu une discussion avec eux sur le sujet et il semblerait que nous n’ayons pas vraiment de raison de nous inquiéter. Nous avons de nombreux clients à l’international et nos produits [cuits au four] se distinguent de la concurrence », a affirmé au COURRIER Véronique Lemieux, directrice de marque et relations publiques chez Bio Biscuit.
Comme nous le rapportions dans notre édition précédente, l’entreprise de Saint-Hyacinthe offrira gratuitement, le samedi 15 février, un sac de nourriture de nourriture pour chien ou chat en échange d’un sac d’une marque américaine.
ACAM Transport
Pour le président d’ACAM Transport, Danny Delisle, si les tarifs sont appliqués, il y aura forcément de graves répercussions sur les échanges commerciaux à la frontière. Il estime cependant que cela pourrait prendre un moment avant d’en ressentir les impacts réels.
« C’est certain que, pour les produits qui seront taxés, on doit s’attendre à une baisse de volume. Le transport des marchandises sera affecté dans les deux sens de la frontière. On ne doit pas oublier que, nous aussi, nous importons des États-Unis. Chez ACAM, on ne prévoit pas de réduire les effectifs pour l’instant. Nous prévoyons, au contraire, connaître une croissance à court et moyen terme. C’est certain qu’il y a de l’inquiétude, mais je ne pense pas qu’on en ressentira les conséquences avant plusieurs mois, si ce n’est pas de un an à un an et demi », mentionne Danny Delisle.
À savoir si le commerce interprovincial peut représenter une option crédible comme le prétend le premier ministre Justin Trudeau, le président dACAM Transport estime que cela peut être une solution envisageable, mais il mentionne néanmoins que « c’est une grosse machine qui ne peut pas être tournée de bord du jour au lendemain ».
* Les témoignages de Richard Plante et de Véronique Lemieux ont été recueillis avant l’annonce du report des tarifs américains, le 1er février.