4 avril 2024 - 03:00
Loi 21 en Cour d’appel : une belle victoire pour le Québec
Par: Le Courrier
C’est le 29 février que la Cour d’appel donnait son verdict sur la loi sur la laïcité de l’État adoptée par le gouvernement de François Legault en 2019. Rappelons que la loi trouve un consensus social sur un débat collectif qui nous poursuit depuis la crise des accommodements raisonnables de 2007-2008.

Les Québécois ont raison d’éprouver un malaise devant la multiplication de ports de signes religieux dans des contextes où ils n’ont pas lieu d’être présents. Les agents de l’État ont un devoir de neutralité dans l’exercice de leur fonction : ils représentent l’État, qui doit être laïc. Cela est encore plus vrai pour les personnes en position d’autorité, comme les juges, les policiers et les professeurs. Une professeure qui porte le voile islamique envoie le message aux élèves que la bonne pratique de l’islam signifie le port du voile, ce qui porte atteinte à la liberté de conscience des jeunes filles. Un juge qui porterait le turban sikh est-il vraiment neutre face à un accusé hindou? Voulons-nous voir des policiers porter des signes chrétiens ostentatoires? La loi 21 ne va pas « trop loin », elle se contente du minimum respectable.

Un an et demi après les auditions, la Cour d’appel a décidé que la loi 21 ne pose pas de problème, et révoque ainsi la décision de la Cour supérieure qui exemptait les commissions scolaires anglophones de son application. Le Québec a ainsi une belle victoire en main. Il ne s’agit pas d’une bataille secondaire sur un pur principe juridique. La laïcité, c’est une façon de vivre. C’est une façon claire de dire que, dans une société moderne, il y a une séparation entre la religion et l’État. C’est également une façon, pour la nation québécoise, d’affirmer ses principes fondamentaux, de faire respecter son identité nationale. Trop souvent timide, voire timoré, le Québec met ici son pied à terre. Cela sera important pour la suite des choses, car la bataille n’est pas terminée.

La loi 21 ira inévitablement en Cour suprême, à Ottawa. Comme nous l’avait déjà enseigné Maurice Duplessis, cette cour est comme la tour de Pise : elle penche toujours du même bord. Les juges de la Cour suprême sont là pour défendre les intérêts et la vision du Canada, pas du Québec. Depuis le rapatriement constitutionnel de 1982 forcé par Pierre Elliott Trudeau, l’identité fondamentale du Canada est le multiculturalisme, un modèle d’intégration qui enferme chaque personne dans sa communauté d’origine : les Italiens ensemble, les Pendjabis ensemble, les Chinois ensemble.

Mais y a-t-il des ponts qui se dressent entre ces communautés? Il suffit de connaître quelques immigrants et d’habiter quelque temps dans une métropole pour se rendre compte que le multiculturalisme signifie le cloisonnement, la ghettoïsation, le repli sur soi. Les différents peuples du monde n’ont pas toujours envie de se parler entre eux et peuvent faire preuve d’une fermeture d’esprit qui n’a rien de louable.

Au contraire de ce multiculturalisme cul-de-sac, le modèle québécois d’un nationalisme intégrateur permet aux nouveaux arrivants de ne faire qu’un avec la société d’accueil. Le Québec souhaite accueillir pour mieux intégrer : le Canada ne veut que des communautés repliées sur elle-même.

La loi 21 témoigne de notre vision québécoise de l’intégration et de l’identité nationale. La Cour suprême du Canada et la constitution qu’elle défend entrent inévitablement en contradiction avec la vision québécoise. […]

Nous avons le devoir, comme nation, de défendre la laïcité en Cour suprême pour préserver notre modèle de société et notre identité collective. La moindre attaque des juges de la Cour suprême contre la loi 21 devrait nous envoyer le message très clair que la situation du Québec dans le Canada ne peut pas continuer comme elle est présentement. Si la décision devait être négative à notre égard, nous saurons alors que le Québec n’a plus sa place dans la fédération canadienne.

Philippe Lorange, Saint-Hyacinthe

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