En diffusant publiquement des communiqués sur le processus de négociation en cours, l’Université a « court-circuité le monopole de représentation du SGPUM [Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal, qui représente les cliniciens] et tenté d’influencer directement » ses membres, a établi la juge Marie-Claude Grignon.
Même si la direction a pris soin de ne pas envoyer ces messages aux cliniciens, ils ont été transmis par courriel au reste de la communauté de la Faculté et sur son site Internet. Il s’agit d’un « moyen indirect, et même détourné, pour transmettre un message aux cliniciens », écrit la juge, puisqu’il est évident que ceux-ci allaient en prendre connaissance d’une manière ou d’une autre.
Selon la décision, « il apparaît que l’Université a cherché à s’ingérer dans la gestion et les stratégies de négociation du SGPUM en affaiblissant son rapport de force et en entravant ses activités ». L’objectif était d’influencer les syndiqués à voter en faveur de l’offre finale de l’employeur, constate aussi le Tribunal.
Bien que cette offre a finalement été rejetée dans une forte proportion, ces communications ont « miné » les stratégies syndicales et la crédibilité même de l’organisation, dans un moment où « la vulnérabilité du syndicat est plus grande » puisque la cinquantaine de cliniciens tentent de signer leur toute première convention collective, souligne l’ordonnance.
Constatant le « préjudice sérieux » subi par le SGPUM, le Tribunal ordonne notamment à l’Université de ne pas communiquer « directement ou indirectement » avec les cliniciens au sujet des négociations à venir sans l’accord préalable du syndicat.
Une nouvelle donne?
Cette conclusion satisfait particulièrement le SGPUM, dont le président, Jean Portugais, a qualifié la décision « d’assez révolutionnaire » en droit du travail puisqu’elle fera jurisprudence quant aux communications entre un employeur et ses syndiqués en situation de négociation, selon lui.
En plus de donner raison au SGPUM « sur toute la ligne », la juge vient aussi obliger l’Université à obtenir le consentement de la partie syndicale avant de s’adresser à ses membres, a-t-il souligné. Même un communiqué diffusé au grand public entre dans ces dispositions, puisqu’il s’adresse indirectement aux cliniciens, tel que spécifié dans l’analyse.
Le litige demeure tout de même entier. Les termes de la première convention collective des cliniciens de la FMV restent à être déterminés, avec comme point central la question du statut des vétérinaires cliniciens. Ceux-ci tiennent à être reconnus comme professeurs à part entière, alors que la direction les considère comme des cliniciens enseignants.
L’Université de Montréal a indiqué prendre acte de la décision et se conformera aux ordonnances en attendant une prochaine audience sur le fond, dont la date n’a pas été précisée. Une demande d’arbitrage a également été soumise et suit toujours son cours.