2 juillet 2015 - 00:00
Mirage, Douglas Kennedy
Par: Kim Messier

L’amour illusoire s’enflamme au ­premier regard. Il brûle et enivre. La passion charnelle, torride et enchantée, aveugle. Tel un mirage surgi de nulle part dans un désert chaud et aride, l’être aimé est idéalisé ; il devient une source intarissable de désirs et d’envies dans laquelle s’alimentent attentes et espoirs. Avec le temps, le mirage, ­auquel il est facile de succomber, ­s’estompe. Les illusions romantiques, qui masquent la réalité, se dissipent. « L’amour n’a pas son pareil pour nous troubler la vue. », affirme Douglas ­Kennedy dans son douzième roman : ­Mirage, publié en mai dernier aux ­Éditions Belfond.

Mais qu’est-ce qui permet de voir clair en amour? L’auteur répond à cette question grâce à Robyn, son héroïne, une experte-comptable mariée à Paul, un artiste ­fantasque, insouciant et dépensier, de dix-huit ans son aîné. En voyage au ­Maroc, le couple, qui bat de l’aile, ­retrouve la complicité des débuts. Robyn est au paradis, convaincue qu’ils ont ­laissé leurs problèmes derrière eux. Elle profite du temps qui passe pour parcourir la ville d’Essaouira, une cité médiévale du Maghreb face à l’Atlantique, apprendre le français et faire l’amour avec son mari. Son rêve le plus cher : tomber enceinte.

Tout est parfait jusqu’à ce qu’elle ­découvre que Paul lui ment. À partir de ce moment, sa vie bascule. Ivre de douleur, elle plie bagage et dépose une lettre sur le lit dans leur chambre d’hôtel. Elle ­souhaite la mort de son mari, qui a trahi sa confiance. Avant de quitter le Maroc, à la dernière minute, elle regagne sa chambre. Son objectif : discuter avec Paul, mais il a disparu. Robyn devient donc la première suspecte dans cette ­disparition mystérieuse.

Cette histoire bouleversante et ­captivante (j’étais incapable d’arrêter de la lire!) montre que le mensonge tue le couple. Le mensonge que l’on se dit à ­soi-même et celui que l’on raconte à l’autre. Robyn se ment en croyant que sa relation amoureuse pourra s’améliorer. Pourtant, au fond de son être, elle sait que son mariage est condamné. Quand Paul disparaît, au lieu de revenir aux ­États-Unis, elle fuit la police et part à la recherche de son mari. Encore une fois, elle court après un mirage plutôt que de reconnaître la vérité. Trompée, épuisée, elle s’empêtre dans les problèmes et frôle la mort…

Douglas Kennedy est assurément un de mes auteurs préférés. Avec Mirage, il ­démontre que la vérité est la seule chose qui permet une authenticité dans un couple. Sans celle-ci, l’amour n’est qu’une illusion et l’acte de trahison cause un choc psychologique grave à celui qui en est victime. « C’est le problème, avec le genre de traumatisme que j’avais subi : on peut rationaliser, se dire qu’on « fera avec », on se rend compte que sa présence redoutable peut revenir vous assaillir à tout moment. Or il est nécessaire ­d’apprendre à vivre avec jusqu’à la fin de vos jours. Même si vous finissez par ­trouver des stratagèmes pour refouler ce qu’il a d’abominable, il ne vous quittera jamais. Ce que vous avez vécu a irrémédiablement altéré votre univers. »

En lisant un Kennedy, je souligne ­toujours plusieurs passages et je fais de nombreuses pauses pour songer au récit et à ma propre vie. Parfois, j’ai l’impression que l’auteur me parle, car il réussit à glisser ses réflexions philosophiques et sociologiques dans son histoire. De plus, dans Mirage, les descriptions du Maroc sont détaillées, réalistes, teintées ­d’exotisme et de symbolisme. Le Maroc est à la fois un pays sauvage et hostile, mais aussi un pays magnifique et ­accueillant. En le parcourant, et en ­surmontant diverses épreuves, Robyn sort peu à peu du mirage qu’elle a créé en épousant Paul. Dans sa quête, au fond du Sahara berbère, avec l’aide de parfaits étrangers, elle survit à ses blessures et se rend compte qu’elle ne pourra jamais sauver l’homme qu’elle aime.

Douglas Kennedy, né à Manhattan le 1er janvier 1955, a vendu 14 millions de livres dans le monde et est un grand voyageur qui combat l’ennui. C’est après avoir ­visité onze fois le Maroc qu’il a eu envie d’écrire un récit qui se déroulerait dans cet endroit où tout est une question ­d’interprétation et où tout peut changer du jour au lendemain. Comme il l’a si bien indiqué dans son roman Cet ­instant-là : « L’instant peut tout bouleverser ou ne rien changer. L’instant qui nous induit en erreur ou nous révèle enfin qui nous sommes, ce que nous cherchons, ce que nous voulons obstinément ­approcher et qui restera peut-être à ­jamais hors d’atteinte. »

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