Nous appréhenderons les chutes de verglas avec crainte et tremblement. Désormais, quand nous apprendrons que des régions et des populations entières succombent aux effets dévastateurs de cataclysmes naturels, nous devrions compatir avec empressement à leurs malheurs.
Du moins, c’est à souhaiter.
Saint-Hyacinthe et la région ont essuyé les coups de boutoir terribles d’une nature aveugle qui a saccagé une bonne partie de notre environnement. Mais toute médaille a son envers. Nous avons souffert et nous souffrirons encore.
Mais notre ville, ce n’est pas que l’hiver. C’est aussi une immense vague de solidarité, de générosité, de chaleur humaine. Une vague qui a débuté chez nous, au cœur même de la population.
En peu de temps, le cœur des Maskoutains s’est mis à battre collectivement. Comme si nous nous étions demandé en même temps comment nous pouvions être utiles à nos parents, à nos amis, à nos voisins. Comme si nous avions tous éprouvé ensemble le sentiment d’être une grande famille plongée dans une catastrophe dont nous n’émergerions vainqueurs qu’en nous serrant les coudes. Rapidement, la roue de l’entraide s’est mise à tourner. À l’Hôtel-Dieu, à la polyvalente Hyacinthe-Delorme, au cégep de Saint-Hyacinthe, au centre Andrée-Perrault, dans chacune des municipalités touchées de la MRC, les bénévoles ont afflué.
Bien sûr, tout s’est enclenché sous la direction avisée des employés permanents de la Ville de Saint-Hyacinthe et des institutions de santé. Mais ces plans bien tracés n’auraient pas été efficaces sans la collaboration empressée des cadres de la PHD et du cégep qui ont apporté une aide inestimable. Au cégep entre autres, en quelques heures, sous la direction d’Eric Leuenberger, une équipe professionnelle a bâti un centre d’hébergement qui pourrait servir de modèle dans une foule d’autres circonstances. La même chose s’était faite à la PHD sous la coordination de Robert Morissette.
Puis, des bénévoles sont venus de partout offrir leur aide : qui pour accompagner les sinistrés dans leurs nouveaux quartiers, qui pour préparer les repas, qui pour transporter lits, provisions et matériel de toute sorte. Ce n’est pas tout. Même s’ils ont œuvré dans le cadre de leurs fonctions habituelles, policiers municipaux et de la Sûreté du Québec, pompiers, cols bleus, employés d’Hydro-Québec, militaires, cadres de la Ville de Saint-Hyacinthe, infirmières,politiciens de Saint-Hyacinthe et des villes environnantes, tous ont largement dépassé une tâche normale de travail.
Il faut aussi souligner le travail inlassable de l’équipe de la radio CFEI. Sous la direction de Richard Desmarais, l’équipe a assuré une couverture très adéquate de tous les événements en donnant entre autres la liste des établissements ouverts, en assurant le minute à minute de ce qui se passait. En somme, CFEI a permis aux auditeurs de se tenir informés de toutes les ressources disponibles et de toute l’actualité.
Au moment de mettre la dernière main à cette édition spéciale, c’était encore la situation de crise. Mais nous pouvons nous consoler en nous comparant.
Au Saguenay, des centaines de personnes ont perdu leurs maisons et leurs biens. Le village de Saint-Bernard en Beauce a été cassé en deux, moralement, par la perte de plus de 40 aînés. Plus loin, en Algérie, des bandits égorgent des populations entières. Au Rwanda, les enfants meurent de faim, quand ils ne sont pas massacrés par des factions rivales. Chez nous, nous sommes encore vivants. Et nous formons une collectivité unie dont les liens devraient se raffermir au fil des jours. C’est une situation épuisante, mais nous ne lâcherons pas.
Jean Vigneault
Ces mots du regretté Jean Vigneault, éditorialiste et rédacteur en chef du Courrier de Saint-Hyacinthe de 1995 à 2004, ont été publiés pour la première fois dans notre édition spéciale du 14 janvier 1998. Il résume à lui seul l’état d’esprit et l’élan de solidarité qui s’est mis en branle dans la grande région de Saint-Hyacinthe dès les tout premiers jours de la célèbre crise du verglas dont nous soulignons le 25e anniversaire.