11 juin 2015 - 00:00
Mononcle Gilles­
Par: Martin Bourassa

Ainsi donc il existe un lien de parenté entre Gilles Lépine, président de Bellus ­Développement immobilier, la société qui a un oeil ou deux sur le site de la E.T. Corset, et le maire de Saint-Hyacinthe.

« C’est mon oncle par alliance, le conjoint de la soeur de ma mère », a confirmé Claude Corbeil au COURRIER.

Voilà un détail qui est tout sauf anodin dans un dossier qui est source de ­tiraillement au sein de la communauté et du conseil municipal. C’est un lien qu’un peu tout le monde en ville ignorait, à commencer par les conseillers municipaux, même si l’Implication de Bellus était connue depuis un bon moment déjà au conseil.

On croit comprendre des commentaires émis sur les ondes de Boom-FM par la ­directrice des communications de la Ville, à la suite de notre manchette du 4 juin, que M. Corbeil avait cru bon d’aviser la direction générale de ses liens familiaux, sans plus. « C’est un membre de sa famille éloignée, il n’y a pas matière à conflit d’intérêts. ­M. Corbeil l’a mentionné comme il se doit, mais l’administration municipale a ­confirmé qu’il n’y avait pas matière à aller plus loin », a confié Brigitte Massé à la ­première heure jeudi dernier, en tentant de refroidir une patate chaude devenue brûlante.

Quand M. Corbeil a-t-il informé l’administration, l’histoire ne le dit pas. On ne connaît pas davantage la réaction de la direction ­générale, et si elle avait jugé utile à ce ­moment de commander un avis juridique externe afin d’éviter tout embarras futur.

On sait par contre que ce n’est qu’une fois questionné par LE COURRIER sur ses liens avec le promoteur que M. Corbeil a cru ­pertinent d’informer ses collègues du conseil. Pourquoi les aviser s’il n’y avait pas matière à aller plus loin aux dires de la ­direction?

Par souci de prudence et de transparence, les conseillers auraient dû être mis dans le coup bien avant. La preuve? Les six ­conseillers (sur 11) à qui nous avons parlé en vue de notre reportage du 4 juin n’ont pas caché un malaise certain.

Jacques Denis a entre autres conseillé au maire Corbeil de se retrier du dossier. David Bousquet lui a suggéré de garder ses ­distances et André Beauregard l’a invité à la prudence, sachant que le maire « marchait sur des oeufs ».

Ce malaise politique exprimé clairement par les conseillers était d’ailleurs partagé par le principal intéressé puisqu’il a répété deux fois plutôt qu’une quand nous l’avons confronté à propos de son oncle ­promoteur « qu’il faut que je reste loin du dossier, c’est clair. » Voilà la réaction ­typique d’un maire sur la défensive, pas celle d’un maire confortable et en contrôle, qui se sait à l’abri des critiques.

Car maintenant que le lien de parenté entre le maire et le promoteur a été mis au jour publiquement, chaque geste de la Ville et chaque parole du maire seront ­analysés sous cet angle. Même chose lorsqu’il faudra présenter le projet aux résidants du secteur ou débattre des changements de zonage. Il s’en trouvera toujours un pour demander si c’est le maire de la Ville de Saint-Hyacinthe ou le neveu du promoteur qui s’exprime quand il est ­question de la E.T. Corset. Ce sera ­embarrassant politiquement pour le maire et pour l’ensemble du conseil, même si ce lien de parenté ne place pas automatiquement le maire en conflit d’intérêts. Oui, ­légalement parlant, tout va.

À notre avis, cette situation relève ­davantage de la définition personnelle et variable que chacun a de l’éthique, de l’intégrité et de la transparence en politique.

Le code d’éthique des élus stipule pour sa part qu’il est « interdit à tout membre du conseil d’agir, de tenter d’agir ou d’omettre d’agir de façon à favoriser, dans l’exercice de ses fonctions, ses intérêts personnels ou, d’une manière abusive, ceux de toute autre personne. » Plusieurs seront donc d’avis, en regard du code d’éthique, que le maire peut intervenir dans le dossier comme si de rien n’était. C’est vrai.

Sauf qu’il a lui-même exprimé ­clairement son propre malaise à l’égard de cette situation particulière, du moins lorsqu’elle est devenue publique.

Dans ces circonstances, on voit mal ­comment il pourrait dorénavant ­s’impliquer d’une façon ou d’une autre dans le dossier, et ce, quoiqu’en dise toute la jurisprudence du monde en matière de conflits d’intérêts ou d’éthique.

Par souci de transparence et pour la bonne suite des choses, M. Corbeil ferait bien de se garder une petite gêne et de ­refiler la balle à son directeur général lorsqu’il sera dorénavant interpellé publiquement sur ce dossier par des citoyens.

Le conseiller Alain Leclerc a d’ailleurs rappelé qu’en matière d’éthique, il ­préférait personnellement en faire plus que moins. Le maire devrait s’en inspirer et s’ouvrir davantage à ses conseillers à ­l’avenir, et ce, quoiqu’en dise la direction générale.

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