En occupant ce poste, Nicolas Gagnon fait d’ailleurs figure de pionnier. Il serait l’un des premiers – sinon le premier – Québécois à atteindre cette ligue.
« Je n’ai pas fait de recherche en profondeur, mais je ne pense pas qu’il y ait eu d’autres Québécois, ni comme entraîneur ni comme joueur, qui se sont rendus jusqu’en Premier League », affirme-t-il dans une généreuse entrevue accordée au COURRIER.
Il y a certes quelque chose de surréel dans ce qu’il vit. Il le reconnaît. Mais dans toute son humilité, il demeure très lucide quant au travail qu’il doit accomplir, un trait de sa personnalité qui lui a justement permis d’atteindre ce niveau.
« Quand on joue contre Manchester United, Arsenal ou Liverpool, je prends toujours un moment dans le stade pour le savourer, même si c’est juste 20 ou 30 secondes, mais après, je me concentre et je me remets sur la tâche à faire », confie-t-il.
« Les tâches restent les mêmes, poursuit-il. C’est intéressant parce que, de ce côté, ce n’est pas surréel. C’est la même chose que je faisais avant, mais avec des joueurs différents et un meilleur niveau. »
De l’Académie du CF Montréal à l’Europe
Tout s’est enchaîné plutôt vite pour Nicolas Gagnon. Peu de temps après avoir tourné la page sur 11 saisons passées au sein de l’Académie du CF Montréal, dont la dernière comme entraîneur-chef de l’équipe de réserve en 2022, le Maskoutain a fait un bref séjour au sein de l’Association régionale de la Mauricie avant d’être engagé par Göztepe SK, un club en Turquie pour lequel il avait été recommandé. Cette équipe fait partie du groupe Sport Republic, qui est aussi propriétaire de Southampton FC. Rapidement, son travail avec le club turc a été remarqué. Si bien que moins d’un an plus tard, on lui proposait de faire le saut avec le club de Premier League.
« Dès les premières séances sur le terrain, je sentais que je contribuais à l’équipe et que ça aidait. Je ne me suis pas senti intimidé », raconte Nicolas Gagnon à propos de son arrivée avec le club du sud de l’Angleterre.
Le défi était néanmoins important puisque la saison de Southampton FC s’annonçait difficile. Et pour cause. L’équipe est bonne dernière au classement de la Premier League avec seulement deux victoires à sa fiche en 33 matchs.
Dans son rôle, l’entraîneur maskoutain s’est tout de même assuré d’aller chercher des petites victoires morales et d’aider le groupe de joueurs à progresser au niveau des phases de jeu arrêtées.
« Le premier mois où j’étais là, on a eu des stats liées à mes tâches où on était dans le top 3 de la ligue, et ce, même si l’équipe était dernière au classement. Sur les balles arrêtées, quand tu en as deux par match et que l’adversaire en a quinze, c’est sûr que c’est plus difficile d’avoir des résultats. Ça reste mathématique. Mais sur certaines données, il y en avait où on faisait très bien », s’encourage Nicolas Gagnon.
« Des joueurs de l’équipe, qui ont joué avec certains des meilleurs clubs dans leur carrière, m’ont dit qu’ils n’avaient jamais vu autant de détails sur les balles arrêtées. C’était plaisant de l’entendre », ajoute-t-il au fil de la conversation.
Une phase de jeu importante etsous-estimée
Cette spécialité dans les phases de jeu arrêtées, Nicolas Gagnon l’a développée il y a quelques années seulement. Un séjour en Europe pour rendre visite à son ami Nicolas Jover, un entraîneur français qui est une sommité en la matière, a été l’élément déclencheur pour lui.
« J’ai passé une semaine avec lui pour voir comment il travaillait et pour voir ce qu’il faisait. Je n’avais pas nécessairement un intérêt pour les phases de jeu arrêtées avant, mais il y a eu un déclic. À partir de ce moment, j’ai développé une réflexion un peu plus profonde », soutient le Maskoutain.
Petit à petit, il a commencé à mettre l’accent sur cette phase de jeu lors des entraînements qu’il donnait. L’impact a été immédiat avec ses équipes de l’Académie du CF Montréal, si bien qu’environ 25 buts étaient marqués sur des balles arrêtées chaque année, souligne-t-il. Puis, à sa dernière saison avec l’organisation montréalaise, l’équipe de réserve qu’il dirigeait affichait une moyenne d’un but par match dans cette phase de jeu.
« La manière dont j’ai vécu les balles arrêtées quand j’étais joueur, et je pense que c’était souvent comme ça au niveau professionnel aussi, on mettait simplement le ballon dans la boîte et on espérait que quelqu’un réussisse une tête dans le but. J’exagère un peu, mais pas tant que ça. C’était très aléatoire », relate l’entraîneur.
« Le déclic pour moi, ça a été de le considérer comme une autre phase de jeu normale. Tu dois te mettre à penser en principe de jeu. C’est une phase différente, mais les principes de coaching restent semblables aux autres phases de jeu », ajoute celui qui a aussi apporté son expertise au sein de l’équipe nationale dans les dernières années.
« C’est encore nouveau comme spécialité, mais c’est de plus en plus fréquent. Il y en a dans la MLS maintenant. En Premier League, pratiquement toutes les équipes ont un entraîneur des balles arrêtées en plus d’un analyste. »
Le contrat de Nicolas Gagnon avec Southampton FC est d’une seule saison. Rien n’a encore été confirmé quant à la suite de son aventure avec le club anglais, surtout que l’équipe sera, selon toute vraisemblance, reléguée en deuxième division à la fin de la saison en raison de ses piètres résultats. Mais peu importe ce que l’avenir lui réserve, l’entraîneur a confiance que de belles expériences l’attendent et il savoure chaque instant de son séjour en Premier League.
« Pour moi, il y a trois questions importantes. Est-ce que, ma famille et moi, on est bien? Est-ce que je contribue à l’équipe? Et est-ce que je progresse? Si les trois sont là, que ce soit en Premier League, en deuxième division en Turquie ou ailleurs, ce sont les trucs les plus importants », conclut-il.