21 mars 2024 - 03:00
Éclipse solaire et éducation
Oser s’exposer
Par: Le Courrier
Martin Bourrassa

Martin Bourrassa

Le Centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe (CSSSH) a, dans une certaine mesure, créé la surprise en décidant de maintenir ses écoles et ses établissements ouverts en prévision de l’éclipse solaire totale du 8 avril. Mais il s’agit d’une agréable surprise que nous saluons au passage, tout comme plusieurs de nos lecteurs.

À notre question Internet de la dernière semaine, près de 90 % de nos quelque 245 répondants se sont dit en accord avec la décision du CSSSH, position qui a été imitée par toutes les écoles privées de Saint-Hyacinthe. Dans la mesure où l’unanimité n’est plus de ce monde, voilà un score digne de mention.

Cette décision a quand même de quoi surprendre un peu, d’autant plus que le ministère de l’Éducation a laissé aux centres de services scolaires l’odieux de décider de maintenir ou pas leurs activités régulières. Prendre position pour ou contre le maintien des classes, c’est ouvrir la porte à la controverse.

Certains diront que le ministère de l’Éducation a raté une belle occasion de faire preuve de leadership en imposant la marche à suivre; d’autres qu’il fallait au contraire laisser aux centres de services scolaires le soin d’affirmer leur autonomie. Le Ministère a finalement laissé toute la latitude possible au réseau.

Avec pour conséquence que c’est un peu le free-for-all dans le réseau de l’éducation sur la question de l’éclipse solaire, dépendant du degré de tolérance au risque et à la critique des directions des centres de services scolaires.

Déjà, le ton avait été donné il y a trois semaines environ et semblait indiquer une tendance lourde vers la fermeture des écoles à travers le Québec. À titre d’exemple, tous les élèves des écoles publiques de Montréal profiteront d’une journée pédagogique qui n’était pas prévue au calendrier régulier le 8 avril, tel que décrété par les centres de services scolaires de Montréal, Marguerite-Bourgeoys et de la Pointe-de-l’Île. Laval s’est ajoutée depuis. Dans la balance décisionnelle, voilà un morceau imposant. Nager à contre-courant demande un courage certain.

Et puisque le directeur général du CSSSH, Jean-Pierre Bédard, a fait ses classes comme gestionnaire au CSS Marguerite-Bourgeoys, on aurait pu penser qu’il aurait été tenté de se coller au mouvement montréalais en optant pour la journée pédagogique. Ce choix aurait été facile, considérant que le maintien des activités scolaires représente un paquet de troubles au vu des mesures particulières qui ont été annoncées pour s’assurer que tout se déroule bien, spécialement à la sortie des classes et lors du retour à la maison. La logistique est plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. En plus de trouver du budget pour acheter des lunettes de protection, il faut surtout compter sur l’implication et la collaboration des enseignants, de tout le personnel et des transporteurs. Il y a de l’information et de la formation à donner en amont afin qu’elle se rende jusqu’aux élèves et qu’ils sachent quoi faire le jour venu aux heures indiquées.

Nul doute que ces écueils budgétaires et de tractations internes à mener de front avec tous les autres dossiers ont pesé pour beaucoup dans la décision des centres de services scolaires de fermer leurs portes par souci d’assurer la sécurité des élèves, notamment lors du transport scolaire. Est-ce à dire que le CSSSH n’a pas à cœur la sécurité des élèves? Absolument pas. Je crois plutôt que la direction a décidé d’accorder un vote de confiance aux équipes-écoles, aux élèves et à tous les parents. Elle a décidé de tirer profit d’un événement hors de l’ordinaire pour faire ce qu’on demande à l’école: que ce soit un lieu d’apprentissage qui serve à ouvrir les horizons des jeunes. Et de quelques parents au besoin.

Comme l’a fait remarquer, avec justesse au COURRIER, la Maskoutaine Camille Turcotte, directrice générale de l’Association pour l’enseignement de la science et de la technologie au Québec, le CSSSH n’a pas cédé à la vague de peur qui se propage ailleurs au Québec. Il a fait le choix qui s’imposait. Oui, la meilleure façon d’enseigner et de faire aimer les sciences passe par l’expérimentation. Il faut saisir les occasions et oser s’aventurer hors des sentiers battus quand elles passent. Encore davantage quand l’une d’elles ne se représentera pas avant 82 ans.

Je me serai éclipsé depuis un bout!

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