3 septembre 2015 - 00:00
Partenariat transpacifique : un peu de rigueur SVP!
Par: Le Courrier

Le Partenariat transpacifique (PTP) a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours. ­Malheureusement, plusieurs intervenants manquent de ­rigueur dans leur analyse.

J’étais à Maui la semaine dernière pour suivre les négociations. Les 12 pays ­impliqués ont des réalités économiques, sociales et politiques très différentes. Tout comme lors des négociations ­multilatérales de l’Organisation ­mondiale du commerce, les intérêts ­divergents des pays participants font en sorte qu’il est très difficile de clore les négociations, chacun ayant reporté à la fin les discussions portant sur les ­secteurs qui lui sont sensibles.

La Nouvelle-Zélande fait grand état des accès aux marchés laitiers du Japon, des États-Unis et du Canada, mais son poids (4 millions de consommateurs) est ­marginal dans cette négociation. Ce pays a beau faire du bruit, il n’a pas grand-chose à offrir aux autres partenaires. J’ai même entendu un commentaire qui comparait la Nouvelle-Zélande à la mouche sur le … de l’éléphant dans cette négociation.

De toutes mes rencontres avec des ­organisations de producteurs ou des ­représentants d’autres pays, aucun ne m’a dit que le Canada devrait abolir la gestion de l’offre, tout comme aucun pays ne demande aux États-Unis de ­modifier son Farm Bill (1000 milliards $ de subventions sur 10 ans) ou au Japon de libéraliser entièrement son marché du riz.

En fait, le Japon n’aurait à peu près rien offert. Il aurait plutôt mis sur la table une réduction marginale de ses ­tarifs sur les importations de boeuf et de porc, mais aucun volume supplémentaire. Pour le riz, le Japon aurait offert un accès supplémentaire équivalant à 1 % de son marché sur une période de ­15 ans. Peut-on vraiment parler d’ouverture de marché?

Pour ce qui est du lait, l’objectif des États-Unis est d’obtenir un effet neutre, car l’industrie laitière américaine est contre une ouverture de son marché. Les Américains veulent donc obtenir de ­certains pays l’équivalent des concessions qu’ils accorderont à d’autres. Peut-on ­vraiment parler de concessions?

Il y aura reprise des négociations en 2015. Dans les coulisses, à Maui, on ­parlait de la fin août. Selon le représentant du American Farm Bureau qui était sur place, la fenêtre pour une entente est cet automne. Au-delà de cette échéance, il sera trop tard pour que l’entente soit acceptée par le congrès avant le ­début de la fièvre provoquée par les ­élections ­présidentielles américaines de ­novembre 2016.

Heureusement que dans ce marathon de négociations, nos ministres et ­gouvernements ont plus de vision que certains analystes économiques et qu’ils comprennent l’importance de la gestion de l’offre. L’Europe traverse une crise agricole sans précédent et les producteurs de lait américains viennent de ­subir des baisses de revenus de plus de 30 %. En agriculture, en raison du grand nombre de producteurs et de l’imprévisibilité des rendements, l’équilibre du marché entre l’offre et la demande est le fruit du hasard et cet équilibre, s’il ­arrive, ne dure jamais. C’est pour cette raison qu’il y a une si grande volatilité des prix pour les produits agricoles sur les marchés mondiaux. La gestion de l’offre est une solution économique à cette imperfection du marché. Ailleurs, on soutient les prix par des interventions financières pour pallier la volatilité, ­lesquelles interventions, doit-on le ­rappeler, ne sont pas sur la table de ­négociation du PTP.

La gestion de l’offre permet à une ­multitude d’entreprises agricoles, ­partout sur le territoire, d’assurer leur pérennité et de contribuer aux économies régionales sans pour autant opter pour le gigantisme américain. Veut-on vraiment changer une recette gagnante?

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