Jeannot Caron est la saveur du mois. Le conseiller municipal qui représente les intérêts du centre-ville de Saint-Hyacinthe est famous, comme disent les jeunes branchés. Les éloges pleuvent sur lui depuis dix jours comme la misère s’abat sur le pauvre monde.
D’où lui vient cette soudaine popularité? D’un reportage-fleuve que lui a consacré Radio-Canada le 13 mars en brossant son portrait et par ricochet celui de la Ville de Saint-Hyacinthe et de son centre-ville où réside, travaille, grouille et grenouille celui qui commence son second mandat à l’hôtel de ville. « D’itinérant à élu : le parcours inspirant d’un homme de Saint-Hyacinthe », titrait le reportage qui nous entraînait en plein cœur du centre-ville bienveillant et accommodant envers les itinérants et les poqués avec pour guide Jeannot le fou, devenu modèle de résilience et de réussite. L’histoire s’est ensuite déployée sur les plateformes de Radio-Canada. On a même entendu Jeannot à Drainville PM au 98,5 FM. Une invitation à la grande messe du dimanche, Tout le monde en parle, n’aurait pas été impossible tellement Jeannot et sa vie sont singulières à bien des égards.
Même s’il est le personnage principal des reportages et qu’il mérite et raffole tout autant de cette attention, la trame de fond demeure notre ville, notre centre-ville et le traitement que nous réservons aux plus démunis. Encore lundi, en séance publique, au terme d’un hommage un peu malhabile que lui ont réservé ses collègues inspirés par sa soudaine renommée, Jeannot a souligné le virage à 180 degrés qui s’est opéré ces dernières années dans la façon de composer avec la misère humaine à Saint-Hyacinthe.
L’époque où l’intervention consistait à offrir un billet d’autobus aux itinérants vers le terminus de Longueuil est révolue. Le filet social a resserré ses mailles autour du pauvre monde, plus nombreux et visible qu’avant. J’ai été étonné d’apprendre que l’on avait recensé, au cours de la dernière année, pas moins de 120 personnes en situation d’itinérance dans nos rues. Compte tenu de l’état actuel des ressources, cela fait beaucoup de monde dans la cour du communautaire.
Ce reportage et les autres qui en ont découlé tendent à donner une image somme toute positive d’un milieu qui s’humanise et qui tend la main aux gens dans le besoin. Ce n’est pas faux, mais il reste beaucoup à faire. La triste réalité, c’est que les pauvres sont persona non grata au centre-ville. Ils ne sont pas bien vus, et certainement pas les bienvenus.
Un exemple? On a fait grand bruit récemment dans nos journaux de la décision du Centre de bénévolat de Saint- Hyacinthe de s’installer dans l’église Notre-Dame-du-Très-Saint-Sacrement.
Faute de mieux, comprend-on, le Centre de bénévolat a été contraint de s’éloigner du centre-ville, qui représente pourtant son pain et son beurre et où on trouve une bonne partie de sa clientèle attirée par des logements modiques et plus vétustes qu’ailleurs. J’ai pourtant eu la confirmation que l’option de l’église s’est imposée à la suite de l’intervention de marchands inconfortables à l’idée de voir le Centre de bénévolat s’installer sur la rue des Cascades, principale artère commerciale du centre-ville. « Le deal était presque fait, m’a confirmé le propriétaire de l’édifice visé du centre-ville. Je faisais un don important et cela n’aurait pratiquement rien coûté au Centre de bénévolat, une fois pris en compte les loyers commerciaux de l’immeuble. Mais ils ont changé d’idée à la dernière minute. Les gens du centre-ville ne voulaient pas de cette clientèle-là. Ils ne voulaient pas voir du pauvre monde à cet endroit. C’est incroyable… » Incroyable, en effet.
Un autre exemple? On me dit que le plus grand frein au projet immobilier Biophilia, prévoyant la construction d’un immeuble de 200 à 250 logements dans l’aire de stationnement du Centre des arts Juliette-Lassonde, n’est pas tant un problème de stationnement.
C’est bien davantage le 30 % de logements abordables promis par les promoteurs du projet qui hérissent le poil de certains commerçants du centre-ville et qui expliquerait la réticence de la SDC à l’appuyer sans réserve. On préférerait y voir un projet réservé aux gens aisés, à l’image de ceux qui sont actuellement en chantier au centre-ville. C’est meilleur pour la business…
Tout cela pour conclure par une évidence : tu n’es pas sorti du bois, mon Jeannot.