28 mars 2024 - 03:00
Penser globalement, agir localement
Par: Le Courrier
Photothèque | Le Courrier ©

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Discours prononcé par Gérard Montpetit, du Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain (CCCPEM), dans le cadre de la conférence de presse tenue le 7 mars dénonçant la façon du gouvernement provincial de procéder à la transition énergétique, dont lors de l’implantation d’éoliennes.

Le CCCPEM, en collaboration avec plusieurs groupes, vous souhaite la bienvenue en cet espace qui surplombe le barrage T.-D.-Bouchard. Il y a là un symbole puisque Télesphore-Damien Bouchard était le super ministre du gouvernement du premier ministre Adélard Godbout qui a fait voter la loi créant Hydro-Québec et qui, le 15 avril 1944, a procédé à la première nationalisation de l’électricité en prenant possession des locaux de la Montreal Light, Heat and Power. René Lévesque devait terminer ce travail une vingtaine d’années plus tard à la suite de l’élection de 1962, dont le thème était « Maître chez nous ». L’ironie, c’est que le mini-barrage qui porte le nom du père fondateur d’Hydro-Québec est maintenant la propriété de la compagnie ontarienne Algonquin Power.

Tout d’abord, nous affirmons haut et fort que nous sommes en faveur de la transition énergétique. Les désastres climatiques de l’année 2023 ne nous laissent pas le choix. L’humanité doit changer sa façon d’agir. Mais comment? De quelle façon? Voici un exemple qui en dit long au sujet de la façon ambiguë de faire les choses. À Saint-Basile-le-Grand, à une vingtaine de kilomètres d’ici, on propose de construire la première partie de la méga-usine de Northvolt sans tenir d’audiences du BAPE. Pourtant, Northvolt n’est qu’une partie du casse-tête de la transition énergétique. Comme boni, un vrai débat serait un outil formidable pour sensibiliser la population aux avantages et aux inconvénients de chaque filière; cette compréhension de la situation faciliterait l’acceptabilité sociale.

C’est pourquoi, le 20 juillet, le CCCPEM a formellement demandé un BAPE générique. Nous croyons qu’il faut un débat public au sujet de l’ensemble des énergies renouvelables : l’éolien, le solaire, l’hydrogène, la géothermie, le gaz naturel renouvelable (GNR), l’éthanol, la filière batterie, sans oublier l’efficacité énergétique. De plus, le gouvernement songe à la possible construction de nouveaux barrages et même à la résurrection de Gentilly. Ces choix que nous faisons présentement orienteront notre avenir tout au long du 21e siècle; on ne peut pas se permettre de faire des erreurs.

Quant à l’éolien, des compagnies privées répondent à l’appel d’offres d’Hydro-Québec. Ces compagnies sillonnent nos MRC pour faire signer des contrats aux propriétaires des meilleures terres agricoles du Québec. Contrairement à d’autres juridictions, le Québec n’a que 2 % de bonnes terres agricoles. Des milliers d’arpents sont sous contrat avec la compagnie Innergex dans la région de Saint-Hélène et Saint-Hugues. Pourquoi bâtir ces mastodontes, plus hauts que la place Ville-Marie, sur notre garde-manger?

Autre question que nous posons près du barrage qui honore le nom du père fondateur d’Hydro-Québec : pourquoi ce maraudage par des compagnies privées? Pourquoi Hydro-Québec ne pourrait-elle pas être le maître d’œuvre pour le mieux-être de tous les Québécois? Comme le soutient le Syndicat canadien de la fonction publique, nous avons construit Hydro-Québec ensemble. Pourquoi laisser le privé revenir dans le décor? Ce qui nous ramène à la difficulté de concilier le bien commun avec la notion de profit.

C’est dans ce contexte que le juriste et sociologue Richard E. Langelier, avec la collaboration d’un autre juriste, a élaboré un règlement municipal visant à réaffirmer la compétence des municipalités dans la gestion de leur territoire. Ce projet de règlement énonce les règles que doivent suivre tant les promoteurs que les conseils municipaux afin que tout projet de développement d’énergie renouvelable sur le territoire des municipalités fasse l’objet d’une acceptabilité sociale véritable. Il réaffirme que les projets de production d’énergie soient élaborés du point de vue de l’intérêt collectif et non celui des promoteurs privés.

En ce début du 21e siècle, le bien commun est le cœur de notre demande. Notre électricité a été le symbole et la locomotive économique de notre société depuis la Révolution tranquille avec son « Maître chez nous ». C’était avant-gardiste! C’était visionnaire! Si l’humanité décide de réduire sa dépendance aux énergies fossiles, l’électricité aura nécessairement une place encore plus importante dans nos vies. Depuis trois décennies, le CCCPEM a travaillé en faveur d’un meilleur environnement dans notre milieu. Pour ce faire, nous nous sommes inspirés du thème de l’accord de Rio : Penser globalement, agir localement. Oui, nous agissons au niveau de la MRC des Maskoutains, mais notre action contre la dénationalisation se veut une action qui englobe l’ensemble du Québec.

Le gouvernement s’apprête à déposer un projet de loi pour encadrer la production privée d’électricité. Pour le moment, nous ignorons le contenu exact de ce projet. Si le gouvernement veut que son action soit légitime dans son projet de dénationaliser, serait-ce que partiellement, il faut un débat élargi qui soit minimalement égal au débat qui a eu lieu durant l’élection référendaire de 1962. L’eau qui coule à travers la turbine d’Algonquin Power « vaut son pesant d’or » comme l’affirme un article du Courrier de Saint-Hyacinthe. Il ne faut plus jamais qu’une compagnie privée, redevable seulement à ses actionnaires, puisse exiger la réduction des redevances dues à Saint-Hyacinthe parce que le « débit réservé » de la rivière est insuffisant pour assurer le bien-être des vivants qui habitent son « écosystème ». Nous affirmons, haut et fort, que cette eau qui coule dans la rivière ou le vent qui souffle au-dessus de nos champs n’est pas la propriété d’actionnaires lointains. Cette eau est celle de tous les humains et de tous les êtres vivants qui habitent les 4784 km carrés du bassin versant de la Yamaska.

Penser globalement, agir localement.

Gérard Montpetit, Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain

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