Le concept est le suivant. Dans le cadre de cette collaboration, Philippe Chagnon captait des scènes de son quotidien et partageait à sa complice les photos qu’il avait prises. Louise Gros appliquait ensuite la technique de la lithophotocopie aux images, avant de les renvoyer à son créateur. Face à une nouvelle perspective de ses propres photos, l’auteur se laissait imprégner par l’esprit qui s’en dégageait pour composer ses poèmes.
« Le projet comme tel, ça fait peut-être 5 ou 6 ans qu’il a été fait, raconte Philippe Chagnon. Chaque semaine, pendant un an, on faisait une ellipse, soit un texte avec une image. Les textes d’origine sont encore accessibles sur un blogue. J’ai quand même retravaillé pas mal la version des textes qui se trouvent dans le livre. Cinq ans plus tard, je suis rendu ailleurs, donc avec les éditrices, on a donné un autre angle à ça. Mais le cœur du travail est là. »
Nouvellement parent à l’époque, Philippe Chagnon évoque notamment les bouleversements occasionnés par l’arrivée d’un premier enfant dans les textes d’Ellipses. « Je parle un peu de la difficulté du quotidien, d’écrire, de la nouvelle réalité [d’être parent] », décrit-il.
Même si les images à partir desquelles il s’inspirait étaient les siennes à la base, le Maskoutain – qui habite à Montréal depuis plusieurs années – s’est plaît à les redécouvrir avec la touche apportée par Louise Gros.
« Avec le grain que [la lithophotocopie] donne, le noir et blanc apporte vraiment une autre atmosphère à l’image, souligne-t-il. Ça donne quelque chose de poétique à une image qui pouvait être terne au début. Avec la gravure, ça donne aussi un côté sombre, plus abstrait. Je trouvais que le travail de la gravure apportait une profondeur à l’image, sans que l’image me dicte quoi écrire. »
Les deux artistes s’étaient rencontrés à Montréal alors que Louise Gros faisait le tour d’ateliers d’imprimerie au Canada.
« Elle a contacté un de mes éditeurs parce qu’elle avait lu mon recueil Cœur Takeout. Elle avait fait une gravure sur l’un de mes poèmes et elle me l’avait remise en mains propres. De là est née l’idée de faire une collaboration. On a fait deux ou trois projets dans des revues d’art européennes underground, mais ce projet-là est né de la volonté de faire quelque chose de plus gros. »
Auteur de quatre recueils de poésie et de trois romans, Philippe Chagnon a profité de l’expérience pour aborder la poésie d’une façon différente. Pour la première fois, il a écrit des poèmes en bloc de texte plutôt qu’en vers.
« Chacun de mes recueils est différent dans sa construction et celui-là n’y fait pas exception. Parfois, les blocs eux-mêmes font une ellipse, alors que je commence avec une idée, je développe et la finale reprend l’idée de départ. C’était un peu un jeu littéraire au départ. »
Comme la forme du projet est peu conventionnelle, Ellipses a longtemps eu pour seule vie celle sur les réseaux sociaux. Les éditions Le Noroît s’y sont intéressées récemment et permettent aujourd’hui sa publication sous la forme d’un recueil, où les textes et les images se côtoient. Le livre est disponible en librairie depuis le 8 août.