Paru le 22 mars aux Éditions Hamac, ce roman est le premier que le trentenaire dévoile depuis L’essoreuse à salade, qui avait d’ailleurs été remarqué dans le paysage littéraire québécois. Entre-temps, il avait également lancé Dans sa tête poussait une plante, son quatrième recueil de poésie.
À reculons se veut bien différent de ses autres projets dans sa forme, mais ceux qui ont lu ses œuvres précédentes y retrouveront le même humour, toujours teinté d’ironie, et sa signature unique.
« Je suis parti de l’idée de faire un jeu littéraire avec ce livre, confie Philippe Chagnon en entrevue avec LE COURRIER. Je suis un grand lecteur de Paul Auster et des Éditions de Minuit et il y a souvent cette idée d’intrigue qui n’est pas une intrigue, avec un jeu de mise en abîme avec le narrateur qui est aussi un écrivain. Ça a été mon point de départ. Je voulais faire un livre avec une intrigue et une mise en abîme littéraire. »
L’histoire suit le narrateur, un écrivain en manque d’inspiration appelé à retourner dans sa ville natale – Saint-Hyacinthe – pour régler un problème familial. Le personnage se trouve rapidement pris dans d’étranges situations malgré lui. Les circonstances le mèneront à l’hôpital, où il croisera une ancienne fréquentation et où il sera témoin de magouilles qui se trament en coulisses. Tout ce qui se déroulera ne fera qu’alimenter l’obsession de l’auteur à créer le texte qu’il souhaite tant coucher sur papier.
Le livre lui-même est présenté dans un format plutôt atypique. Une nouvelle se trouve au début, puis la suite est séparée en deux parties, ponctuées de très courts chapitres. Un choix qui n’a pas été laissé au hasard.
« Je voulais qu’il y ait une intrigue dans l’histoire, mais aussi dans l’objet comme tel », titille l’auteur, en avouant son désir de « faire une sorte d’ellipse avec la nouvelle écrite par le narrateur dans le livre ».
Le lecteur se trouve par la même occasion plongé dans la tête d’un écrivain en plein processus de création. « Finalement, il se dit qu’il pourrait utiliser son histoire et la romancer, raconte Philippe Chagnon. C’est un peu ça qui se passe dans ma tête en tant qu’écrivain quand je cherche des idées de poème ou de texte. Je trouve quelque chose à utiliser comme point de départ, avec des points d’ancrage. »
Le Maskoutain, établi à Montréal depuis plusieurs années, plonge d’ailleurs dans l’autofiction plus que jamais avec ce roman. « Dans L’essoreuse à salade, la partie d’autofiction était plus cachée et moins présente. Là, elle est un peu plus présente dans le sens où je prends des éléments de ma vie. […] Après, l’histoire a éclaté d’elle-même. Ce n’est pas une autofiction dans le sens où c’est une histoire qui m’est arrivée. J’ai inventé l’intrigue, inventé l’histoire. »
Il reconnaît néanmoins avoir puisé une part de son inspiration au sein de sa famille pour cette nouvelle proposition. « À la base, je voulais écrire un texte qui parlait du décès de mon grand-père, indique-t-il. Mais je me suis rendu compte que ça ne me tentait pas d’aller aussi près des choses comme elles sont arrivées, donc ça a bifurqué et ça a complètement sauté. C’est à force d’écrire et de réécrire que l’histoire s’est formée de cette manière-là. »
Avec À reculons, Philippe Chagnon voit une évolution importante dans son écriture. « C’est un livre qui va m’amener ailleurs dans mon parcours », estime-t-il.
Déjà, il pave la voie à une transition vers un style différent. « J’ai un autre projet en chantier où je me rapproche du roman noir. Ma prochaine étape, ce serait ça. Ce n’est pas un roman policier, mais ce n’est pas loin.
J’y ai touché un peu avec celui-ci, mais le prochain va être un peu plus noir », conclut-il.