22 février 2024 - 03:00
Pour un débat public sur l’accessibilité universelle aux soins de santé
Par: Le Courrier
La commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, vient tout juste de publier un rapport concernant les soins et services de soutien à domicile : Bien vieillir chez soi tome 4 : une transformation qui s’impose. Ce dernier rapport s’appuie sur les analyses réalisées à la demande du gouvernement sur les services de soutien à domicile et des soins de longue durée. Qualifiant la situation de « fragile », la commissaire y présente 16 recommandations.

Parmi ces recommandations, la commissaire invite à changer l’approche actuelle qui nous oblige à favoriser l’hébergement plutôt que le maintien au domicile par manque d’action préventive et d’action contribuant au maintien de l’autonomie. Elle invite également à innover pour réduire la « lourdeur réglementaire et institutionnelle ».

Ces recommandations font écho à ce que nous observons comme organisme œuvrant auprès de personnes ayant recours aux services de soutien à domicile. Les critères d’admissibilité, les délais d’attente et le roulement du personnel sont autant de difficultés identifiées par les personnes que notre organisme soutient.

Un problème de financement

La commissaire présente dans son rapport plusieurs éléments démontrant la complexité de financer les services de soutien à domicile à court et à moyen terme considérant que le nombre de personnes qui en aura besoin va augmenter de 60 % d’ici 2040.

Elle souligne, avec justesse, que l’état actuel des choses démontre clairement que le gouvernement n’arrive déjà pas à répondre aux besoins identifiés. Qu’en sera-t-il en 2040 avec cette hausse? Il est donc évident qu’il nous faut des solutions.

La commissaire recommande donc de faire payer les usagers des services de maintien à domicile en fonction de leur revenu.

La reconnaissance de l’apport des personnes âgées

C’est collectivement que nous avons fait le choix d’offrir à tous, peu importe leur statut socio-économique, des services de santé et d’éducation universels et gratuits. Cette recommandation nous a donc étonnés.

Ceux qui ont bâti ce système, ce sont les personnes âgées d’aujourd’hui. Elles ont contribué à ce système tout au long de leur vie active et, aujourd’hui, nous leur demandons à nouveau de payer?

Une recommandation qui créera des iniquités

Cette solution contribuera, selon nous, à creuser un écart plus grand entre les individus en fonction de leur compte en banque. On le voit déjà avec certains services.

Plusieurs familles se tournent déjà vers des services privés pour avoir accès plus rapidement à des chirurgies, à du matériel favorisant l’autonomie ou pour de l’aide à domicile. Et ce que l’on voit, c’est que ce recours au privé donne accès aux plus récentes technologies et à des délais d’attente plus courts.

Mais qu’en est-il des personnes qui n’ont pas les ressources nécessaires pour se tourner vers le privé? Prenons en exemple l’accès aux aides à l’autonomie telles que le déambulateur ou des barres d’appui installées au domicile. Ces aides visent principalement à réduire les risques de chutes qui peuvent avoir des atteintes importantes sur l’autonomie des individus. Ce que nos bénévoles et intervenantes voient sur le terrain, ce sont des personnes qui attendent ces aides parfois jusqu’à un an. Les personnes vont souvent s’isoler davantage pour éviter la possible chute qui pourrait aggraver la situation. Certains vont même jusqu’à réduire leur déplacement, même pour des besoins essentiels comme l’épicerie, et n’auront ainsi plus accès à des aliments frais tous les jours. On ne peut que constater que les délais d’attente, lorsque nous n’avons pas les moyens de payer, contribuent à aggraver la perte d’autonomie des individus.

Est-ce cela qu’on veut offrir aux personnes en perte d’autonomie?

Des solutions existent

Il existe d’autres solutions pour financer nos services publics. La Coalition Main rouge propose des mesures qui permettraient à l’état québécois d’aller chercher plus de 10 M$. Dans le document 10 milliards de solutions de la Coalition Main rouge, il est entre autres proposé de faire la lutte à l’évasion fiscale, d’augmenter les redevances sur les ressources naturelles ou de taxer la richesse avec un impôt de 1 % sur le patrimoine.

La commissaire, elle-même, suggère d’innover, de revoir nos pratiques et de faire autrement, par exemple en réduisant le travail administratif des personnes donnant des soins et des services à domicile. De ces changements, nous sommes en droit d’attendre plus d’efficacité et plus de temps consacré aux personnes qui en ont besoin et donc moins de délais d’attente.

N’oublions pas que l’impôt demeure la façon la plus équitable pour que tous contribuent à la hauteur de ses moyens au financement de nos services publics.

Un débat public s’impose

Malheureusement, ce n’est pas seulement dans ce rapport que nous observons ce glissement vers la privatisation de leurs services.

Nous avons décidé collectivement de nous doter de services universels et gratuits tant en santé qu’en éducation.

Les changements rapides que subit le système de santé québécois méritent qu’on s’y attarde et qu’on s’assure du respect des valeurs que nous avons préconisées lorsque nous l’avons bâti. Aussi, nous invitons nos décideurs à s’arrêter un instant et à permettre aux Québécoises et aux Québécois de réfléchir collectivement sur l’avenir du système de santé, un avenir qui, pour nous, ne devrait pas inclure une contribution de la personne qui a besoin de soins.

Sylvie Tétreault, coordonnatrice au Trait d’union montérégien

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