Or, cette fois-ci, l’accident ne s’est pas produit sur la ligne de drag transformée en circuit routier. Il est survenu vers 10 h 30 sur le circuit routier #5, une piste triovale, lors d’une séance d’essais libres à moto. L’hypothèse émise à ce stade-ci par un témoin oculaire, en l’occurrence l’organisateur responsable des essais libres, serait que la victime, Jonathan Lauzière, de Saint-Cyrille-de-Wendover, aurait été incapable d’appliquer son frein avant, soit en raison d’un problème mécanique ou d’un malaise.
Il aurait alors décidé de passer outre le troisième virage, mais serait malheureusement arrivé trop rapidement dans la zone des puits. « Il aurait pu réussir à s’en sauver, mais au dernier moment sa jambe a frôlé le mur. Il a été déstabilisé et est tombé tête première. Il portait un casque règlementaire, mais pas haut de gamme », a raconté Pascal Bastien, le grand responsable de l’activité.
Un motocycliste expérimenté
M. Bastien connaissait Jonathan Lauzière depuis environ cinq ans. Avant que la piste de course de l’Autodrome Saint-Eustache ne cesse ses activités en 2019, c’est là que la victime faisait ses essais libres à moto sous la supervision de l’entreprise de M. Bastien. Puis, ces activités ont ensuite été transférées à Sanair. Le promoteur loue le site pour y tenir quatre formations et quatre essais libres, les samedis et dimanches en été.
Cela faisait environ huit ans que Jonathan Lauzière faisait de la moto, selon ce que ses amis ont mentionné à M. Bastien. Tous les motocyclistes qui s’inscrivent à ces essais libres doivent posséder un permis valide de la Société de l’assurance automobile du Québec. Ils doivent ensuite suivre un cours d’une journée d’initiation à la piste. Celle-ci inclut de la théorie ainsi que de la pratique sur la moto, immobile et sur la piste.
Pilote expérimenté, Jonathan Lauzière avait aussi eu droit à un cours personnalisé pour apprendre à bien connaître la piste de Sanair, assure M. Bastien.
Une piste sécuritaire
« Je n’ai jamais pensé un seul instant que quelqu’un n’arriverait pas à arrêter à cet endroit, a souligné le promoteur en parlant de l’endroit où s’est produit l’accident. C’est une zone de décélération. Elle fait 150 m de large par 250 m de long. Les motocyclistes ont suffisamment de place pour ralentir de 160 km/h à 3 km/h. »
Selon ses estimations, Jonathan Lauzière roulait à environ 130 km/h peu avant son accident fatal sur ce circuit fermé. La vitesse moyenne dans sa catégorie, soit intermédiaire, est d’environ 120 km/h.
Pascal Bastien estime avoir tout fait pour que la piste soit parfaitement sécuritaire avant d’y transférer les activités de son entreprise. Dès qu’il a appris la fermeture de la piste de Saint-Eustache, il s’est rendu à la rencontre du gestionnaire de la piste de Sanair, Jacques Guertin, pour savoir s’il était possible d’utiliser un des circuits. Lui et des champions canadiens qu’il dit avoir consultés en sont venus à la conclusion que la piste triovale pourrait faire l’affaire, avec un peu de réaménagement. M. Bastien estime avoir investi près de 70 000 $ pour, entre autres, refaire l’asphalte.
À chaque événement, des cônes sont aussi installés sur la piste afin d’orienter les motocyclistes et des ballons servent de protection vis-à-vis les murs. Pour ce qui est du personnel, cinq signaleurs couvrent l’ensemble de la piste et reçoivent leurs consignes du responsable de la sécurité, un homme ayant plus de 20 ans d’expérience au championnat canadien. Deux ambulanciers d’une entreprise privée sont aussi en tout temps sur place, prêts à intervenir au besoin. Ils ne peuvent toutefois pas utiliser leur véhicule pour effectuer un transport à l’hôpital.
Dimanche, en raison de la gravité de l’accident, un appel a immédiatement été placé au 911 pour faire venir une ambulance de Farnham. Elle serait arrivée en moins de 10 minutes et les paramédics ont pris le relais du personnel sur place.
Pas de changement sur l’autre piste
Rejoint par LE COURRIER, le gestionnaire de la piste de Sanair, Jacques Guertin, a dit trouver regrettable qu’un tel accident mortel soit arrivé. « Pascal Bastien [le promoteur] est un gars très professionnel pour ce qui est de la sécurité. Il n’y a jamais eu d’accident mortel depuis qu’il loue la piste. C’est juste dommage parce que cet homme [la victime] s’en allait faire ce qui le passionnait. Il ne savait pas que ce serait sa dernière journée. Ce n’est ni de sa faute, ni celle de l’organisateur, ni celle de la piste. »
Questionné sur le suivi qui a été fait après la publication du rapport de la coroner Andrée Kronström sur les trois accidents mortels précédents, M. Guertin répond que pas grand-chose a changé au niveau des installations, même si la tenue des essais libres semble beaucoup mieux encadrée aujourd’hui qu’à l’époque.
Il ne juge toujours pas nécessaire d’apporter des modifications sur l’autre piste où se sont produits les trois décès survenus entre 1998 et 2000. Deux d’entre eux avaient été causés par une collision avec le mur de la courbe numéro 7.
Rappelons qu’en août 2001, la coroner Kronström avait recommandé de repousser le mur de cinq mètres et de le protéger par deux rangées de pneus. Le coroner Bernard Doyon, lui, était auparavant allé plus loin en recommandant le retrait total d’un muret de béton. Me Kronstrom considérait également que des cônes devaient être installés à l’approche de la courbe numéro 1.
Pour ce qui est de la gestion des essais libres à moto, elle proposait notamment d’établir un horaire, d’inspecter les motos, d’expliquer les règlements aux pilotes et de former les novices. Elle trouvait également souhaitables l’ajout de signaleurs et la présence de secouristes formés lors de chaque activité.