13 mars 2014 - 00:00
Priorité PKP
Par: Martin Bourassa

Le Québec est (encore!) en élections et ira aux urnes le 7 avril. Ainsi en a décidé la première ministre Pauline Marois avec empressement, malgré sa propre loi sur les élections à date fixe. Voici bien la preuve qu’en politique, les sondages favorables passent souvent avec les lois et les grands principes.

Cette campagne n’est vieille que d’une semaine, que déjà elle fourmille de rebondissements. Rapide survol d’une première semaine chargée : les libéraux ont accueilli à bras ouverts le Dr Gaétan Barrette, la Coalition avenir Québec a perdu une députée sortante, le Parti québécois a mis à la retraite sa ministre de l’Éducation et recruté le tout-puissant Pierre Karl Péladeau, dit PKP, grand manitou de l’empire médiatique et économique Québecor. Cette annonce a eu l’effet d’un tremblement de terre et les répliques n’ont pas cessé depuis, éclipsant tout le reste. La charte des valeurs vient soudainement de passer au second rang, et le pétrole d’Anticosti au 1000 e . J’exagère à peine. Et c’est loin d’être terminé.La candidature de PKP a été applaudie à tout rompre dans les rangs péquistes où personne ne semble préoccupé, voire indisposé, par la situation unique posée par cette proximité soudaine entre le pouvoir politique et l’une des plus importantes entreprises de presse au Québec. Même que la machine péquiste roule déjà à fond de train pour convaincre l’opinion publique, et qui sait peut-être le commissaire à l’éthique, qu’un député, voire un ministre, peut à la fois servir l’intérêt public et celui de la nation, tout en demeurant propriétaire de 72 % de Québecor, et en détenant 40 % de toute la production de l’information au Québec, selon un calcul de la Fédération professionnelle des journalistes. Des ténors péquistes, dont un chroniqueur du Journal de Montréal, ont signé une lettre conjointe appuyant la décision annoncée de PKP de ne pas se départir de ses actions advenant son élection. Ils disent trouver cette vente éventuelle « excessive ». On comprend donc aisément la réaction excédée de l’ex-ministre libéral Pierre Arcand, lui sur qui le PQ a fait pression en 2008 pour l’obliger à vendre toutes ses actions de sa compagnie d’affichage Métromédia lors de sa nomination comme ministre des Relations internationales. Voici encore la preuve qu’en politique, l’opportunisme et les objectifs passent souvent avant les grands principes.Personnellement, je compatis avec les journalistes de l’empire Québecor. Non, ce ne sera pas facile de faire du journalisme neutre et intègre avec un boss qui marche vers Québec et, potentiellement, vers un poste de ministre senior.Chaque primeur d’un média Québecor en lien avec le parti, le gouvernement ou même l’Opposition deviendra vite suspecte, tout comme chaque grosse nouvelle politique embarrassante qui sera gonflée ou encore jouée trop mollement.Pour vous donner une idée de la complexité de la chose, imaginez un peu la réaction des décideurs maskoutains, et du candidat du PQ Émilien Pelletier, si Benoit Chartier, mon patron et propriétaire de DBC Communications, décidait de se porter candidat aux élections municipales de novembre 2017 à Saint-Hyacinthe.Ils seraient sans doute plusieurs, localement du moins, à dire que ce n’est pas l’idée du siècle et que c’est inconcevable. Pourrais-je en dire autant dans le propre journal de M. Chartier? Pourrais-je véritablement livrer le fond de ma pensée, même avec la création d’une fiducie? Ici, votre réponse amis lecteurs est aussi bonne que la mienne. Mais j’ai pour mon dire que moins le grand patron d’un média est impliqué dans la communauté, plus ses journalistes ont les coudées franches et une liberté d’action.Je compatis finalement avec Pauline Marois. En recrutant M. Péladeau, elle a frappé un grand coup qui pourrait rapidement se retourner contre elle. On prête à sa verte recrue l’intention de devenir calife à la place du calife. Comme son coming out péquiste et indépendantiste est on ne peut plus clair, PKP pourrait rapidement devenir le pire allié de la première ministre. Et ce sera encore plus rapidement, si le PQ n’est pas porté au pouvoir de façon largement majoritaire le 7 avril. En cas de besoin, le plan B s’écrira PKP. Il sera alors en position de force pour vivre le power trip de sa vie.Le PQ sera-t-il au pouvoir et majoritaire le 7 avril au soir? C’est la question qu tous ce posent, mais pas moi. La question qui me turlupine en ce moment, c’est plutôt: le mérite-t-il? Encore une fois, votre réponse est aussi bonne que la mienne.

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