Le Courrier : Monsieur Nadeau, expliquez-nous, les raisons de l’augmentation des ventes de l’ordre de 13 % par rapport à 2015?
Réjean Nadeau : Cette progression tient beaucoup à deux acquisitions majeures qui ont été faites en cours d’année. ATrahan Transformations, une entreprise d’abattage et de découpe de porcs située à Yamachiche (80 M$ d’investissement) et la Fernandière à Trois-Rivières (une transaction privée), une entreprise spécialisée dans la fabrication de saucisses fraiches. Essentiellement, ce sont ces deux acquisitions qui expliquent l’augmentation de nos ventes.
Le Courrier : Olymel exporte ses produits de viande dans 65 pays. Comment votre entreprise se positionne-t-elle aujourd’hui sur le marché international?
Réjean Nadeau : Dans les douze derniers mois, la Chine a été un élément très important pour le marché international du porc. L’augmentation de la demande en Chine a créé une certaine rareté. De sorte que cela a poussé les prix et les marges vers le haut. La croissance de la demande pour la viande de porc, c’est l’Asie du Sud-Est. Cela inclut la Chine, le Japon, la Corée, le Vietnam, la Thaïlande et les Philippines.Le marché japonais est notre second client en importance en dollars derrière les États-Unis. Les Japonais sont très stricts, mais ils sont prêts à payer pour avoir ce qu’ils veulent. En terme de volume, les États-Unis occupent la première place (125 millions de kilos), suivis de la Chine (100 millions de kilos) et du Japon (90 millions de kilos). L’Asie est un marché majeur pour Olymel et cela va le rester. À titre comparatif, les marchés nord-américain et européen sont relativement matures.
Le Courrier : L’an dernier, vous avez annoncé successivement des investissements de 25 M$ à votre usine de Saint-Esprit, 80 M$ à Yamachiche et 11 M$ à l’usine Olymel de Saint-Henri-de-LÉvis. La MRC des Maskoutains est-elle encore une région où votre entreprise souhaite investir?
Réjean Nadeau : Certainement. Je vous rappelle que dans les trois dernières années, nous avons investi jusqu’à 50 M$ dans la grande région de Saint-Hyacinthe. Nous avons investi 11 M$ à l’usine de transformation de volaille de Sainte-Rosalie (ajout d’une troisième ligne de cuisson) et 10 M$ à l’usine d’abattage de poulet de Saint-Damase (salle de refroidissement de poulets à l’air). Nous sommes à réaliser un investissement d’environ 11 M$ chez Unidindon à Saint-Jean-Baptiste (agrandissement et amélioration des refroidisseurs). D’autres montants ont été consacrés à la mise aux normes de ces trois usines. Ces investissements ont engendré la création d’une soixantaine d’emplois.
Le Courrier : Pour quelles raisons, Olymel a-t-elle mis un terme à ses activités de désossage de fesses de porc de Saint-Hyacinthe. Une décision qui a provoqué la suppression de 401 emplois?
Réjean Nadeau : Au fil des ans, l’industrie a changé au niveau international ainsi que sur le plan canadien. Auparavant, l’usine de Saint-Hyacinthe avait des contrats de désossage de fesses de porc, non seulement pour nos besoins internes en produits transformés, mais aussi à l’étranger. Par exemple, nous avions un gros contrat avec l’entreprise américaine Boar’s Head qui fabrique différents produits de charcuterie. Nous avions également comme autre client, Schneiders (propriété aujourd’hui du concurrent d’Olymel, Maple Leaf). Nous avons perdu ces contrats pour des raisons de coût. Il y a eu également un peu de demandes pour les fesses désossées du côté de l’Australie. Et là encore, la compétition américaine nous a fait mal. Par la suite, le gros des opérations de l’usine de Saint-Hyacinthe était destiné à notre usine de Saint-Henri-de-Lévis. Prendre des fesses de porc de notre usine de Vallée-Jonction, les transporter à Saint-Hyacinthe et les retourner par la suite à Saint-Henri-de-Lévis n’était plus une opération viable.
Le Courrier : Depuis l’annonce de l’arrêt des activités de désossage, combien d’employés avez-vous réussi à relocaliser?
Réjean Nadeau : Au moment où l’on se parle, il y a 135 employés de relocalisés (dans un rayon de 70 kilomètres). Je vous informe que nous avons convenu d’une extension de deux mois à la date qui était prévue (fin septembre) pour cesser les opérations de désossage.
Le Courrier : Quels sont vos projets pour votre usine de Saint-Hyacinthe?
Réjean Nadeau : Nous avons une opération fondoir (fabrication de saindoux) à cette usine qui restera. La matière première provient de l’ensemble de nos usines en plus de venir de certains de nos compétiteurs. L’entrepôt de produits congelés va demeurer puisque nous manquons actuellement d’espaces d’entreposage. Pour le moment, nous allons conserver 75 employés à l’usine. Nous regardons d’autres opportunités pour l’aire de travail où est effectué le désossage.
Le Courrier : Seriez-vous prêt à transférer dans une autre usine d’Olymel les activités restantes à Saint-Hyacinthe (fondoir et entreposage) au profit d’une revitalisation du site?
Réjean Nadeau : Vous pensez à l’Université de Montréal? (Les installations de la Faculté de médecine vétérinaire à proximité). Cela pourrait être une option alléchante. Je n’ai pas eu de contact direct avec eux, mais j’ai entendu par un intermédiaire que l’Université de Montréal pouvait être intéressée (à acquérir le site). Par contre, le fondoir est une installation qui serait très dispendieuse à déménager ou à construire ailleurs. Donc, la valeur du fondoir rend difficile la vente de cette usine.
Le Courrier : Assiste-t-on progressivement à un déplacement de votre siège social de Saint-Hyacinthe vers Boucherville où est installé un centre de distribution qui regroupe du personnel administratif?
Réjean Nadeau : Non. D’ailleurs, il y a plus d’employés à Saint-Hyacinthe qu’à Boucherville. Aujourd’hui, nous avons 213 employés au siège social de Saint-Hyacinthe comparativement à moins de 200 à Boucherville (ce chiffre représente uniquement les employés administratifs du centre de distribution). À Boucherville, ce sont les ventes, la logistique et les services techniques alors qu’ici se trouve toute l’administration de l’entreprise qui englobe la comptabilité, les finances et les services informatiques. Personnellement, je dispose d’un bureau aux deux endroits.
Le Courrier : Le siège social d’Olymel est installé dans des espaces locatifs situés dans une vaste bâtisse sur l’avenue Pratte. Comptez-vous un jour bâtir votre propre siège social ?
Réjean Nadeau : Les cinq dernières années, nous avons investi près de 500 M$. Nous préférons utiliser nos capacités financières pour nos opérations qui vont générer des revenus plutôt que de les utiliser pour bâtir un siège social. Ce n’est pas cela qui amène de la rentabilité à court et à moyen terme.
Le Courrier : Votre entreprise serait-elle intéressée à fournir des résidus alimentaires à la Ville de Saint-Hyacinthe pour alimenter l’usine de biométhanisation?
Réjean Nadeau : J’ai eu l’occasion de rencontrer le maire de Saint-Hyacinthe dans les jours qui ont précédé l’annonce de l’arrêt des opérations de désossage de fesses de porc à Saint-Hyacinthe. Nous en avons parlé spécifiquement. Pour le traitement de nos boues d’usines, nous avons signé une entente avec le Centre de traitement de la biomasse de la Montérégie (CTBM) à Saint-Pie. C’est un projet en partenariat qui représente plus de 5 M$ et qui est en voie de se réaliser. Mais rien ne nous empêche de poursuivre des pourparlers avec la Ville. Tout ce que l’on peut faire pour valoriser nos sous-produits nous intéresse.
Notes : Les déchets que génèrent les activités d’Olymel sont traités par Sanimax, une firme spécialisée dans la récupération de matières organiques et la valorisation de sous-produits animaux. À la fin décembre, la Ville de Saint-Hyacinthe a signé une entente avec Sanimax pour ajouter 15 000 tonnes de matières organiques au procédé de biométhanisation.