29 février 2024 - 03:00
RPA et aînés sous pression
Par: Sarah-Eve Charland
Le pavillon Saint-Joseph de la Résidence La Seigneurie fermera ses portes le 31 juillet, forçant ses 17 résidents à se reloger. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Le pavillon Saint-Joseph de la Résidence La Seigneurie fermera ses portes le 31 juillet, forçant ses 17 résidents à se reloger. Photo François Larivière | Le Courrier ©

La Résidence St-Pierre a été vendue à un couple qui souhaite garder la vocation de RPA. Photo François Larivière | Le Courrier ©

La Résidence St-Pierre a été vendue à un couple qui souhaite garder la vocation de RPA. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Le milieu des résidences privées pour aînés (RPA) continue d’être secoué par des fermetures ou des perturbations au Québec, et Saint-Hyacinthe ne fait pas exception. Au cours des derniers jours, une résidence a annoncé sa fermeture prochaine et une autre a fait l’objet d’une transaction, a appris LE COURRIER.

Selon une enquête de l’Association québécoise des retraités de secteurs public et parapublic (AQRP), plus de 2500 aînés du Québec ont perdu leur place en résidence entre octobre 2022 et septembre 2023, révélait La Presse le mois dernier. De ce nombre, 197 locataires se retrouvaient en Montérégie. Durant cette période, 88 RPA ont fermé.

À Saint-Hyacinthe, la Résidence La Seigneurie fermera les portes de son pavillon Bourdages le 30 juin et de son pavillon Saint-Joseph le 31 juillet. L’obligation d’installer des gicleurs au plus tard le 2 décembre a sonné le glas de cette ressource totalisant 32 chambres. Le propriétaire de l’immeuble où se trouve le pavillon Bourdages, en location, refusait d’installer des gicleurs jugeant que les risques de dégâts étaient trop grands. L’annonce a été faite aux résidents il y a près d’un mois. Quelques semaines plus tard, le copropriétaire de la Résidence La Seigneurie, Gilles Gauvin, prenait la décision de fermer le deuxième pavillon, qui appartenait aux gestionnaires de la résidence.

« On a fait à peu près 60 appels. Je ne trouve personne qui accepte d’installer des gicleurs. Ça fait quatre ans qu’on dit au gouvernement qu’il n’y a pas beaucoup d’entreprises intéressées de le faire dans une bâtisse ayant 100 ans d’âge, explique-t-il. Le gouvernement dit qu’il veut aider les petites RPA, mais il fait tout le contraire. Il aurait dû exiger des entreprises d’accepter les contrats pour les petites RPA. On n’arrive pas à gicler notre bâtiment. »

Le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Est a été avisé de la fermeture. Les employés tentent d’aider du mieux qu’ils peuvent les locataires à se reloger, mais en raison des ressources limitées, le fardeau revient aux familles, reconnaît M. Gauvin.

Propriétaire avec son épouse de la résidence depuis six ans, M. Gauvin n’est pas surpris de voir les fermetures de RPA faire les manchettes dernièrement. Selon lui, les RPA accumulent les embûches au cours des dernières années. Par exemple, la prime horaire de 4 $ aux préposées aux bénéficiaires offerte par le gouvernement prendra fin ce printemps. Afin de maintenir les salaires, la responsabilité sera transférée aux propriétaires de RPA. Cela représente une dépense de 130 000 $ annuellement pour la Résidence La Seigneurie.

« Je suis convaincu que c’est la pointe de l’iceberg. Ce n’est plus rentable. On a fait de l’argent la première année, mais depuis, on perd de l’argent chaque année. En bas de 150-200 chambres, c’est difficile de joindre les deux bouts. Une RPA de notre grosseur, ce n’est pas viable », dit-il.

Johanne Plante devra déménager sa mère dans une nouvelle résidence pour personnes âgées. Elle se dit consternée par la fermeture de la Résidence La Seigneurie. Elle souhaite d’ailleurs interpeller la députée de Saint-Hyacinthe, Chantal Soucy, et le député de Borduas, comté où elle réside, Simon Jolin- Barrette, afin de trouver une façon de panser l’hémorragie des fermetures des petites résidences.

« Il faut éviter que les milieux de vie de nos parents et grands-parents soient tous gérés par des sociétés, des consortiums et des administrateurs qui ne portent pas nécessairement cette mission en priorité, mais plutôt des intérêts financiers. […] Ces fermetures occasionnent des déménagements de personnes aînées qui ont perdu, d’ores et déjà, leur domicile et tentent de se recréer un climat de confiance et de sécurité dans un nouvel environnement en résidences privées », déplore Mme Plante, qui signe une lettre ouverte que vous pouvez lire dans son intégralité dans notre page Forum.

Une résidence vendue

De son côté, Ghislain Djoko Kamwa demeure optimiste. Son épouse et lui viennent de réaliser leur rêve en devenant propriétaires de la Résidence St-Pierre à Saint-Hyacinthe, une propriété de 23 chambres. La transaction s’est réalisée le 2 janvier au coût de 945 000 $.

« Ça fait quatre ou cinq ans qu’on réfléchit à ce projet d’acquisition. On a choisi de venir en région parce que c’était plus accessible. La Résidence St-Pierre, c’était une entreprise familiale qui a mis beaucoup d’amour dans la résidence. Ma femme, qui est infirmière clinicienne, travaille dans un centre d’hébergement depuis une dizaine d’années. Au lieu de travailler pour d’autres personnes, pourquoi ne pas investir dans ce qu’on aime? On est très contents de cette acquisition », dit-il, enthousiaste.

Bien qu’il soit conscient des différentes annonces de fermeture dans les RPA du Québec, il ne s’inquiète pas outre mesure. Un élément milite en sa faveur : les gicleurs sont déjà installés. Pour ce qui est de la main-d’œuvre, les 11 employés en fonction resteront, assure-t-il.

« Ce sont souvent les deux raisons énoncées lorsque des résidences ferment. Pour nous, ce sera une entreprise familiale. Toute la famille va y travailler. C’est comme ça que l’on compte contrer les enjeux de la main-d’œuvre », mentionne-t-il.

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