9 mars 2023 - 07:00
Plainte et mise en demeure contre Radio-Canada
Saint-Hyacinthe applaudit le moratoire sur les boues étrangères
Par: Sarah-Eve Charland
La Ville de Saint-Hyacinthe poursuit ses efforts afin de convaincre les agriculteurs d’utiliser son digestat comme fertilisant. Photothèque | Le Courrier ©

La Ville de Saint-Hyacinthe poursuit ses efforts afin de convaincre les agriculteurs d’utiliser son digestat comme fertilisant. Photothèque | Le Courrier ©

Le gouvernement du Québec a annoncé un moratoire sur l’épandage des boues étrangères sur les terres agricoles et la mise sur pied d’un comité spécialisé sur l’utilisation des biosolides. Bien que ces mesures ne touchent pas directement la Ville de Saint-Hyacinthe, cette dernière se dit satisfaite de la prise de position du gouvernement.

« C’est un grand pas. Le gouvernement est très clair sur la différence entre les boues américaines et celles d’ici. D’ailleurs, le moratoire ne touche que les boues étrangères. C’est satisfaisant. Le gouvernement renforce sa volonté de maintenir l’utilisation de la matière biosolide comme matière revalorisante au champ. Est-ce que cela permettra de rétablir la confiance auprès des agriculteurs sur les boues municipales? On ne le sait pas », souligne la directrice générale de la Ville de Saint-Hyacinthe, Chantal Frigon.

Le moratoire restera en vigueur jusqu’à ce qu’un mécanisme de contrôle des PFAS, dits contaminants éternels, soit instauré de manière à s’assurer que les matières résiduelles fertilisantes générées à l’extérieur du Canada présentent des niveaux sécuritaires de PFAS. Le Ministère travaille actuellement à l’établissement d’un seuil acceptable pour le Québec. Un comité aura pour mandat d’informer le ministère de l’Environnement des enjeux rencontrés dans l’utilisation de biosolide comme fertilisant. Le comité regroupera une quarantaine de partenaires, dont des représentants des milieux municipal, agricole et industriel, d’ordres professionnels, de ministères et d’entreprises spécialisées ainsi que des scientifiques.

« Je tiens à rassurer la population et à rappeler que, contrairement à l’enfouissement qui est une source importante de gaz à effet de serre, l’épandage des biosolides québécois demeure une solution de gestion responsable, durable et avantageuse sur les plans agronomique et environnemental. Il est en outre une avenue efficace à privilégier dans la lutte contre les changements climatiques », a mentionné le ministère de l’Environnement, Benoit Charrette, lors de l’annonce.

Séduire les agriculteurs

Selon Mme Frigon, « l’opération séduction » qui s’est tenue auprès d’agriculteurs et d’agronomes, au cours des dernières semaines, s’est bien passée. Des agriculteurs ont manifesté leur intérêt de recevoir du digestat sur leurs terres. Ils deviendraient de nouveaux récepteurs puisque parmi ceux ayant annulé leur commande au cours des derniers mois, aucun n’est revenu sur sa décision.

« Cela a été rassurant pour eux. Bien que les pots de yogourts soient versés directement dans le bassin, il y a un traitement qui élimine presque en totalité le plastique », mentionne la directrice générale.

Elle fait référence aux images diffusées dans le cadre du reportage de La semaine verte à Radio-Canada l’automne dernier. On y voyait de nombreux contenants en plastique compressés avec le yogourt. L’usine utilise un système d’épuration qui retire le plastique de la matière, nous indique-t-on. Il permet aussi de réduire à moins de 1 % la proportion de matières non organiques. À la séance du conseil du 6 mars, le conseil municipal a réaffecté une somme de 150 000 $ pour installer des équipements de désemballage et de séparation de contenants de plastique, métal et autres. Cela permettrait d’enlever la petite partie de plastique qui reste, poursuit Mme Frigon.

La Ville a bonifié les contrats pour disposer et transporter le digestat jusqu’au 30 avril. La matière sera gérée, traitée et valorisée pour produire du compost et des terreaux au centre de compostage d’Englobe Environnement à Saint-Henri-de-Lévis. La Ville réévaluera la situation à ce moment.

« Ça arrive au pire moment pour nous. Pendant la période de dégel, on ne peut pas aller au champ, soit de la mi-mars à la mi-mai. Habituellement, on faisait de grosses offensives en fin d’année et en début d’année pour vider la plateforme parce qu’on savait que la matière s’accumulerait au printemps. Mais depuis novembre, on n’est pas capable de la vider. C’est pour ça qu’il y avait une urgence », explique Mme Frigon.

Plainte à Radio-Canada

Le conseil a choisi de déposer une plainte à l’ombudsman de Radio-Canada. En parallèle, la Ville compte envoyer une mise en demeure à Radio-Canada en lien avec les dommages connus et ceux anticipés. Au moment de mettre sous presse, il a été impossible de consulter la mise en demeure.

La Ville souhaite qu’un autre reportage journalistique soit produit afin d’ajouter des informations que la Ville jugeait manquantes lors du premier reportage. « On espère que Radio-Canada va réviser sa position quant à sa visite à Saint- Hyacinthe. Quand ils nous ont approchés, on était heureux de les accueillir. On était fiers. Finalement, ils ont retenu des éléments qui venaient renforcer leur vision des boues américaines. On ne fait pas ça de gaieté de cœur. On aimerait qu’il y ait un traitement journalistique qui soit conforme à la réalité. »

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