12 janvier 2023 - 07:00
25 ans de la crise du verglas
Saint-Hyacinthe avait été laissée à elle-même
Par: Sarah-Eve Charland
Jacques Desrosiers s’est retrouvé au cœur de l’action de la crise du verglas il y a 25 ans en tant que chef du Service de sécurité publique, responsable de la planification du plan d’urgence de la Ville et responsable de la gestion du centre 911. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Jacques Desrosiers s’est retrouvé au cœur de l’action de la crise du verglas il y a 25 ans en tant que chef du Service de sécurité publique, responsable de la planification du plan d’urgence de la Ville et responsable de la gestion du centre 911. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Les quelques millimètres de verglas reçus la semaine dernière ont permis de se replonger dans des souvenirs vieux de 25 ans, moment où la région de Saint-Hyacinthe a été plongée dans une crise sans précédent. L’ancien chef du Service de sécurité incendie Jacques Desrosiers a bien accepté de partager ses souvenirs sur la crise du verglas avec LE COURRIER.

Aux premières loges de la catastrophe, Jacques Desrosiers était le chef du Service de sécurité publique, responsable de la planification du plan d’urgence de la Ville et responsable de la gestion du centre 911. En 1998, il avait alors critiqué vivement la gestion de la crise par Hydro-Québec et la Sécurité civile. Au cours des premiers jours, les informations arrivaient au compte-gouttes, se souvient-il, laissant ainsi la région dans l’inconnu face à l’ampleur du sinistre et la durée que cela prendrait avant un retour à la normale.

« On aurait dit que l’histoire du Titanic se répétait. Le titan de l’électricité venait de crouler sous les poids du verglas. Simonak (sic) que ça a été compliqué et long avant d’avoir l’heure juste de leur part », avait-il dénoncé lors d’un discours tenu au congrès de l’Association de chefs de services des incendies du Québec en juin 1998.

Aujourd’hui, M. Desrosiers se montre plus modéré, même s’il reconnaît que la communication avec le gouvernement était déficiente. Fort heureusement que la Ville avait déjà réfléchi à son plan de mesures d’urgence, poursuit-il. « Les communications étaient l’une des grandes faiblesses d’Hydro-Québec. Ça a fait en sorte qu’il a fallu que le Comité des opérations d’urgence de la Ville prenne les devants pour organiser autant le chauffage dans les maisons que les centres d’hébergement. Au début, on ignorait complètement l’ampleur du désastre et le temps que ça prendrait. On travaillait plus vite que les informations d’Hydro-Québec rentraient. On nous disait [que ça durerait] seulement quelques jours, mais c’était quand même quelques jours dans le froid. »

« Pour Hydro-Québec, le Québec est grand, précise-t-il. Pour avoir un relevé de l’étendue de tous les dommages, ça prend des moyens pour aller vérifier sur place. On était critiques parce qu’on attendait des informations pour nous organiser. Le Québec est grand. Avant que tout le monde réussisse à se parler, c’était long », admet-il.

Un plan de mesure d’urgence mis à l’épreuve

Les souvenirs sont encore vifs. À l’époque, Jacques Desrosiers était en vacances lorsque son adjoint l’a contacté pour lui signaler qu’il y avait de nombreuses pannes de courant à Saint-Hyacinthe. Il s’est alors déplacé à la caserne pour comprendre la situation. L’heure était grave. Les déplacements des véhicules étaient entravés sur les routes par d’épaisses couches de glace. Des fils pendaient au-dessus des rues et s’entremêlaient à des amoncellements de branches. Il n’y avait aucune possibilité de faire le plein de carburant pour les véhicules des services d’urgence, les automobilistes et les génératrices autant résidentielles que municipales. Les magasins et les épiceries n’étaient plus opérationnels. Les institutions bancaires étaient fermées et il n’était plus possible d’utiliser les cartes de crédit.

« Le manque d’information d’Hydro- Québec a incité les membres du Comité des opérations d’urgence à procéder par anticipation dès les premières heures de la crise. C’est de cette façon qu’a débuté la mise en œuvre des mesures pour sécuriser et réconforter la population, car les prévisions météo étaient loin d’être rassurantes. »

C’est que la Ville élaborait depuis environ deux ans un plan de mesures d’urgence. M. Desrosiers avait suivi une formation au Collège de la sécurité civile, situé à Arnprior en Ontario de 1984 à 1991, permettant à la Ville de préparer un plan de mesures d’urgence.

« C’était un événement extraordinaire qui a mis à l’épreuve ce qu’on était en train de fignoler. En raison de l’ampleur de l’événement, tous les services ont été mis à contribution. Ces gens-là n’avaient jamais eu l’occasion de se réunir dans une même salle pour mettre en place les mesures longuement réfléchies. Chacun était surpris de voir l’ampleur des événements et la façon dont les communications du gouvernement étaient gérées », se remémore-t-il.

Trois tempêtes

Entre le 5 et le 9 janvier 1998, trois tempêtes successives de verglas avaient privé d’électricité 1,5 million d’utilisateurs au Québec, dont ceux de la région pendant cinq semaines.

Il se rappelle que le maire Claude Bernier avait pris l’initiative de trouver du bois de chauffage en grande quantité. La Ville connaissait le nombre de maisons ayant un poêle à bois. Elle a même réussi à trouver suffisamment de bois pour en donner aux villages voisins.

Avant que la Sûreté du Québec ne remplace le corps policier de Saint-Hyacinthe, le chef des pompiers était responsable de la gestion du centre 911. Au moment de la crise du verglas, M. Desrosiers a dû mettre en place un système de radio de communication intégré permettant de maintenir les communications en situation d’urgence. Cela a permis aux services d’incendie, d’ambulanciers, des policiers et des travaux publics de communiquer et de coordonner leurs activités.

Rappelons que le réseau électrique d’Hydro-Québec a été sévèrement touché. Pas moins de 900 pylônes électriques et 24 000 poteaux de bois s’étaient effondrés. La crise du verglas a coûté deux milliards de dollars à Hydro-Québec en reconstruction et en amélioration du réseau.

Une retraite bien méritée

Jacques Desrosiers a pris sa retraite au début des années 2000, mais est resté bien impliqué. Il a travaillé pendant quelques années comme consultant et a, par la suite, contribué à la rédaction du schéma de couverture de risque à la MRC des Maskoutains. Il ne souhaite pas jouer à la belle-mère, précise-t-il, mais il observe de loin ce qui se passe au niveau local.

Les pompiers de Saint-Hyacinthe travaillent sans convention collective depuis 2019. Les tensions entre le Service de sécurité incendie et la Ville persistent. « Je me rappelle une époque où les pompiers avaient de la difficulté avec la Ville. Il y avait une différence marquée entre la reconnaissance des acquis des pompiers à temps partiel et les employés réguliers aux yeux de la Ville. C’est ce qui avait amené à la syndicalisation des pompiers. Il y avait un climat [difficile]. On semble percevoir qu’il n’y a pas encore d’équité avec les employés à temps partiel et le reste du personnel », observe M. Desrosiers.

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