14 novembre 2019 - 14:18
Biométhanisation : le volet « bac brun » enterré
Saint-Hyacinthe et la RIAM déchirent leur entente
Par: Benoit Lapierre
Réjean Pion, directeur général de la Régie intermunicipale d’Acton et des Maskoutains. Photothèque | Le Courrier ©

Réjean Pion, directeur général de la Régie intermunicipale d’Acton et des Maskoutains. Photothèque | Le Courrier ©

Avouant son incapacité à traiter par biométhanisation le contenu des bacs bruns que lui confie depuis cinq ans la Régie intermunicipale d’Acton et des Maskoutains (RIAM), la Ville de Saint-Hyacinthe a pu obtenir de sa partenaire la résiliation de l’entente de 10 ans qu’elle avait signée avec elle le 5 décembre 2014.

Le sort de l’entente s’est joué à la réunion du conseil d’administration de la RIAM du 23 octobre, dont le procès-verbal n’est pas encore disponible. Le COURRIER a néanmoins appris que, des 25 municipalités membres, seulement sept ou huit se sont opposées à l’annulation de cet accord qui ne devait prendre fin que le 31 décembre 2025. Notons qu’au conseil d’administration de la Régie, Saint-Hyacinthe possède deux sièges et 16 voix, contre un siège et une voix pour chacune des 24 autres municipalités. Ensemble, elles auraient donc pu empêcher l’annulation de l’accord, si elles l’avaient voulu.

C’est d’ailleurs une possibilité qu’avait soulevée le directeur général de la Ville de Saint-Hyacinthe, Louis Bilodeau, dans « l’état de situation » qu’il a transmis à la RIAM le 8 octobre, avec un « avis de défaut » signé par la conseillère juridique de la Ville, Me Isabelle Leroux, au sujet d’une clause de l’entente touchant le contenu des bacs bruns. Apparemment, cet avis n’a pas fait l’objet d’une résolution du conseil municipal.

« Évidemment, la Régie intermunicipale pourrait choisir de faire valoir ses droits et d’exiger que la Ville respecte son contrat jusqu’au 31 décembre 2025, mais le constat [est que] des matières organiques livrées ne respecte[nt] pas les clauses de la convention, ce qui pourrait nous amener devant les tribunaux », fait valoir le dg dans sa missive. Il s’agit de l’un des documents à caractère public que la RIAM a transmis au COURRIER dans ce dossier, à sa demande.

M. Bilodeau explique que 90 % du contenu des bacs – feuilles, gazon, résidus de jardin, branches de diverses grosseurs et même des arbres complets – n’est pas compatible avec le procédé de biométhanisation et qu’on y trouve aussi des contaminants : appareils électroniques, matériaux de construction, béton, plastique, batteries d’auto, vêtements, etc. « Confrontées à pareilles matières, nos équipes ont tenté différentes approches pour intégrer le contenu de la collecte des bacs bruns par biométhanisation. Notre détermination à réussir était motivée par le fait que le Programme de traitement des matières organiques par biométhanisation et compostage du ministère de l’Environnement (PTMOBC), qui finance les deux tiers des investissements en biométhanisation, exige que chaque filière soit en mesure de traiter les matières organiques en provenance des bacs bruns », souligne-t-il.

Voilà pourquoi, écrit-il, la Ville « s’est acharnée » durant quatre ans et demi à solutionner le problème par tous les moyens – déchiquetage, broyage, dilution par injection d’eau, tri à la main -, mais sans succès.

Rappelons que, pour concrétiser les phases I et II de son projet de biométhanisation, la Ville de Saint-Hyacinthe a touché en subventions 53,6 M$, dont 42,2 M$ du gouvernement du Québec, sur un investissement global de 80 M$.

« Dans l’état actuel des choses, le type de matières organiques livré par la RIAM ne peut définitivement pas être traité par biométhanisation à cause de sa trop grande composante ligneuse et la présence élevée de contaminants », conclut Louis Bilodeau.

Dans un document annexe contenant l’historique du dossier « bacs bruns » à la Ville, il est mentionné que la première réception des matières provenant de ces bacs a eu lieu le 27 mai 2014 en présence du président de l’entreprise qui fabrique les broyeurs Hybag. « Nous avons alors été surpris de constater qu’il n’y avait pratiquement que du bois dans la benne du camion. Immédiatement, les gens de la compagnie Hybag nous recommandent de ne pas insérer ce voyage dans leurs équipements », peut-on lire.

Malgré cette constatation peu rassurante, l’entente de 10 ans entre la Ville et la RIAM pour la livraison du contenu des bacs bruns au Centre de valorisation des matières organiques (CVMO) sera signée six mois plus tard.


Les coûts explosent

À la suite de l’annulation de l’accord Ville-RIAM qu’ils ont autorisée, les membres de la Régie devront faire face à une augmentation des coûts de gestion des matières organiques découlant principalement de leur détournement vers le centre de compostage de Bury, dans les Cantons-de-l’Est.

Pour l’année 2019 seulement, la Ville estime que la gestion des 10 000 tonnes de matières reçues – 85 % de résidus verts (feuilles, branches, gazons), 10 % de corps étrangers et seulement 5 % de résidus de table – va lui coûter 1 146 200 $, alors qu’elle recevra 412 600 $ de la RIAM en vertu de l’accord, encaissant ainsi une perte de 733 600 $. « Il en fut de même pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018, et ce, en sus de l’usure prématurée des équipements », ajoute Louis Bilodeau dans la lettre.

À leur réunion du 20 novembre, les administrateurs de la RIAM devront donc se prononcer sur une modification du budget 2020 de l’organisme (9,6 M$) adopté le 25 septembre. Après leur avoir soumis quatre scénarios, le directeur général de la RIAM, Réjean Pion, leur a proposé d’accepter une hausse budgétaire de 600 000 $ afin que le manque à gagner de Saint-Hyacinthe soit comblé. Au lieu d’environ 10 $ par porte résidentielle, la facture refilée aux petites municipalités grimperait ainsi à 22 $ la porte pour le transport des matières organiques au CVMO, selon ses chiffres.

Ce changement budgétaire survient à la 5e et dernière année du contrat de cinq ans détenu par l’entrepreneur actuellement chargé de la collecte à trois voies. L’appel d’offres pour un nouveau contrat de cinq ans sera lancé en 2020, vraisemblablement sur de nouvelles bases. « Ce qui se dessine, c’est que les matières organiques n’iront plus à la biométhanisation », a indiqué Réjean Pion.

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