13 octobre 2022 - 07:00
Saint-Hyacinthe impose un gel sur la construction d’immeubles à logements
Par: Sarah-Eve Charland
Le nouveau règlement a été présenté aux promoteurs et professionnels du domaine de la construction. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Le nouveau règlement a été présenté aux promoteurs et professionnels du domaine de la construction. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

La Ville de Saint-Hyacinthe s’est accordé un pouvoir spécial qui vise à geler toute demande de permis de construction pour des immeubles de cinq logements et plus. Afin de faire mentir les sceptiques dénonçant le manque de vision en densification, les élus se donneront donc le temps d’élaborer un nouveau plan d’urbanisme qui s’arrimera avec la capacité des réseaux d’égout.

Saint-Hyacinthe connaît une croissance accélérée de ses développements résidentiels depuis quelques années. En 2021, la Ville avait connu une hausse exceptionnelle de 96,7 % en investissements en se basant sur les permis de construction qui ont été délivrés. Tout annonce que l’année 2022 sera aussi fructueuse alors que le bilan de mi-année dressait une hausse de 63,5 % de la valeur en investissements. Le conseil municipal en est venu à adopter, le 6 septembre, un règlement concernant la densification qui impose tout simplement un gel sur l’ensemble du territoire à l’exception de quelques zones où la Ville assure que les réseaux d’égout sont en mesure de gérer les eaux usées de nouveaux développements.

En décembre 2020, la Ville a dévoilé son Plan de gestion de débordements qui consiste à mettre à niveau les principales infrastructures de traitement des eaux usées et à séparer les conduites d’égouts unitaires sur le territoire. La Ville avait alors estimé que l’ensemble des investissements s’élèverait à 105 M$ sur cinq ans. En 2020, 1317 déversements d’eaux non traitées dans la rivière ont été répertoriés.

À ce moment-ci, il reste encore plus de 100 km de réseau unitaire, qui envoie les eaux usées et les eaux pluviales à l’usine d’épuration, sur le territoire maskoutain. Tous ces nouveaux développements créent donc d’autres surverses jugées non conformes par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.

« On voit des promoteurs qui font des acquisitions de deux ou trois immeubles et font un remembrement pour construire avec une densité plus forte. Quand ça se passe partout sur le territoire, il faut regarder la capacité des réseaux d’égout. On a constaté, grâce à une analyse pointue réalisée par le Service du génie, que la capacité des réseaux est limitée dans certains secteurs, surtout qu’on est déjà en situation de surverse quand on a des coups d’eau », explique le directeur général de la Ville de Saint-Hyacinthe, Louis Bilodeau.

À quelques exceptions

Certains quartiers, comme le centre-ville, seront exemptés de ce règlement. Ils sont situés principalement sur l’axe des routes 137 et 116. Notamment, le projet du Groupe Fari sur le terrain des Sœurs de la Présentation de Marie et le projet Biophilia ne seront pas touchés par ce gel. En plus de s’appuyer sur la capacité des réseaux d’égout, Saint-Hyacinthe veut miser sur une densification près des services de proximité et de transport collectif. Il resterait 50 millions de pieds carrés à développer dans les zones où il est toujours possible de déposer des projets.

« C’est aussi l’occasion pour la Ville de dire aux promoteurs : on veut travailler avec vous, mais on ne veut pas vous faire perdre votre temps et votre argent à tenter de faire des acquisitions de terrains pour lever des projets alors qu’on sait déjà que les réseaux n’en ont pas la capacité », poursuit M. Bilodeau.

D’autres secteurs pourront être développés de façon densifiée à condition d’avoir une attestation du Service du génie de la Ville. Dans ces secteurs, la construction devra donc se réaliser avec un souci de ne pas augmenter les quantités d’eaux usées. Par exemple, le quadrilatère où se trouve la Place Blanchet se situe dans les zones visées par cette disposition.

« On voulait trouver une solution pour diminuer les rejets d’eaux d’usées, ajoute le maire de Saint-Hyacinthe, André Beauregard. Si vous voulez créer des logements [à ces endroits], vous devez trouver des solutions de rechange, que ce soit des bassins de rétention ou peu importe. Il faut que le promoteur nous prouve que le nouveau projet n’amènera pas plus d’eau dans nos réseaux pour ne pas créer de surverses additionnelles ».

Ce règlement temporaire demeurera en vigueur jusqu’à l’adoption d’un nouveau plan d’urbanisme. Le dernier remonte à 2010. On estime que cela prendra entre 18 et 24 mois pour terminer le processus durant lequel la population sera mise à contribution, assure-t-on à la Ville.

Les promoteurs rencontrés

Une quarantaine de promoteurs, de constructeurs et d’autres professionnels du domaine de la construction avaient été invités à une séance d’information le 6 octobre. Plusieurs employés municipaux ont répondu à leurs questions. Leurs inquiétudes reposaient principalement sur le délai avant un retour à la normale.

« Les projets coûteraient plus cher maintenant avec, par exemple, des bassins de rétention que si on attendait que les stations de pompage soient mises aux normes. Est-ce que ça veut dire qu’on n’aura pas besoin de faire les mesures de mitigation qui sont demandées dans certaines zones dans trois ou quatre ans? », a demandé le promoteur et courtier immobilier Vincent Lainesse.

Le conseiller technique aux infrastructures, Jocelyn Bazinet, a souligné que la problématique des surverses ne sera pas entièrement réglée avec la mise aux normes des stations de pompage. Si la Ville voulait séparer aujourd’hui tous les réseaux unitaires sur son territoire, la facture varierait entre 600 M$ et 900 M$.

« La Ville a une capacité maximale de payer, poursuit la directrice générale adjointe, Chantal Frigon. Ce n’est pas un puits sans fond. Le conseil est très sensible à la question. L’orientation est claire. Il veut qu’on accélère le développement. Ça passe aussi par une mise à contribution des promoteurs. Dans certains cas, il y aura peut-être des promoteurs qui vont préférer attendre. Ça vous appartient. Ça ne veut pas dire que tout sera réglé dans trois ans. On a des chantiers pour des années. »

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