Dans une décision rendue le 9 octobre, la Régie de l’énergie a ordonné à Énergir de réclamer les pénalités de « déséquilibre », qui s’élèvent à 825 413 $, à la Ville de Saint-Hyacinthe. La Ville a appris la mauvaise nouvelle cinq jours après la décision. La directrice générale de la Ville, Chantal Frigon, assure que l’administration n’a jamais été mise au courant des démarches devant la Régie. « On savait qu’on ne rencontrait pas les seuils d’équilibre à l’époque, mais on ne connaissait pas les impacts auxquels on s’exposait », mentionne-t-elle.
La conseillère média d’Énergir, Elaine Arsenault, tient à préciser que le dossier judiciarisé était beaucoup plus large que la question spécifique portant sur les seuils d’équilibre. Il concernait, entre autres, la mise en place de mesures relatives à l’achat et à la vente de gaz naturel renouvelable, le traitement de fourniture de gaz et les demandes relatives à l’approbation des caractéristiques de contrats. « La Ville de Saint-Hyacinthe, tout comme les autres producteurs de gaz naturel renouvelable au Québec de l’époque, n’a pas été une partie impliquée dans ce dossier », confirme Mme Arsenault.
En pleine planification budgétaire, la Ville de Saint-Hyacinthe doit trouver des pistes de solutions en urgence pour éviter de payer une telle somme. L’objectif est d’arriver à une entente avec Énergir afin d’éviter de transférer la facture aux Maskoutains. Si jamais la Ville n’arrive pas à conclure une entente, elle n’hésitera pas à entreprendre des recours juridiques.
« On a consulté nos conseillers juridiques pour connaître nos recours. Il s’avère que nous en avons. On espère ne pas se rendre là. Énergir a été avisée que nous n’allons pas payer les pénalités », dit Mme Frigon.
« On est convaincus qu’on n’a pas à payer ces pénalités, renchérit M. Beauregard. On était en rodage. On ne peut pas produire plus ou moins que ce qu’on reçoit en intrants. La Régie a été trop rigide dans l’application de la Loi. Elle n’a pas pris en compte l’historique du dossier. La Régie s’est d’ailleurs rendu compte de l’illogisme des normes de déséquilibre parce qu’elle les a changées depuis. Elle devrait avoir assez de jugement pour ne pas nous pénaliser. »
Changement de normes
En 2021, Énergir a procédé à des démarches pour hausser les seuils de déséquilibre qui ont pour conséquence de suspendre cette application le temps de réviser les normes de conditions de services et de tarification de la Régie de l’énergie, qui ont finalement été modifiées en 2022. Énergir affirme que la Ville de Saint-Hyacinthe respecte les conditions de services et tarifs depuis ces modifications.
« Il est important de souligner qu’à l’époque, il n’y avait pas de cadre réglementaire distinct pour le gaz naturel renouvelable et donc, que le projet de la Ville de Saint-Hyacinthe a dû suivre un cadre qui était loin d’être adapté à la production d’une nouvelle énergie renouvelable. La décision rendue par la Régie de l’énergie vient réitérer qu’il est essentiel de moderniser le cadre législatif et réglementaire actuel et de réduire les délais réglementaires nécessaires à l’obtention d’une décision de la part du régulateur », explique Elaine Arsenault.
C’est qu’Énergir s’était montrée tolérante aux variations dans la production de gaz naturel renouvelable par l’usine de biométhanisation de Saint-Hyacinthe parce qu’elle la considérait dans une période de rodage. Selon Énergir, « l’application des seuils de déséquilibre à la Ville, pionnière de la production de gaz naturel renouvelable, soulèverait également un enjeu d’équité puisque celle-ci se retrouverait ainsi à être pénalisée par rapport aux producteurs de GNR québécois subséquents ».
Énergir maintient que les variations dans la production de gaz naturel renouvelable de l’usine de biométhanisation n’ont pas eu d’impact véritable sur la facturation de l’ensemble des clients. La production de la Ville de Saint-Hyacinthe correspond à moins de 0,1 % de la demande quotidienne de gaz. Dans l’ensemble, la variation des injections de la Ville est diluée dans les variations quotidiennes de l’ensemble de la consommation des clients, estime l’entreprise monopole.
Mais la Régie de l’énergie ne l’entend pas de cette façon. Personne ne peut se soustraire aux règles, même si la Ville était en rodage, martèle l’instance juridique. Elle conclut qu’il ne s’agit pas de circonstances exceptionnelles ou d’événement de force majeure. Elle estime que ces manquements à remplir les obligations ont pu avoir créé un impact sur les coûts refilés aux consommateurs, « des clients captifs ». Énergir doit assumer la facture ou la transmettre à la Ville de Saint-Hyacinthe, conclut la Régie. Énergir devra soumettre un suivi quant au traitement de la facture de la Ville.
La mission de la Régie de l’énergie est d’assurer la conciliation entre l’intérêt public, la protection des consommateurs et un traitement équitable des entreprises réglementées.