« Il m’a toujours impressionné. Il avait un don, une personnalité… je n’ai jamais vu un homme aussi spécial », a livré son frère André St-Germain, pour qui son aîné a toujours été « sur un piédestal » à ses yeux. « C’était un père fantastique. Il nous impliquait toujours dans ses créations et nous demandait nos commentaires », a témoigné son fils Daniel, qui en baignant dans ce milieu, s’est lui aussi adonné à l’invention. « On a chacun [les 12 enfants] hérité de quelque chose chez lui », a-t-il expliqué.
Son oncle André a côtoyé l’énigmatique inventeur suffisamment longtemps pour se faire une idée d’où provenait son génie. « Il avait une intelligence mécanique, un esprit analytique et une imagination débordante. Son cerveau n’arrêtait jamais, c’était toujours une idée après l’autre », a-t-il observé au fil des ans.
Nul doute que le processus créatif de Jean St-Germain était très cérébral. « Son bureau c’était le restaurant. Il dessinait des barbots sur des napkins et il réfléchissait là-dessus. Il rentrait dans sa bulle – une méchante grosse bulle – jusqu’à ce qu’il trouve la solution, puis il concevait un prototype sans aucun plan », s’est rappelé son petit frère.
Un esprit aérien
Aussi hétéroclites que ses inventions puissent paraître, il en ressort néanmoins un fil conducteur : l’air. Parachutiste dans l’armée lors de sa jeunesse, il conçoit par la suite l’une de ses inventions les plus marquantes, l’aérodium. C’est en effet à Jean St-Germain qu’on doit les simulateurs de chute libre qu’on retrouve un peu partout à travers le monde aujourd’hui, comme celui du SkyVenture à Laval. Plusieurs se rappellent sans doute du concept qu’il avait d’abord développé dans un silo à Saint-Simon dans les années 1980.
Passionné du saut en parachute et d’aviation, il a aussi été un pionnier dans le développement d’appareils ultralégers comme le gyrocoptère, le raz-mut ou même une chaloupe volante! Le « pirate de l’air », comme l’appelait son cadet, ne se badrait pas de permis ou d’autorisations pour voler. Sa compréhension de l’aérodynamisme l’amène aussi à concevoir des déflecteurs d’air sur les poids lourds qui permettent de réduire la consommation d’essence.
Biberons et autres inventions
L’air, c’est bien beau pour voler, mais l’absence d’air peut aussi être utile, a très tôt compris Jean St-Germain. À 16 ans seulement, il a en effet eu l’idée d’un biberon sans air, ce qui évite aux nourrissons de développer des coliques. Il a alors vendu le concept pour 1 000 $. Une petite fortune, mais qui n’est en rien comparable aux ventes qui seront faites par la suite par la compagnie américaine Playtex, qui a popularisé le produit.
Si Jean St-Germain était un prodige de l’invention et pouvait vendre ses idées avec grand charisme, il n’avait rien d’un industriel ou d’un administrateur, a reconnu son frère. Le créatif personnage n’a cependant jamais eu de regrets pour avoir vendu des idées qui ont profité à d’autres, selon André St-Germain. Il créait, trouvait des preneurs et vendait… puis recommençait. C’était ainsi qu’il fonctionnait, a témoigné son cadet.
Il a lui-même obtenu du succès grâce à la co-invention d’un échafaudage encore aujourd’hui utilisé dans le milieu de la construction. Le briqueteur commençait à avoir le dos usé et s’est tourné vers son grand frère pour trouver une solution. L’échafaudage qu’ils ont conçu s’est avéré très populaire auprès des entrepreneurs québécois et les ventes ont explosé, s’est souvenu André St-Germain.
« Il ne créait pas seulement pour lui, mais aussi pour aider les autres ou parfois par simple curiosité », a-t-il expliqué, soulignant qu’il devait quand même faire vivre sa femme et ses douze enfants. La motoneige, création d’un autre inventeur québécois célèbre, Joseph-Armand Bombardier, doit aussi une partie de son succès à St-Germain. Au début de la production, des ingénieurs de Bombardier ont fait appel à lui pour réduire la vibration de la machine, source de plusieurs problèmes. « En une semaine, il avait trouvé la solution », a indiqué avec admiration son frère. Il a aussi conçu plus tard des poignées plus sécuritaires pour ces bolides.
De l’imagination à revendre
Celui qui valait à lui seul un département complet de recherche et développement est également derrière plusieurs créations marquantes de Saint-Simon, comme la pyramide d’énergie dotée d’un champ magnétique, la croix géante illuminée et le fameux restaurant concept l’Extra-terrasse. Même s’ils ont été plutôt éphémères, ces projets ont tout de même attiré bien des curieux vers la ville où il a passé une bonne partie de sa vie.
Jusqu’à la fin, il aura eu « toute sa tête », a raconté André St-Germain en se rappelant sa dernière visite à son chevet. Même diminué physiquement, « il me faisait rire et je voyais qu’il était encore pleinement conscient », a-t-il témoigné.
Même si l’homme n’est plus, ses idées restent bien vivantes à travers ses nombreuses inventions, reconnaissent ses proches.