Rendue à bout de souffle, la directrice et propriétaire de l’établissement, Marie-Michèle Guénette, a dû se résoudre ce printemps à écrire aux parents pour leur annoncer que si ses démarches pour faire de sa garderie un CPE n’aboutissaient pas, elle ne renouvèlerait pas les contrats de garde pour la prochaine année. Malgré l’appui qu’elle a reçu de la députée caquiste Chantal Soucy et des municipalités de la MRC des Maskoutains, le ministère de la Famille est demeuré sourd à sa requête.
« Il y a 65 garderies privées à vendre au Québec : tout le monde abandonne. Ça ressemble aux chauffeurs de taxi qui remettent leurs clés à leurs créanciers », a illustré Mme Guénette lorsque LE COURRIER l’a rencontrée à sa garderie.
Elle met donc un terme à une aventure qui a commencé pour elle il y a neuf ans, lorsque la municipalité de Saint-Simon a hérité de la Caisse Desjardins du 122, rue Saint-Édouard, après sa fermeture. Au terme d’un appel de projets, c’est son idée de convertir l’édifice en garderie qui avait été retenue et qui a pu se concrétiser grâce à une subvention de 100 000 $ provenant du Fonds de soutien aux territoires en difficulté, groupe dans lequel Saint-Simon a été placée après la fermeture de son usine Olymel.
Le plan de Mme Guénette était alors de se préparer à l’ouverture annoncée de 15 000 places en CPE et de faire ainsi entrer sa nouvelle garderie dans le réseau gouvernemental subventionné. « Au Ministère, on nous avait dit qu’on pourrait soumettre un projet, mais finalement, on a été exclus des appels d’offres à cause de notre permis de garderie privée », déplore-t-elle. Résultat, sa clientèle a toujours payé le plein tarif – entre 32 $ et 37 $ par jour par enfant en 2019, avant déduction d’impôt – au lieu du tarif de base en CPE de 8,25 $ (revenu familial net n’excédant pas 78 320 $).
Elle a calculé qu’en raison de son statut d’entreprise privée, elle devait combler un manque à gagner annuel de 200 000 $, ce qui ne lui permet pas d’offrir à ses éducatrices les mêmes salaires qu’en CPE, d’où de grandes difficultés dans le recrutement. En raison du ratio éducatrices / enfants à respecter, elle n’a jamais pu accueillir plus de 30 enfants. En mai 2015, après un important dégât d’eau au sous-sol, elle a dû assumer de sa propore poche une bonne partie des frais de nettoyage et de réparation. « En aurait-il été de même si c’était arrivé dans un CPE? Tout l’appareil gouvernemental l’aurait aidée parce que l’installation lui appartient », soulignait-elle dans un ultime appel à l’aide qu’elle a transmis le 15 mai à la députée Soucy et au ministre de la Famille, Mathieu Lacombe.
« Dans ma garderie, il n’y a pas de coordonnatrice, pas de cuisinier. C’est moi qui m’occupe de tout : l’épicerie, la cuisine, la vaisselle, le nettoyage. Je suis une personne très positive et je l’ai toujours fait sans chialer, mais à un moment donné, tout ça te rattrape », résume Marie-Michèle Guénette, une éducatrice de formation. Elle a mis sa garderie en vente au début de l’année, et des CPE de Saint-Hyacinthe, dit-elle, ont manifesté leur intérêt pour l’installation. Il est donc possible qu’un CPE prenne sa relève, mais il est hors de question qu’elle en devienne une employée à Saint-Simon, dans sa propre garderie. Pour elle, l’endroit est trop chargé de souvenirs, d’émotions. Elle cherchera plutôt un travail d’éducatrice ailleurs, à 35 h / semaine, au lieu des 70 heures qu’elle se tape depuis neuf ans pour un salaire bien moindre. Mais pour le moment, il y a un grand risque que le village perde la moitié des places en garderie que les familles pouvaient y trouver. « À Saint-Simon, il restera six garderies en milieu familial de six enfants chacune », conclut Marie-Michèle Guénette.