23 avril 2015 - 00:00
Si Saint-Hyacinthe m’était conté (5)
Par: Le Courrier
Barrage au centre-ville vers 1900. Studio B.J. Hébert, collection Centre d’histoire de Saint-­Hyacinthe, CH085-011-010-0005.

Barrage au centre-ville vers 1900. Studio B.J. Hébert, collection Centre d’histoire de Saint-­Hyacinthe, CH085-011-010-0005.

Barrage au centre-ville vers 1900. Studio B.J. Hébert, collection Centre d’histoire de Saint-­Hyacinthe, CH085-011-010-0005.

Barrage au centre-ville vers 1900. Studio B.J. Hébert, collection Centre d’histoire de Saint-­Hyacinthe, CH085-011-010-0005.


Lors du dernier article, nous avons vu que Hyacinthe-Simon Delorme s’est installé au Rapide Plat avec quelques censitaires à qui il a concédé des terres. Si le lieu se développe lentement, Delorme cherche tout de même à améliorer le sort de la ­petite communauté. Quelques années après son arrivée, il se rend compte que le moulin installé sur la rivière Delorme ne suffit pas à la tâche. Les événements qui surviendront en 1772 feront en sorte que cette année-là marquera le début d’une période de transition dans le développement de Saint-Hyacinthe.

D’abord, Hyacinthe-Simon Delorme vit un drame personnel. En effet, rappelons qu’en 1756 il épousa Marie-Joseph ­Joutras dite Desrosiers, affirme Hélène Hébert dans le chapitre consacré à l’époque seigneuriale dans le livre « Saint-Hyacinthe 1748-1998 ». L’auteure poursuit : « L’année suivante, il commence à déchiffrer sa seigneurie. Trois des ­enfants Delorme meurent en bas âge. Marie-Joseph s’éteint aussi en 1772, ­laissant au seigneur Delorme une fillette de huit ans qui porte le même prénom que sa mère ». Ainsi, en juin 1772, ­Delorme éprouve la perte de son épouse.

Un an après ce malheureux décès, ­Delorme marie en secondes noces Marie-Anne Crevier qui est alors âgée de 22 ans. L’union des deux porte ses fruits puisque Marie-Anne donnera naissance à deux enfants, dont Hyacinthe-Marie qui verra le jour le 15 août 1777. Le jeune fils ­héritera de la seigneurie de son père à la mort de ce dernier.

En dépit de son deuil, Delorme poursuit le développement de la communauté. L’historien Gilles Guertin, dans un article publié dans cette chronique, en mars 1998, résume la situation : « À partir de 1772, plusieurs événements vont concourir à la naissance de Saint-Hyacinthe. Tout d’abord, le moulin à scie installé au pied de la petite rivière Delorme souffre d’un débit insuffisant du cours d’eau. Il faut donc songer à trouver un endroit où le courant est propice. De plus, l’augmentation des terres cultivées nécessite la construction d’un moulin à farine. Une des obligations du Régime seigneurial était de fournir aux censitaires l’usage, dans la seigneurie, d’un moulin banal ».

Mais qu’est donc ce moulin banal? Le dictionnaire « Le Robert Quotidien » ­définit la banalité comme ceci : « En droit féodal, Obligations pour les gens d’une seigneurie de se servir du four, du moulin banal, moyennant redevance ». L’historien Benoit Grenier dans son livre intitulé « Brève histoire du régime seigneurial » fait le point sur le moulin banal : « En Nouvelle-France, la banalité se résumait souvent au moulin banal et au droit de mouture qui lui est associé. […] Le droit de mouture est un droit coutumier, mais que l’on inscrit aussi très souvent dans le contrat de concession; il est fixé au ­quatorzième minot de farine qui sera ­prélevé par le meunier sur les grains ­moulus. Les censitaires ont l’obligation de recourir aux services du moulin banal : ils ne peuvent ni aller dans une seigneurie voisine ni construire leur propre ­moulin. En dépit de son caractère contraignant, la banalité est aussi un ­service : le seigneur doit construire le moulin, veiller à son entretien et payer les gages du meunier. Comme aujourd’hui les divers paliers de gouvernement ­prélèvent des taxes et des impôts, la ­seigneurie prélève une partie de la production agricole en échange de services ».

Le contexte de l’époque tel qu’exprimé par Gilles Guertin amène Delorme à ­chercher un nouveau site. Dans son ­article datant de 1998, l’historien poursuit : « Le site choisi fut La Cascade, là où on construit présentement une centrale hydro-électrique. En 1772, nous avons une première manifestation d’établissement permanent sur le site de la ville ­actuelle ». Louise Voyer auteure de « Saint-Hyacinthe : de la seigneurie à la ville québécoise », continue dans la même veine : « À partir de 1780, l’établissement du ­Rapide-Plat est peu à peu supplanté par celui de la Cascade, où les concessions se font plus nombreuses. Un autre événement joue sans doute en faveur du changement du site : le choix d’un emplacement pour la future église ». L’historienne Diane Leblanc, dans sa monographie « La Présentation : 200 ans de souvenirs pour bâtir l’avenir », renchérit : « L’établissement sur ce nouveau site est renforcé par la promesse de Jacques-Hyacinthe Simon Delorme d’offrir un futur emplacement pour l’aire sacrée ».

Il faut rappeler qu’avant la construction d’une église, des prêtres itinérants se rendent « épisodiquement à la résidence seigneuriale du Rapide Plat pour baptiser les enfants, célébrer les mariages et bénir les sépultures », conclut Diane Leblanc.

Mais le décès du seigneur Delorme, en 1778, freine momentanément le ­développement de la colonie.

À suivre…

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