18 février 2021 - 07:00
Frénésie immobilière
Suivre le courant
Par: Martin Bourassa
Certains lecteurs du COURRIER ont pu croire que nous avions exagéré un brin au moment de décider du titre de notre manchette de la semaine dernière. Ceux qui trouvent que de parler de « folie furieuse » pour décrire l’effervescence du milieu immobilier maskoutain est exagéré n’ont certainement pas essayé de vendre ou d’acheter une propriété récemment.

Si c’était le cas, ils sauraient que « folie furieuse » est même un euphémisme, tant la situation actuelle tient du rêve pour les vendeurs… et du cauchemar pour les acheteurs! Surenchères, multioffres d’acheteurs sur une même propriété, ventes rapides et bien au-delà du prix affiché, offres d’achat soumises sans conditions, acheteurs désespérés qui cognent à la porte d’une propriété ciblée qui n’est même pas sur le marché de la revente, voilà autant de phénomènes qui ne sont plus réservés au marché immobilier du Grand Montréal. Même les agents d’immeubles les plus expérimentés en perdent leur latin. On me parle d’une situation inédite, voire extraordinaire.

Des exemples récents? Ce coquet bungalow de la rue de Dieppe à Douville qui vient de se vendre 375 000 $. Il était évalué à 243 000 $ et ses propriétaires en demandaient 339 000 $. Cinq ou six offres simultanées et à peine 15 jours plus tard, il trouvait preneur pour 36 000 $ de plus que le prix affiché, donc 132 000 $ de plus que l’évaluation foncière!

Je pourrais aussi vous parler de cette prestigieuse maison patrimoniale de la rue Girouard, en vente depuis cinq ans, et qui vient de trouver preneur pour un montant de 629 000 $. Ou encore de ce bungalow de La Présentation qui s’est vendu au prix de 479 000 $. Pas moins de 13 acheteurs se sont fait la lutte entre eux et ont fait grimper les enchères!

Ce vent de folie qui atteint la région s’explique en bonne partie par l’inventaire anormalement bas sur le marché maskoutain. L’offre n’a jamais été aussi rare, confirme l’Association des courtiers immobiliers du Québec (ACIQ). Elle constate que les inscriptions en vigueur, au nombre de 157, sur le marché de la revente ont chuté de moitié en 2020 par rapport à l’an dernier. Le délai de vente dans le marché maskoutain n’est plus que de deux mois environ, soit pratiquement un mois de moins qu’il y a un an.

Selon les agents immobiliers locaux, la rareté de l’offre est attribuable aux hésitations de la clientèle plus âgée à se départir de leurs propriétés, une prudence dictée par le contexte pandémique, la rareté des logements disponibles et leur prix élevé. Si on parle beaucoup de la rareté des logements sociaux à Saint-Hyacinthe, il faudrait aussi se pencher sur le besoin criant de logements abordables pour la classe moyenne et vieillissante. Ce n’est pas toutes les personnes âgées qui ont le luxe de pouvoir vendre leur maison à bon prix pour se loger dans des 3 1/2 à 1800 $ par mois pour écouler les dix ou quinze dernières années de leur vie. Et pour nombre de vendeurs en 2021, vendre à fort prix leur bungalow signifie, dans bien des cas, acheter une autre propriété ou un condo à fort prix également. Ce que le vendeur gagne d’un côté, il risque de le perdre de l’autre s’il reste propriétaire.

La présence d’acheteurs déçus provenant du Grand Montréal se confirme aussi dans une certaine mesure sur le marché maskoutain, mais pas tant que ça, notent les courtiers contactés par LE COURRIER. Les faibles taux d’intérêt incitent plutôt les acheteurs locaux à jouer le jeu risqué de la surenchère, disent-ils. C’est pourquoi le mois dernier l’ACIQ a cru nécessaire de rappeler certains courtiers à leurs obligations et d’inviter les acheteurs et vendeurs à bien cerner les risques d’un achat précipité. Une mise en garde qui n’a pas calmé les ardeurs du marché pour autant.

Un courtier d’expérience, comptant plus de 50 ans de métier, m’a confié cette semaine qu’il doutait de voir les prix fléchir de façon significative en 2021, même si la folie actuelle ne peut durer éternellement. Aux premiers acheteurs, il conseille de se préparer adéquatement, de garder la tête froide et de respecter avant tout leur capacité de payer. Les prêteurs ne sont pas toujours les meilleurs conseillers à ce niveau, même s’il ne faut pas généraliser.

Si le marché retrouvera un peu de son bon sens au fur et à mesure que l’offre de maisons à vendre reviendra à un niveau plus normal, acheteurs et vendeurs qui doivent plonger dans le marché présentement n’ont d’autre choix que de suivre le courant. Et il est particulièrement fort. On vous aura prévenu. Attachez votre tuque… et votre portefeuille avec de la broche!

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