24 novembre 2011 - 00:00
Louis Graveline enseigne le judo depuis 45 ans@ENCART:« Le judo m'a sorti de la rue et m'a sauvé »
Sur le tatami avec Louis
Par: Martin Bourassa

Louis Graveline ne vit que pour le judo, ou presque. Cette discipline fait partie intégrante de sa vie depuis près de 50 ans. Il le pratique depuis 1963, l'enseigne depuis 1966 et officie des combats depuis 1972.

Dans le merveilleux monde du judo, le nom et la réputation de Louis Graveline ne sont plus à faire. Il a formé pas moins de 54 ceintures noires, dont l’olympienne Luce Baillargeon, qui a raté de peu le podium aux Jeux de Sydney.

Arbitre de grade international A, il a officié des combats au Canada, aux États-Unis, en Allemagne, en Autriche, en Angleterre, en Hollande, au Portugal, en France et au Niger, dont des championnats du monde junior et senior.Reconnu comme un pilier du judo, M. Graveline a été intronisé au Temple de la renommée de Judo-Québec à titre de bâtisseur en 2002.À la retraite depuis 2005, il se dévoue encore corps et âme au Club de judo de Saint-Hyacinthe qu’il a fondé en 1971 et qui compte actuellement près de 120 judokas.« Louis est un fin psychologue avec les enfants, c’est magique, il a vraiment le tour. Il excelle pour détecter tous les petits problèmes et les résoudre, ce qui dépasse largement l’enseignement du judo. Il a aussi une patience à toute épreuve, » souligne Sylvie Guertin, qui partage la vie de cet homme depuis plus de 30 ans et qui assume aussi la présidence du Club de judo de Saint-Hyacinthe.Louis Graveline donne 20 classes par semaine, en plus d’entraîner tous les jours de la semaine les 13 élèves du programme sports-études de judo de l’école secondaire Fadette. « Quand j’enfile mon judogi, je ne travaille pas, je m’amuse. Le judo est la discipline par excellence, c’est l’art d’apprendre à se relever après être tombé. C’est une leçon de vie à travers le sport », confie Louis Graveline qui refuse le titre de sensei.« Mes élèves m’appellent Louis, c’est moins prétentieux! »Pour sa longue et prolifique carrière d’entraîneur et d’officiel et pour avoir porté à bout de bras depuis 40 ans le Club de judo de Saint-Hyacinthe, La Chambre de commerce et de l’industrie Les Maskoutains et Le Courrier de Saint-Hyacinthe sont heureux de faire de Louis Graveline leur personnalité du mois de novembre.

Le judo à la rescousse

Louis Graveline n’a pas eu une enfance facile. Il a vu le jour en Écosse pendant la Seconde Guerre et ce n’est que deux ans après ce conflit que sa mère et lui pourront pour rejoindre le soldat Graveline à Saint-Hyacinthe.

Toute sa vie durant, le père de Louis sera confronté à des démons liés à son passé militaire qu’il tentera de calmer dans l’alcool et la violence.De cette enfance passée dans la pauvreté, il ne garde pas tellement de bons souvenirs.Puisqu’il parlait aisément l’anglais, la langue de sa mère, on ne le ménageait pas dans la cour d’école. « J’y goûtais pas mal. J’étais l’Écossais, le « différent ». J’ai décroché et été laissé à moi-même. J’étais un petit bum, de la graine de délinquant. »C’est à 17 ans que Louis Graveline fit une rencontre significative qui allait bouleverser sa vie. En se rendant jouer aux quilles au centre des loisirs Notre-Dame, il fut intrigué par la présence de jeunes en pyjama. Il s’agissait des élèves de judo de Harold Bienvenue. Excédé de voir ce garçon en retrait à tous les entraînements, cet homme prit Louis sous son aile. Ce dernier eut tout de suite la piqûre. Il remporta le championnat de l’Est du Canada en 1966 et obtint sa ceinture noire deux ans plus tard.En plus de l’initier au judo, Harold Bienvenue fut aussi celui qui ouvrit les portes du Cégep de Saint-Hyacinthe à son élève doué. « Harold était professeur d’éducation physique et il m’a fait entrer au Cégep à titre de magasinier. J’y suis demeuré 33 ans, en plus d’avoir sous ma gouverne durant de nombreuses années les équipes de judo. J’ai aussi profité des bibliothèques du Cégep pour parfaire mes connaissances sur la psychologie, l’alimentation, les techniques d’entraînement, etc. Ma rencontre avec Harold a été déterminante et je peux dire aujourd’hui que le judo a changé ma vie. Le judo m’a sorti de la rue et m’a sauvé à bien des niveaux. »

L’art de se relever

En raison de vilaines blessures et d’une médecine sportive peu développée à l’époque, Louis Graveline dut renoncer à combattre. « J’ai subi pas moins de 14 luxations de l’épaule en deux ans, alors j’ai bifurqué vers l’enseignement. »

Le Club de judo de Saint-Hyacinthe prit naissance dans le secteur Douville en 1971, puis déménagea ses pénates au Centre culturel en 1975. Il s’y trouve toujours d’ailleurs, même si par deux fois il faillit disparaître. Le dojo fut lourdement endommagé par une inondation en 1977 et détruit par un incendie la veille de Noël en 1979. « En 1972, j’avais emprunté 2 400 $ pour acheter des tatamis. La seconde fois j’étais assuré pour 2 400 $, alors que la reconstruction m’a coûté 14 000 $. J’ai failli tout lâcher… »Il a plutôt décidé de retrousser les manches de son judogi. Il est aussi devenu arbitre afin de rembourser peu à peu ses dettes et payer les améliorations à son dojo.Le judo lui a apporté beaucoup, dont sa conjointe des 31 dernières années.« Je suis divorcé deux fois, et le judo n’est pas étranger à ces échecs. Mais c’est aussi au judo que j’ai connu Sylvie. Elle me comprend et partage la même passion, elle qui est ceinture noire 5e dan. Nous avons un fils de 19 ans, Samuel. Il a arrêté le judo à 14 ans et c’est ben correct. À chacun ses rêves. »Parlant de rêve, celui de Louis Graveline serait de déménager son dojo dans un lieu mieux adapté à la pratique de ce sport qui connaît un regain de popularité depuis l’émergence des arts martiaux mixtes que pratique le réputé Georges Saint-Pierre.« La Ville de Saint-Hyacinthe nous fait languir depuis longtemps avec un projet de déménagement. J’espère encore, car je suis un homme plutôt patient. »Heureusement pour les élus, car en plus d’être patient, ce sympathique monsieur est aussi (et surtout!) ceinture blanche-rouge 6e dan, une couleur plus élevée que la ceinture noire. La ceinture blanche-rouge reconnaît à la fois la discipline, la maîtrise extérieure ainsi que la maîtrise intérieure dont font preuve ceux qui la portent.

image