1 août 2024 - 03:00
Tendre la main aux plus vulnérables
Par: Sarah-Eve Charland
Durant la tournée effectuée en compagnie du COURRIER, la sergente Karine Picard a rencontré plusieurs personnes au parc Casimir-Dessaulles. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Durant la tournée effectuée en compagnie du COURRIER, la sergente Karine Picard a rencontré plusieurs personnes au parc Casimir-Dessaulles. Photo François Larivière | Le Courrier ©

La sergente Karine Picard participe régulièrement à des tournées au centre-ville avec des intervenants du CLSC des Maskoutains. Photo François Larivière | Le Courrier ©

La sergente Karine Picard participe régulièrement à des tournées au centre-ville avec des intervenants du CLSC des Maskoutains. Photo François Larivière | Le Courrier ©

La commerçante Stéphanie Allard, de la Brûlerie Mondor, collabore avec la Sûreté du Québec dans une approche de bienveillance. Photo François Larivière | Le Courrier ©

La commerçante Stéphanie Allard, de la Brûlerie Mondor, collabore avec la Sûreté du Québec dans une approche de bienveillance. Photo François Larivière | Le Courrier ©

« Est-ce que tu veux qu’on t’aide? » demande le travailleur social Éric Lapierre à une personne errante au parc Casimir-Dessaulles. Cette simple phrase est parfois la première étape permettant à des personnes en situation d’itinérance ou à risque d’itinérance d’améliorer leur sort.

Éric Lapierre est chef d’équipe Proximité itinérance et suivi d’intensité variable au CLSC des Maskoutains. À raison de deux fois par semaine, des intervenants de l’équipe se promènent au centre-ville en compagnie d’un policier de la Sûreté du Québec pendant près d’une heure. L’objectif est d’entrer en contact avec des personnes qui n’adhèrent pas aux services plus conventionnels des services sociaux.

« L’objectif est d’être à proximité des personnes dans le besoin. On va dans leur milieu. On crée un accès plus facilitant que ce que le réseau peut offrir. Lorsque ces personnes sont intégrées à des services et sont plus stabilisées, on se retire du dossier », explique le travailleur social.

LE COURRIER l’a rencontré au CLSC des Maskoutains situé au centre-ville de Saint-Hyacinthe. Son emplacement n’est pas anodin. Il permet à la clientèle de ne pas associer le CLSC à l’intimidant hôpital, souligne M. Lapierre. Après avoir discuté quelques minutes, on se joint à la tournée menée par M. Lapierre et la sergente et coordonnatrice communautaire de la Sûreté du Québec, Karine Picard. On se dirige vers le parc Casimir-Dessaulles.

Ayant en main un contenant rempli de viennoiseries et de sandwichs, gracieuseté du Café Van Houtte, M. Lapierre brise facilement la glace avec plusieurs personnes regroupées au kiosque Léon-Ringuet. Pour la plupart, elles connaissent son collègue de l’équipe Proximité qui a fait une tournée semblable dernièrement.

« J’ai faim. J’ai tellement faim! » s’exclame l’un d’entre eux. Il s’empare d’un gâteau qu’il mange en deux bouchées. Ça tombe bien, ça lui permet de faire la connaissance du travailleur social. C’est un nouveau visage, me dit M. Lapierre. Ce dernier en profite pour se présenter, lui expliquer les services au CLSC et à quel endroit il peut obtenir un repas en échange d’un bon qu’il lui remet.

À quelques pas de là, un homme assis dans les marches du kiosque mange un croissant. Il raconte qu’il a quelques démêlés avec la justice, mais qu’il ne sait pas comment se défendre. Pour le moment, il vit en colocation avec une amie. L’intervenant lui demande s’il a fait appel à l’aide juridique. Mais sans papiers d’identité, c’est impensable. « Est-ce que tu veux qu’on t’aide? On est capable de s’occuper de ça. »

Parfois, il faut commencer à la base, soit retrouver les papiers d’identité et permettre à ces personnes de revenir dans le système, mais toujours dans l’idée de ne pas imposer une intervention ou de faire la morale.

« Avant, on croyait savoir ce qui était bon pour eux, mais les bonnes pratiques ont changé. Aujourd’hui, on leur demande plutôt ce qui pourrait les aider. C’est sécurisant pour eux. C’est eux qui choisissent quand ils donnent leur accord. Sur le coup, ils peuvent dire non, mais ils savent que l’aide existe. Ils l’ont entendu », souligne la sergente Picard.

« Il y en a un à qui on a dit 10 fois qu’on pouvait l’aider. La semaine dernière, il est venu nous voir de lui-même au CLSC », renchérit M. Lapierre.

En quelques minutes, le contenant de nourriture s’est vidé, mais les discussions sont bien lancées. De son côté, la sergente a remis un bon échangeable pour un café à la Brûlerie Mondor à un homme assis en retrait sur un banc. « On les achète nous-mêmes. Au bureau, on se fait des petites gageures et on utilise l’argent pour acheter ces cafés. C’est un bon moyen d’engager la conversation », ajoute-t-elle.

Café et bienveillance

On termine notre tournée sur la rue des Cascades. On recroise d’ailleurs l’homme du parc à la sortie de la Brûlerie Mondor, un café à la main.

Les deux propriétaires du commerce, Stéphanie Allard et Marie-Maude Viens, collaborent d’ailleurs avec l’équipe Proximité itinérance et la Sûreté du Québec. Ayant des yeux sur le terrain, elles observent si une personne change de comportement ou encore si elles n’ont plus de nouvelles de certains. Ce n’est pas surprenant en sachant qu’elles travaillaient auparavant en intervention. Lorsqu’elles ont acquis le commerce il y a près d’un an, il était évident qu’elles allaient adopter une approche de bienveillance.

« On a une règle très simple. Si tu passes le seuil de la porte, c’est parce que tu sais vivre. Peu importe l’être humain, on traite tout le monde avec dignité. Ça va faire un an la semaine prochaine qu’on a acquis la Brûlerie. C’est arrivé à deux reprises qu’on nous a manqué de respect. Le mot est passé entre eux et ce n’est plus arrivé. Ils ne voulaient pas perdre leur place », raconte Mme Allard.

Les clients peuvent acheter des cafés en attente qui seront offerts aux personnes plus vulnérables. Un petit écriteau sur le comptoir indique d’ailleurs le nombre de cafés encore disponibles. « Au début, ils prenaient leur café et partaient tout de suite. On leur a dit qu’ils pouvaient s’asseoir et prendre le temps de le boire. Il y en a un qui voyait que des clients lisaient le journal en buvant leur café. Il a commencé à lire le journal et il a compris qu’il pouvait s’informer de cette façon. On voit beaucoup d’apprentissages par mimétisme », mentionne la commerçante.

En quittant la sergente Picard cet après-midi-là, on s’est dit que la situation de l’itinérance au centre-ville finira par s’améliorer une tournée et un café à la fois.

image

Une meilleure expérience est disponible

Nous avons détecté que vous consultez le site directement depuis Safari. Pour une meilleure expérience et pour rester informé en recevant des alertes, créez une application Web en suivant les instructions.

Instruction Image