27 janvier 2022 - 07:00
Transparence municipale : plus ça change, plus c’est pareil
Par: Le Courrier

Drôle de cadeau de Noël offert à l’unanimité par le conseil municipal aux citoyens maskoutains le 20 décembre dernier : une mécanique ouvrant plus large encore le recours à des ententes secrètes entre le secteur privé et la Ville, négociées et entérinées en toute confidentialité, en esquivant le passage, normalement obligé, d’une résolution au conseil municipal et donc soumise à l’œil public des citoyens et des médias.

Auparavant, l’administration précédente y allait à la pièce lorsque venait le temps de s’éloigner de la transparence; une entente secrète pour le Centre de congrès, puis une autre pour Exceldor. L’administration actuelle a choisi de pouvoir procéder plus rondement : le maire et le directeur général pourront signer toute entente permettant d’utiliser l’argent des contribuables pour aider financièrement une entreprise privée jusqu’à concurrence de 250 000 $.

Certes, la résolution adoptée mentionne que les conseillers doivent eux aussi dire oui aux ententes secrètes. Si l’on se fie à la feuille de route de dissidence politique publique et de décisions renversées de la part des conseillers plus que minces, ce que directeur général et maire voudront, contribuables paieront.

Les contribuables seront aussi les derniers mis au courant, en aval de projets qui ont des impacts sur une foule de sujets qui les concernent comme citoyens : urbanisme, développement immobilier, espaces verts, circulation routière, qualité de vie pour ne nommer que ceux-là.

Un conseil municipal n’est ni un club privé ni une assemblée d’actionnaires

On ne gouverne pas une Ville comme on gère une entreprise privée. Une Municipalité n’est pas une assemblée d’actionnaires ni un club privé où une poignée de personnes décide en catimini de choix qui auront une incidence sur le milieu de vie des gens.

La démocratie, peu importe son palier, a ses exigences et ses obligations : transparence, nature publique des décisions, reddition de comptes. Force est de constater que M. Beauregard endosse et reproduit la manière de faire éprouvée à l’Hôtel de Ville où l’on préfère la confidentialité et les portes closes.

Il n’y a rien de rassurant pour la santé de notre démocratie de proximité à lire dans les pages d’une édition précédente du COURRIER que des juristes spécialisés en droit municipal s’interrogent sur le mode de fonctionnement décisionnel et la valeur d’un éventuel accord donné par les conseillers dans le cadre de ces ententes secrètes.

Des promesses électorales bien vite oubliées

Minimalement, M. Beauregard se doit d’éclaircir les zones d’ombre soulevées, lui qui avait pourtant écrit dans son feuillet électoral qu’une de ses « priorités essentielles » était : « [d’] améliorer la communication avec les citoyens et les médias en faisant preuve d’ouverture et de transparence ». Cependant, il serait beaucoup plus avisé de carrément laisser tomber la pratique des ententes secrètes pour mieux respecter ses promesses électorales.

Dans la même veine, il sera très intéressant de voir si le maire Beauregard passera de la parole aux actes dans les mois qui viennent, lui qui avait repris l’un des engagements de Saint-Hyacinthe unie en campagne sur plus d’une tribune, soit celui de limiter les huis clos lors des séances plénières du conseil municipal pour favoriser la transparence. À voir la trajectoire choisie jusqu’ici, le scepticisme est de mise.

Pendant ce temps à Granby

Alors qu’à Saint-Hyacinthe, nos élus municipaux actuels solidifient la culture du secret pour gouverner la Ville, Granby fait autrement : depuis 2021, la Municipalité est devenue une des premières au Québec à obtenir la certification ISO 37 001, qui met de l’avant un changement de culture dans l’administration municipale et qui vise à prévenir la corruption, en mettant de l’avant des normes d’intégrité, de conformité et de transparence au sein de l’appareil municipal.

Difficile d’imaginer une mécanique d’ententes secrètes sans résolution pour une ville située à quelques kilomètres de la nôtre, gouvernée différemment. Saint-Hyacinthe unie continuera de plaider pour l’adoption de cette norme chez nous, qui promeut des pratiques exemplaires en matière de gouvernance.

La transparence : loin de dénuder le municipal

« La transparence ne veut pas dire se mettre à nu », dixit André Beauregard. En revanche, la transparence est un principe démocratique essentiel qui ne saurait être réduit à un vêtement d’apparat qu’on sort une fois tous les quatre ans dans lequel on se drape pour se donner belle apparence.

À peine trois mois après les élections, c’est quat’ trente sous pour une piasse, comme dit l’adage populaire. Certes, le nouveau maire s’inscrit dans la continuité. La continuité dans l’opacité. Plutôt qu’un cadeau enveloppé de secrets, les Maskoutains seraient mieux servis par une résolution de transparence pour la nouvelle année.

Marijo Demers, cheffe de Saint-Hyacinthe unie

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